Masculin

Brexit premier coupable ?

CERTAINS LE PENSENT...

-

Les usages des Européens en matière d’argent liquide varient en effet grandement d’un pays à l’autre. En Allemagne et en Autriche, où la numérisati­on est moins avancée, le billet de 500 euros, dont la fabricatio­n a pourtant été stoppée en avril 2019, reste d’usage courant.

A contrario, dans les pays plus « technophil­es » comme les Pays-Bas, la Suède ou le Luxembourg, le paiement digital s’est imposé. « La France est dans une situation intermédia­ire, note Christophe Baud-Berthier. Si en Grèce et en Espagne plus de 80 % des achats auprès de commerçant­s s’effectuent encore en liquide, en France, ce mode de paiement ne couvre plus que 59% des transactio­ns dans des commerces physiques. »

« Aux usages culturels s’ajoute un fait social que l’on retrouve dans tous les pays d’Europe : les ménages les plus pauvres utilisent prioritair­ement l’argent liquide », rappelle Marc Schwartz. On estime que 1 % des Français (environ 500 000 personnes) ne disposent pas d’un compte bancaire. « En France, des études ont montré que les bénéficiai­res des minima sociaux mobilisent massivemen­t leurs allocation­s en espèces », confirme Christophe Baud-Berthier.

Autre usager du liquide : l’économie « grise », celle qui cherche à échapper au fisc et à l’Urssaf et «ne peut se passer de cash », rappelait en janvier Christian de Boissieu, vice-président du Cercle des économiste­s, dans une tribune du journal Les Échos. En France, elle s’élèverait à 210 milliards euros. Plafonner à 1000 euros les achats en liquide chez les commerçant­s ne suffit pas à enrayer ses flux.

Des billets cachés sous le matelas

« Si la monnaie fiduciaire est moins visible, c’est parce qu’elle est utilisée massivemen­t comme outil d’épargne », relève Marc Schwartz. Les formes de liquidité ont connu en effet un fort rebond depuis le début de la crise sanitaire, qu’il s’agisse des espèces, des dépôts sur les comptes courants ou du Livret A, qui a reçu 26,4 milliards d’euros en 2020, soit deux fois plus qu’en 2019. À défaut de pouvoir consommer, voyager ou sortir, les Français ont rempli leur bas de laine. En janvier dernier, la Banque de France faisait état d’un cumul de la liquidité des ménages de près de 117 milliards d’euros sur douze mois, « un chiffre en hausse continue », indiquait le rapport. Une partie de cette somme a pris la forme de billets gardés chez soi : le fameux «au cas où».

Ce n’est pas surprenant : symbole de la puissance d’un État capable de soutenir son économie tout en « battant monnaie », une monnaie publique constitue une valeur refuge idéale en période de dépression économique où l’inflation est quasi nulle (0,5% l’an dernier en France !). « Les sondages les plus récents font état d’une très grande confiance des Européens dans l’euro », note à ce propos Christophe Baud- Berthier. Avec leur design désincarné et leurs ponts et portes situés partout et nulle part, les billets libellés en euros ont acquis avec le temps une valeur symbolique si forte qu’à la suite du Brexit les réseaux sociaux ont diffusé des billets avec une croix rageuse sur le Royaume-Uni !

 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France