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CRASH DU CASH ? : est- ce la fin des billets de banque ?

- PAR YANN CHAMPION

«Regardez vous- même : ma caisse est presque vide ! » Responsabl­e d’une petite surface du centre marseillai­s, Brice fait le même constat que ses collègues du quartier : depuis la pandémie et la généralisa­tion du sans-contact, ses clients sortent de moins en moins leur porte-monnaie.

Brice voit juste : boostée en mai dernier par le relèvement du plafond à 50 euros, la part des paiements sans contact sur les achats par carte bancaire est passée, en France, de 30 % en 2019 à 70 % en 2020. L’explosion des achats en ligne (117 % de hausse pour les livraisons d’aliments à domicile en un an) et le click and collect (je paie en ligne et vais chercher le produit en magasin) accélèrent la tendance.

Va-t-on se passer des pièces et billets?

« Cette perspectiv­e me paraît difficilem­ent envisageab­le », répond sans hésiter Marc Schwartz, directeur général de la Monnaie de Paris. La dématérial­isation de la monnaie n’a pas commencé avec les cartes électroniq­ues. « C’est un phénomène vieux de plusieurs siècles et très progressif », rappelle le dirigeant d’une institutio­n qui frappe les pièces en France depuis… l’an 864 !

La dématérial­isation a débuté il y a deux mille ans, quand la valeur faciale des pièces s’est mise à différer de leur poids réel en or ou en argent, « ce qui supposait que le pouvoir central impose arbitraire­ment une valeur d’échange », explique Marc Schwartz. D’autres monnaies « fiduciaire­s », c’est-à-dire basées sur la confiance ( fiducia en latin), se glissèrent dans la brèche : billets à ordre dès le VIIe siècle en Chine, billets dits «de banque» à partir du XVIIe siècle en Europe, les premières coupures émises par la Banque de France datant de juin 1800.

«Les billets eux-mêmes furent ensuite concurrenc­és par les paiements par chèque, qui sont également en diminution », estime Marc Schwartz. Longtemps gratuits, les chèques sont devenus payants dans certaines banques. Ce mode de règlement – le moins sûr – reste plébiscité en France mais a presque disparu en Allemagne, Suède, Pologne… La carte bancaire, dotée d’une puce inventée en 1974 par un ingénieur français, Roland Moreno, s’est imposée dans les années 1980. Le Groupement des cartes bancaires CB encouragea son utilisatio­n pour le paiement des achats quotidiens, rémunérate­ur pour les banques (qui prélèvent un pourcentag­e), tout en multiplian­t les virements interbanca­ires qui évitent les transferts de fonds.

En parallèle, les banques se sont délestées de leurs caissiers, les remplaçant par des distribute­urs automatiqu­es de billets (DAB), qui à leur tour commencent à disparaîtr­e, pour la même raison: faire des économies. En 2019, plus de 2100 distribute­urs ont été supprimés. « Cela ne signe en rien la fin de l’argent liquide. C’est l’externalis­ation d’une activité des banques vers les sociétés de transport sécurisé », assure François Daoust, délégué général de la Fédération des entreprise­s de la sécurité fiduciaire (Fedesfi).

Un cash qui circule plus que jamais

«Il n’y a jamais eu autant de pièces et de billets en usage dans le monde», constate Marc Schwartz. Au moment où vous lisez ces lignes, plus de 12 milliards de billets de 50 euros ont été émis par les banques centrales des pays de la zone euro ! La valeur totale des billets présents sur le sol européen atteint la somme colossale de 1 300 milliards d’euros. « Un chiffre en constante augmentati­on », confirme Christophe Baud-Berthier, directeur des activités fiduciaire­s de la Banque de France. En France, il a crû de 9% en 2020 par rapport à 2019. Depuis 1998, la Monnaie de Paris a fabriqué près de 24 milliards de pièces. Lesquelles sont toujours en circulatio­n, leur durée de vie moyenne étant d’une trentaine d’années. Mieux : parmi le 1,1 milliard de pièces frappées l’an dernier en France, la moitié était constituée de 1 et 2 centimes destinées à la zone euro. «La Commission européenne aimerait les supprimer, admet Marc Schwartz. Mais cette idée n’est partagée ni par la France, qui craint un phénomène inflationn­iste si les commerçant­s arrondissa­ient leurs prix à la décimale supérieure, ni par les pays où les prix sont bas et ces pièces très utilisées, comme l’Espagne ou le Portugal. »

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