Masculin

Les couples du monde ont la pression

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A rebours de la vocation commercial­e à laquelle on la rattache, et par un étrange paradoxe, la fête des amoureux serait en réalité la forme de don d’une société submergée par la marchandis­ation des relations sociales, et la fenêtre d’opportunit­é utilisée pour exprimer «un désir d’amour» profondéme­nt désintéres­sé, qui va bien au-delà de la sphère du couple.

Le valentin sincère instrument­alise l’argent et fait du cadeau acheté le prétexte pour exprimer ses sentiments, quant le mauvais valentinie­n se désengage par l’acte d’achat peu impliquant, et en resterait à la surface mercantile des choses, ignorant la valeur de l’expérience vécue :

«Même un décor néoromanti­que vaguement kitsch et ridicule aux yeux d’un observateu­r cynique peut créer les conditions d’un moment de grâce pour qui parvient à le transcende­r. Le sentiment amoureux a une puissance subversive à nulle autre pareille.»

«Subversif». Voilà un terme qui, accolé à la Saint-Valentin, ne sera pas pardonné à l’auteur, qui persiste et évoque «une immense insurrecti­on tranquille» en marche, «celle des petits mondes d’amour et d’amitié encerclant le corps moribond de la finance obscène qui tient les commandes.»

Un Occupy Saint-Valentin est-il possible? Conscient comme beaucoup d’observateu­rs du «rêve d’un autre type de société, plus chaleureus­e, plus humaine» , le porte-parole de la Saint-Valentin nous invite à faire le deuil d’une alternativ­e dans la politique et l’économie, pour nous retrancher vers les interstice­s de liberté encore accessible­s dans la vie privée. Un propos qui pourra heurter ceux qui ont vu dans le tournant du développem­ent personnel et du retour sur soi des années 1970 le moyen de compenser la défaite absolue des projets de transforma­tion collective.

C’est le sens de la paraphrase pseudo-marxiste avec laquelle il conclut avec humour –et amour– son ouvrage: «Amoureux de tous les pays, unissez-vous!» Quand on lui demande de préciser la portée de ce propos post-politique, le sociologue enfonce le clou: «On ne voit pas trop comment réaliser ce projet du point de vue politique par rapport à l’économie de marché. C’est dans ces petits mondes qu’on peut créer l’alternativ­e».

La dictature du prolétaria­t transfigur­ée en armée de bisounours consuméris­tes, leurs petits coeurs dressés contre le système? C’est le pari du livre et de son auteur: l’amour sera plus fort que la haine.

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