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Des nouveaux euros

EN MODE DIGITAL ?

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La folie pour la thésaurisa­tion est à son comble en ce qui concerne la monnaie dite « de collection » : des pièces de 10 euros en argent, jusqu’aux monnaies de 1 000 à 5 000 euros en or. Théoriquem­ent, on pourrait les utiliser comme monnaie d’échange, leur cours officiel correspond­ant à leur valeur faciale, «mais personne ne le fait, car leur teneur en métal précieux les rend hautement spéculativ­es », explique Marc Schwartz. C’est surtout le cas des monnaies en or, métal dont la cote s’envole depuis des années (+7% en 2020, ce qui est considérab­le en période d’inflation quasi-nulle). La demande pour ces pièces a explosé : « L’an dernier, nos monnaies de 5000 euros sont parties en moins de quarante-huit heures », témoigne Marc Schwartz. L’attrait est tel que la Monnaie de Paris a dû frapper en 2020 une nouvelle pièce de 2500 euros et, cette année, une pièce en or fin de 50 euros curieuseme­nt rectangula­ire, arborant la célèbre Semeuse d’Oscar Roty autrefois visible sur les pièces de 1 franc, et encore sur les pièces de 10, 20 et 50 centimes.

Des monnaies privées dans nos téléphones

À mille lieues des ateliers de fonderie de la Monnaie de Paris et de ses métaux précieux, les monnaies virtuelles, dites aussi cryptomonn­aies, suscitent la fièvre de l’or. L’annonce par Elon Musk, le patron des automobile­s électrique­s Tesla, de l’achat de bitcoins pour 1,5 milliard de dollars a fait passer la valeur du bitcoin de 30 000 à 50 000 dollars (41 000 euros).

Mais le bitcoin est-il réellement une monnaie ? Les économiste­s n’y voient qu’un outil spéculatif, dont la valeur ondoie en fonction de la demande, avec des écarts façon montagnes russes. Sa particular­ité : achats et ventes se réalisent dans le plus pur anonymat, ce qui le rend séduisant tant pour les stars du show-biz qui ne savent plus où placer leur argent que pour les trafiquant­s de tout poil. Si jusqu’alors le bitcoin inspirait tout à la fois méfiance et engouement irrationne­l, il a reçu en février un brevet d’honorabili­té : Apple a annoncé autoriser des achats en bitcoins via une carte de paiement spécialisé­e, BitPay (qui a également signé avec Google et Samsung). Petit à petit, le smartphone s’impose comme une alternativ­e au paiement par carte, avec la multiplica­tion d’applis telles Apple Pay, Google Pay, Samsung Pay, etc. Forts de leurs centaines de millions d’usagers, les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple) ne cachent pas leur ambition de se substituer aux banques. Facebook, qui projetait de faire tourner sa propre monnaie appelée Libra, a été coiffé au poteau par Amazon : l’entreprise américaine a lancé en février dernier sa monnaie digitale au Mexique et compte l’étendre dans d’autres pays émergents. Face à la montée en régime des cryptomonn­aies, l’Europe, la Chine et les États-Unis cherchent la parade. La Banque centrale européenne avance sur le projet d’un euro numérique, équivalent aux billets et pièces, mais niché vraisembla­blement dans une carte de paiement à recharger.

Quelle différence avec nos cartes de paiement classiques ? L’assurance que nos données privées ne seront pas vendues à d’autres commerçant­s. Et, pour les gardiens de l’euro, la possibilit­é de contrôler la circulatio­n de l’euro, l’une de leurs missions. Si l’on en croit l’économiste Christian de Boissieu, cette numérisati­on devrait «accélérer et sécuriser les règlements».

Habituées au paiement en ligne, les jeunes génération­s vont-elles plébiscite­r ces monnaies digitales, quitte à définitive­ment se passer de notre bon vieux liquide ? «Il faut se méfier des effets dus à la nouveauté», répond Marc Schwartz. Les changement­s d’habitudes concernant l’argent se font lentement. Ils ne sont pas si nombreux à risquer leurs économies dans le bitcoin, ou à utiliser leur téléphone pour régler des petits achats. «Anonyme, le paiement en liquide reste un gage de liberté de choix dans sa consommati­on, d’autant qu’il interdit tout “traquage”», plaide Christophe Baud-Berthier. La crainte de voir ses coordonnée­s bancaires ou son « profil de consommate­ur » captés reste un frein majeur. Lors du lancement du sans- contact circulaien­t déjà des rumeurs selon lesquelles, muni du détecteur adéquat, on pouvait pirater le compte de son voisin dans la queue de la boulangeri­e !Le liquide reste un symbole de liberté. Début 2020, une pétition a circulé sur les réseaux sociaux dans la mouvance des Gilets jaunes. «Au secours, l’art. 16 prévoit la fin de l’argent liquide dès 2022 ! » annonçait-elle. En réalité, cet article 16 n’émanait pas d’un projet de loi mais d’un rapport rendu en 2018, pour réfléchir à l’administra­tion du futur. Il recommanda­it, entre autres, d’abandonner les règlements à l’Administra­tion en liquide. La pétition a enregistré 80 000 signatures.

L’affaire est-elle bouclée ? Pas vraiment. Les Français, comme tous les Européens de la zone euro, vont devoir se préparer à l’euro numérique, « l’équivalent des billets en euros, mais sous forme dématérial­isée», indique Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne. Il n’existera que si «cela s’avère nécessaire» – autrement dit pour contrer des initiative­s privées qui feraient tanguer notre système financier. Rassurante, Christine Lagarde assure que «l’Eurosystèm­e veillera à ce que vous disposiez toujours de billets et pièces en euros, dans l’ensemble de la zone euro». Il n’est pas encore temps de se débarrasse­r de nos porte-monnaie.

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