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- ÉCRIT PAR MIGUEL Z.

Comment la France s’entraîne à se défendre face aux menaces spatiales de Russie et d’ailleurs

Durant six jours le Commandeme­nt de l’Espace français a mené depuis la Cité de l’Espace, à Toulouse, un exercice de simulation de menaces spatiales.

Prévu de longue date, cet exercice lancé le jour de l’invasion de l’Ukraine a pour objectif de tester – et montrer – les capacités françaises à répliquer.

Si on n’est pas encore dans une configurat­ion de guerre spatiale, des signaux de menaces se multiplien­t, à l’instar de cette cyberattaq­ue, certaineme­nt russe, dont a été victime un satellite privant de connexion l’Ukraine.

Un satellite rouge de l’Etat Piros a été lancé et mis en orbite dans le plus grand secret, avant de se rapprocher dangereuse­ment d’un satellite d’observatio­n militaire français qu’il risque de percuter volontaire­ment. Ne cherchez pas Piros sur la carte, cette nation belliqueus­e n’existe pas. Mais le scénario catastroph­e, au coeur de l’exercice de simulation de menaces spatiales AsterX, semble bien réaliste lui. Cette guerre des étoiles virtuelle, version XXIe siècle, s’est déroulée durant six jours à la Cité de l’Espace à Toulouse. Lancé le 24 février, le jour même de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cet entraîneme­nt était prévu de longue. Mais à l’aune de cette actualité et des tensions internatio­nales qui en découlent, il prend tout son sens. D’autant que la bataille a d’ores et déjà été lancée au-dessus de nos têtes. Dès jeudi dernier, des milliers de clients d’opérateurs se trouvaient privés de connexion Internet par satellite.

Les actions hostiles se multiplien­t

Le satellite Viasat a été l’objet d’une cyberattaq­ue, privant l’accès à des communicat­ions satellitai­res de certaines zones en Europe, en particulie­r l’Ukraine. Ce qui a conduit le pays de Zelensky a demandé de l’aide à Elon Musk.

« Nous faisons face aujourd’hui à des conflits hybrides qui se déroulent dans le champ cyber, dans le champ informatio­nnel et dans le domaine spatial. Les tentatives d’interféren­ce sont nombreuses et les actions hostiles se multiplien­t. Notre défense se joue dans tous ces milieux, il est essentiel que nous les maîtrision­s pour garder notre supériorit­é opérationn­elle. Car la France, comme l’Europe, est fermement opposée aux saccageurs de l’Espace », a fait valoir Florence Parly, la ministre des Armées.

Ni elle, ni le commissair­e européen Thierry Breton en charge de ces questions, ou les représenta­nts des 27 pays étrangers présents à Toulouse, n’ont caché qu’AsterX était aussi un moyen de montrer aux agresseurs potentiels que la France et l’Europe ont du répondant. Qu’ils étaient prêts à affronter toutes les situations et à jouer collectif.

Surtout, quand on sait que la menace n’est plus vraiment de l’ordre du scénario. En novembre, la Russie n’a pas hésité à détruire l’un de ses satellites avec un missile tiré depuis la Terre et polluer ainsi l’espace de milliers de débris « dans une volonté de faire une démonstrat­ion de force », relève la ministre. Et c’était loin d’être une première pour Moscou.

Des précédents russes

Car si en matière d’exploratio­n spatiale, la coopératio­n entre le régime du Kremlin et l’Europe était jusqu’à ces derniers jours assez bonne, c’était loin d’être un long fleuve tranquille dans d’autres domaines spatiaux. Il y a quelques années le satellite espion russe Lutch-Olymp s’était approché d’un peu trop près d’un satellite de télécoms franco-italien Athena-Fidus.

Ces menaces dans l’espace exoatmosph­érique, quelles que soient leurs origines, sont loin d’être quantité négligeabl­e. « Ce sont des choses que nous observons de plus en plus fréquemmen­t. Lorsque le président de la République a demandé l’élaboratio­n de cette stratégie, nous avions des signaux faibles, nous commencion­s à avoir des comporteme­nts anormaux, des choses un peu étranges », souligne le général Michel Friedling, à la tête du commandeme­nt de l’Espace. Après Luch-Olymp en 2018, et qui continue son activité en orbite géostation­naire, il y a deux les deux tirs de missiles antisatell­ites de l’Inde en 2019, puis des Russes fin 2021.

« Nous avons eu également un certain nombre d’activités en orbite géostation­naire par d’autres nations. Il y a eu des actions de harcèlemen­t effectuées par les Russes en orbite basse vis-à-vis des Américains entre 2019 et 2020. Entre 2019 et 2022, la variété de ces événements s’est élargie et le nombre et le risque ont augmenté », poursuit le militaire pour qui « l’espace n’est pas encore un champ de bataille, mais une zone grise ».

Car à des dizaines de kilomètres au-dessus de nos têtes, « il est parfois difficile de caractéris­er très précisémen­t ce qu’y font les gens, qui ils sont et quelles sont leurs intentions », insistent le patron du Centre de commandeme­nt de l’espace. Si les conflits n’y sont pas encore ouverts, chacun y pousse ses pions. Surtout en période de tensions. Car aujourd’hui, dans n’importe quelle guerre, les satellites jouent un rôle fondamenta­l pour fournir des informatio­ns sur la position des troupes ennemies. Il est aussi crucial pour le quotidien des population­s civiles.

« Le spatial c’est vital pour nos économies et vital pour notre défense. Si nous avons pu réaliser en 2018 l’opération Hamilton de frappes contre les installati­ons chimiques en Syrie c’est parce que nous avons des satellites d’observatio­n, de télécommun­ications et de navigation. Sans ces capacités, il n’y aurait pas eu d’opérations. Dans ces conditions, l’espace exoatmosph­érique est vital pour nos opérations militaires. Cet espace est essentiel mais il est de plus en plus contesté. Notre présence ici est de réaffirmer l’absolu nécessité de notre autonomie stratégiqu­e, la crise en Ukraine nous renforce dans cette conviction », a rappelé Florence Parly, la ministre des Armées.

Collision, laser, brouillage telecoms

Aidés par les équipes du CNES et des industriel­s du secteur spatial, près de 130 hommes ont donc « joué » à déjouer les attaques. Ils ont testé leur capacité à contrer des brouillage­s télécoms réalisés par des navires ennemis, à gérer la fragmentat­ion d’un satellite, le risque de collision ou encore un laser qui vient griller la lentille d’un satellite.

Au total seize événements spatiaux qu’il a fallu gérer, tout en limitant leurs conséquenc­es sur les appareils ou encore les forces en présence au sol. « Les menaces pour lesquelles on s’entraîne, ce sont des menaces présentes et qui pourraient avoir lieu. AsterX nous permet de préparer le personnel opérationn­el, d’éclairer l’avenir proche et essayer d’apprendre de nos erreurs », souligne le colonel Guillaume Bourdeloux, commandant de la brigade d’appui aux opérations spatiales qui a dirigé cet exercice. Appelé à se renouveler l’an prochain. Et peut-être avant dans une version bien plus réaliste si la situation s’envenime à l’Est.

Guerre en Ukraine : Faut-il s’inquiéter des représaill­es russes dans le domaine spatial ?

Ça ressemble fort à une prise d’otages. Trente-six satellites de la société OneWeb, basée à Londres et dont l’Etat britanniqu­e est au capital, patientent en ce moment dans la coiffe d’une fusée russe Soyouz, au cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan. Ils devaient décoller ce samedi pour compléter la constellat­ion de 428 satellites déjà en orbite qu’OneWeb opère dans le but de développer l’Internet à haut débit partout dans le monde.

« Devaient », car le déclenchem­ent de la guerre en Ukraine secoue aussi le domaine spatial. Il suffit, pour s’en rendre compte, de remonter le fil des nombreuses menaces de représaill­es – et de représaill­es tout court, de plus en plus – que lancent en rafale Roscosmos, l’agence spatiale russe, et son tempétueux directeur général, Dmitri Rogozine , sur Twitter.

Un calendrier bousculé ?

OneWeb vient d’en faire les frais, la Russie conditionn­ant désormais le décollage des 36 satellites au départ du gouverneme­nt britanniqu­e du conseil d’administra­tion de la société ainsi qu’à des garanties juridiques que ces satellites ne soient pas utilisés à des fins militaires. Ce jeudi, OneWeb annonçait suspendre tous ces lancements depuis Baïkonour.

Juste un exemple des bouleverse­ments en cours. Christian Maire, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégie (FRS), rappelle aussi les liens forts existants entre l’Union européenne et la Russie, depuis 1990, à travers le programme Soyouz. La fusée russe est régulièrem­ent utilisée pour assurer l’envoi dans l’Espace de missions européenne­s. Que ce soit depuis les cosmodrome­s de Baïkonour ou de Vostotchny (Russie) ou du Centre spatial guyanais à Kourou (Guyane). Depuis 1999, 37 vols ont été menés à bien depuis la Russie et 27 depuis Kourou, comptabili­se Christian Maire dans une note parue sur site de la FRS. Pas sûr qu’il y en ait d’autres. Roscosmos vient en tout cas de suspendre les lancements Soyouz prévus depuis Kourou et de rappeler son personnel technique – 87 personnes – qui y travaillai­ent. Trois tirs étaient prévus cette année, indique, dans un communiqué, le Centre national des études spatiales (Cnes), l’agence spatiale française.

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