Aux Etats-Unis, on ne rigole plus
AVEC L'IMPOSITION DES GAFAM...
Concrètement, voici ce que cela signifie: si une entreprise française avait une filiale qui réalise dans un pays étranger des bénéfices imposés au-dessous du taux minimum, l'État français serait en droit de réclamer un impôt sur les bénéfices de cette filiale à un taux égal à la différence entre le taux minimum et le taux effectivement appliqué dans ce pays. Prenons un exemple extrême, si un paradis fiscal pratiquait un taux zéro et si le taux minimum reconnu internationalement était de 15%, l'État français pourrait percevoir un impôt de 15% sur les bénéfices de la filiale implantée dans ce pays. Si cette filiale avait été créée principalement, voire exclusivement, pour des raisons fiscales, elle perdrait beaucoup de son intérêt. Pour les paradis fiscaux, ce serait un rude coup. Mais il faut bien voir que cette idée d'un impôt effectif minimum ne signifie pas la fin de la concurrence fiscale. Comme l'a souligné le secrétaire général de l'OCDE dans un rapport remis aux ministres des Finances du G20 avant la réunion de Venise, il s'agit d'encadrer la concurrence, d'y «poser des limites convenues multilatéralement» . Mais plus le taux minimum sera bas, plus il restera intéressant de continuer à transférer ses bénéfices vers des pays accueillants.
Taux minimum revu à la baisse
En avril dernier, les États-Unis avaient proposé un taux minimum de 21%. À l'époque, Joe Biden avait encore l'ambition de relever le taux américain à 28%. Mais il a assez vite dû se rendre à l'évidence, il aurait beaucoup de mal à faire passer cette mesure au Congrès. Il lui fallait donc aussi réduire ses ambitions concernant le taux minimum, qui ne serait que de 15%. Les dirigeants d'autres pays souhaiteraient un taux plus élevé; c'est le cas de la France. Bruno Le Maire ne cesse de répéter qu'il ne s'agit que d'un point de départ, qu'il va continuer à se battre pour que ce taux minimum soit plus élevé, mais il ne faut pas se faire d'illusions, le plus probable est que ce système entrera en vigueur en 2023 avec un taux minimum de 15%.
La bataille autour des taux nominaux d'imposition en cache d'autres beaucoup plus techniques.
D'autres précisions sont attendues. Par exemple, en ce qui concerne le pilier 1, Amazon ne devrait pas entrer dans les cent entreprises concernées, car ses marges sont faibles. Pour établir sa domination et casser le commerce traditionnel, la firme américaine pince ses marges; elle gagne très peu d'argent avec la vente en ligne et sa rentabilité globale est inférieure à 10%. Mais elle en gagne beaucoup dans d'autres activités, notamment la fourniture de services dans le cloud; sur ce segment, elle devrait être concernée par les règles du pilier 1, qu'il va falloir encore affiner. Et il faudra aussi définir quelle part exacte du surplus, entre 20% et 30%, pourra faire l'objet d'une redistribution entre pays.
Les entreprises américaines seront bien défendues
La mise au point des règles pour le pilier 2 devrait être terminée en octobre pour la prochaine réunion du G20. Mais la bataille autour des taux nominaux d'imposition en cache d'autres beaucoup plus techniques et quasiment incompréhensibles pour les non-spécialistes des questions fiscales. Il faut voir en effet comment est calculé le taux «effectif» minimum et à quoi il s'applique.
Vous pouvez avoir un taux en apparence assez élevé, mais offrir aux entreprises des possibilités de déduction qui conduisent à un taux effectif nettement plus faible… Il faudra plusieurs années après 2023 pour se rendre compte de l'importance des changements apportés par cette réforme que l'on qualifie peut-être un peu vite d'historique.
En tout cas, il ne faut pas se tromper. Certes, «America is back» dans le concert international, comme le proclame Joe Biden, mais avec le souci de créer un consensus autour des États-Unis. Il ne faut surtout pas imaginer que ces derniers sont prêts à accepter des mesures qui pourraient éventuellement nuire à leurs entreprises et affaiblir leurs positions dans le monde, comme la future taxe numérique européenne, dont le projet est d'ailleurs gelé, ainsi que la Commission l'a fait savoir deux jours seulement après la réunion de Venise et les critiques formulées par Janet Yellen, secrétaire américaine au Trésor.
En battant encore de nouveaux records au cours des derniers jours, la bourse américaine a clairement montré qu'elle ne se faisait pas trop de soucis quant à l'impact des discussions fiscales en cours sur la santé financière de ses géants et leurs futurs bénéfices après impôt.
En 2021, le bénéfice net déclaré par les GAFAM a atteint le PIB estimé de l'Afrique du Sud
Alors que la digitalisation s’est désormais imposée comme un levier de l’activité humaine, la capacité des grands groupes américains du digital semble avoir ralenti. A cela s’ajoutent pour certains d’entre eux, des défis de régulation qui pourraient réduire leurs ventes. Selon des communications financières qu'elles ont effectuées, les groupes mondiaux leaders des valeurs technologiques connus sous l'appellation GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), ont réalisé un bénéfice net cumulé de 320,47 milliards $, au terme des 12 mois de 2021. Cela représente un peu plus que le produit intérieur brut (PIB) estimé sur la même période de l'Afrique du Sud, l'économie la plus diversifiée et la plus industrialisée d'Afrique.
Avec un chiffre d'affaires de 469 milliards $, Amazon, le leader mondial du e-commerce, arrive en tête des ventes. Mais en termes de bénéfice net, c'est Apple, société de commercialisation des équipements électroniques et de télécommunications, qui domine avec une marge déclarée de 100,5 milliards $.