Instaurer une « alliance »
Sur le site de l'association régionale des socio-esthéticiennes (ARSE) Pays de la Loire-Bretagne, on peut lire que «la socioesthétique est une spécialisation du métier d'esthéticienne. Elle participe à un accompagnement corporel de la souffrance et de la douleur par l'écoute et le toucher pour un mieux-être.» Par sa vocation de soin, la pratique est gratuite pour les bénéficiaires. Marie Orieux dispose d'une pièce à elle dans l'unité Espace, un cocon aménagé comme une pièce de massage zen: couleurs apaisantes, atmosphère sécurisante, pots de crème disposés élégamment, serviettes moelleuses. Un soin à la carte, qui commence par un échange avec la personne, afin d'instaurer une relation de confiance, une «alliance», dit-elle. Pour celles et ceux qui ont notamment subi des violences sexuelles, se laisser toucher par autrui est un cap difficile.
Si la socio-esthéticienne pensait au début réaliser «surtout des massages des mains», elle fut surprise du lâcher-prise de ces jeunes. «Ils apprennent à ressentir ou re-sentir leur corps, autrement que par des gestes invasifs et la punition corporelle. Beaucoup me disent: “J'avais peur, je ne savais pas ce que vous alliez me faire.” D'autres encore craignent de montrer leurs scarifications. “Vous allez être dégoûtée”, me disent-ils.» L'environnement hospitalier, les éventuels traitements médicamenteux, les entretiens familiaux ou en individuel avec les psychiatres ou infirmières et infirmiers, tout cela est complété par cette approche bienveillante au corps. Restaurer l'image de soi lorsqu'on n'a plus aucune trace d'estime de soi passe donc par le désir naissant de prendre à nouveau soin de son enveloppe charnelle. Une forme de «redynamisation corporelle», résume Marie Orieux. L'accompagnement par une socio-esthéticienne peut comprendre des conseils en produits cosmétiques ou d'hygiène, des soins du visage ou encore des massages. «On commence souvent par des choses simples, s'apporter de la douceur, réapprendre à nettoyer son visage par exemple.»
Pour les patientes et les patients
Clémence, infirmière à l'unité Espace, constate que les patients échangent entre eux sur cet atelier. «Ils viennent nous voir pour nous dire: “J'ai entendu parler de la socio-esthétique... J'aimerais bien y aller.” On associe ça, à tort, à quelque chose de féminin, mais les garçons hospitalisés en parlent aussi. On leur explique pourquoi on leur conseille ça. Ils en sortent détendus, avec une autre posture.» Et davantage de facilité à demander à l'équipe infirmière avec quelles crèmes soigner leurs cicatrices. Pour la psychiatre Lucie Gailledrat, «il y a quelque chose de très apaisant, de très maternant. Quelque chose de l'ordre du narcissisme primaire au niveau du portage.»
«Ceux qui n'arrivent pas à écouter leurs émotions, qui sont constamment cérébraux, “dans leur esprit”, ça vient les décentrer.» Lucie Gailledrat, psychiatre
Les soignants se saisissent aussi de cet atelier pour travailler la notion de consentement et l'écoute de ses propres limites. «Les patients qui se forcent un peu à faire cet atelier, on peut reprendre ça avec eux, essayer de comprendre pourquoi, explique la psychiatre. Et ceux qui n'arrivent pas à écouter leurs émotions, qui sont constamment cérébraux, “dans leur esprit”, ça vient les décentrer.»
Célia, 16 ans, est hospitalisée à l'unité. L'adolescente a subi une arthrodèse au niveau de la colonne vertébrale, une lourde opération. Quand l'équipe lui a suggéré l'atelier de socio-esthétique, elle s'est «demandé pourquoi on [lui] proposait ça en hôpital psychiatrique» . La jeune patiente a adoré. «C'est un vrai moment de détente. Ça vide la tête, c'est un moment de relaxation… Mais Marie m'a aussi montré des étirements, elle a compris pourquoi mes muscles étaient contractés. En suivant ces conseils, je suis moins tendue.» L'adolescente a repris confiance en elle, se réconcilie avec son corps petit à petit, après trois ateliers. Elle apprécie les soins du corps, ressent «chaque partie à nouveau» ,a «l'impression d'être en institut de beauté!» .
Porter un autre regard sur son corps pour retrouver confiance La présence de la socio-esthéticienne à l'unité Espace est rendue possible par le mécénat d'un laboratoire qui propose des produits cosmétiques adaptés aux soins des patients et est pilotée par la Fondation Nantes université, laquelle souhaite mettre en place une recherche clinique pour mieux observer les bienfaits du métier en milieu hospitalier. Un mécénat récemment renouvelé pour trois années. «Et heureusement pour nos patients!», insiste Clémence, l'infirmière.
Car les temps proposés ne sont pas seulement individuels. Un atelier collectif, composé de quatre à cinq patients, existe également au sein du service. «En général c'est deux fois en individuel, deux fois en collectif», résume Marie Orieux. En groupe, il s'agit d'un atelier de colorimétrie, pour apprendre à mettre en valeur son apparence. Choisir des couleurs, comprendre leur symbolique, percevoir ses atouts, échanger des conseils vestimentaires, acquérir, si on le souhaite, des techniques de maquillage… «Améliorer le regard sur soi, regagner de l'estime de soi et de la confiance, modifier le regard des autres, mais surtout mettre en mots ce qu'ils ressentent, insiste la professionnelle. L'estime de soi peut se travailler à tout moment de la vie.»
L'ancienne esthéticienne, un temps enseignante d'allemand, est passée par le diplôme universitaire (DU) de socio-esthétique de Nantes et milite pour qu'un jour, son métier soit valorisé par un véritable diplôme d'État. Elle ne s'épanouissait plus à épiler quotidiennement des jambes et, surtout, souhaitait proposer des soins gratuits. Elle intervient également à domicile auprès de personnes atteintes de cancer, dont le mantra est «mon corps ne m'appartient plus», car abîmé par de lourds traitements invasifs. «Quand je rencontre une personne, je ne sais pas du tout ce que je vais lui faire comme soin. La socioesthétique, c'est de l'adaptation au patient.»
Une pratique qui s'est perdue faute de moyens
La pratique, née dans les années 1960 aux États-Unis, puis importée au Royaume-Uni, est arrivée en France dans la foulée grâce à deux esthéticiennes, Jenny Lascar à Lyon et Renée Roussière à Tours, qui ont rapidement compris que leur métier avait beaucoup à donner aux patients. «Jenny Lascar avait une amie hospitalisée. Elle s'est simplement dit qu'elle allait la soulager en lui faisant des soins, relate Laurence Coiffard, enseignante-chercheuse à l'UFR de pharmacie de Nantes, à l'origine de la collecte de fonds pour la création de poste de Marie Orieux. Ensuite, la pratique s'est un peu perdue faute de moyens. Sa renaissance date du premier plan cancer, sous Jacques Chirac.» Depuis, la socio-esthétique s'est développée, notamment dans tous les grands services d'oncologie.
Dans les autres services, l'idée fait son chemin à petits pas. Lucie Cueff, également socio-esthéticienne à Nantes, intervient auprès des soignants de l'unité de rééducation fonctionnelle, un moment «hors temps de travail, pris en charge, qui fonctionne comme un sas de décompression après leur journée de boulot».
Mais l'ancienne présidente de l'ARSE locale travaille également à l'unité de transplantation thoracique (UTT), un service pour les personnes greffées du coeur ou des poumons, qui y restent souvent plusieurs mois. Ici, la problématique majeure concerne les cicatrices dues à l'opération, des marques larges, profondes et durables. Il faut accepter et apprivoiser ces nouvelles empreintes physiques, dompter les produits dermocosmétiques adaptés pour les sécheresses cutanées et les cicatrisations, «apprendre l'autopalpation, éviter les adhérences… C'est un impact corporel important.»
«Pour certains, ça évite même une prise de médicaments. C'est une sorte de bulle extérieure qui vient dans leur chambre, avec un toucher doux.» Lucie Cueff, socio-esthéticienne
Lucie Cueff est vite repérée, elle qui se promène sans blouse, avec sa technique de massage appelée nursing touch, «qui apaise le système nerveux et est facilitatrice d'endormissement». «Pour certains, ça évite même une prise de médicaments. C'est une sorte de bulle extérieure qui vient dans leur chambre, avec un toucher doux. C'est rafraichissant pour les patients.» Là encore, les soignants suggèrent à la professionnelle du soin les personnes à voir en priorité, une quinzaine la plupart du temps, qu'elle rencontre tous les quinze jours.
La socio-esthéticienne va alors se présenter, expliquer son activité, échanger sur les douleurs ou les sommeils agités. «Ce sont des personnes fatiguées, qui souffrent. Elles ont peu de visites à l'UTT. Il faut avoir une certaine expérience du toucher pour réconforter ces corps très abîmés, souvent striés d'escarres.»
«Certaines pratiques ne sont pas acceptables»
Si la relation au toucher libère la parole, les socioesthéticiennes, souvent isolées dans leur travail, repartent avec une lourde charge émotionnelle. Lucie Cueff se remémore ce patient d'une quarantaine d'années, atteint de mucoviscidose et greffé, avec lequel elle passait presque deux heures à chaque séance. «Sa problématique relevait quasi du soin palliatif. Lui avait la sensation de ne plus être seulement traité comme un patient lorsque je venais.»
Aujourd'hui en France, seules quatre écoles sont reconnues par le Comité de socio-esthétique (COSE), composé de professionnels du secteur, et délivrent une formation diplômante solide en socio-esthétique. Car le filon attire aussi des personnes ou des écoles d'esthétique peu scrupuleuses, qui délivrent de curieuses formations à distance –là où l'on parle bien d'un métier du toucher, sur des corps malades ou meurtris–, ou font peu de cas de la qualité des produits cosmétiques utilisés, alors que leur importance est cruciale pour les soins et les éventuelles cicatrisations.
«C'est un métier pour lequel il y a un problème actuellement. Certaines pratiques ne sont pas acceptables, relate Laurence Coiffard, l'enseignante spécialiste en cosmétologie. On sait que des personnes conseillent aux patients de prendre ou fabriquer tel ou tel produit. Et c'est dangereux.» Alors, les rares professionnelles de métier ne lâchent rien. La chercheuse, elle, aimerait développer cette activité auprès de publics migrants, SDF ou incarcérés. «Là aussi, les corps sont abîmés et l'estime de soi agressée.» Pour cela, il faudra encore aller chercher de l'argent, décidément le nerf de la guerre, et une solution au mieuxêtre.
Le toucher thérapeutique est une approche qui rappelle l’antique pratique de l’imposition des mains, sans connotation religieuse toutefois. Il s’agit probablement de l’une des l’approches énergétiques les plus étudiées et documentées sur le plan scientifique. Diverses études tendent à montrer son efficacité pour réduire l’anxiété, la douleur et les effets indésirables postopératoires et de la chimiothérapie, par exemple.
La méthode est d’ailleurs approuvée par de nombreuses associations d’infirmières dont l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), les Infirmières de l'Ordre de Victoria (VON Canada) et l'American Nurses Association. Elle est appliquée dans de très nombreux hôpitaux et enseignée dans plus de 100 universités et collèges, dans 75 pays à travers le monde.
Malgré son nom, le toucher thérapeutique n’implique généralement pas de toucher direct. Le praticien garde le plus souvent ses mains à une dizaine de centimètres du corps du patient qui demeure vêtu. Une séance de toucher thérapeutique dure de 10 à 30 minutes et se déroule normalement en
5 étapes :
L’intervenant se centre intérieurement.
À l’aide de ses mains, il évalue la nature du champ énergétique du receveur.
Il effectue un balayage par de larges mouvements des mains pour éliminer les congestions d’énergie.
Il réharmonise le champ énergétique en y projetant des pensées, des sons ou des couleurs.
Finalement, il réévalue la qualité du champ énergétique.
Des bases théoriques controversées
Les praticiens du toucher thérapeutique expliquent que le corps, l’esprit et les émotions font partie d’un champ énergétique complexe et dynamique, propre à chaque personne, qui serait de nature quantique. Si ce champ est en harmonie, c’est la santé; perturbé, c’est la maladie.
Le toucher thérapeutique permettrait, grâce à un transfert d’énergie, de rééquilibrer le champ énergétique et de promouvoir la santé. Selon les détracteurs de l’approche, la présence même d’un « champ énergétique » n’a jamais été prouvée scientifiquement et les bienfaits du toucher thérapeutique ne devraient être attribués qu’à une réponse psychologique positive ou à l’effet placebo.
Pour ajouter à la controverse, selon les théoriciens du toucher thérapeutique, une des composantes essentielles d’un traitement de toucher thérapeutique serait la qualité de centration, d’intention et de compassion de l’intervenant; ce qui, il faut en convenir, n'est pas facile à évaluer cliniquement...
Couvrez la surface d'un drap doux et propre. Si la personne que vous massez a tendance à avoir facilement froid, vous pourriez aussi couvrir la surface avec une couverture chaude. La surface devra être plane et lisse, pour que la personne massée soit aussi à l'aise que possible tout en étant stable. Placez un petit oreiller au niveau de la tête de la personne, pour qu'elle s'y repose durant le massage.
Choisissez une pièce calme. Pendant un massage, les distractions extérieures devraient être réduites au minimum. Les bruits du trafic, la musique, les voix peuvent perturber l'ambiance de relaxation qui rend le massage tellement bénéfique sur le plan émotionnel. La chambre à coucher est le choix le plus évident, mais si vous disposez d'une pièce qui est davantage à l'écart de la vie de votre maison, songez à l'utiliser comme chambre de massage.
Une étude Ipsos, réalisée en mai 2014 sur un panel de 1 500 individus de 15 à 65 ans, a mis en évidence que 20 % des Français croient à l’existence actuelle des Illuminati, qui regrouperaient les principaux dirigeants de la planète. D’après plusieurs études, cette proportion atteint plus du tiers des lycéens. Face à ce type de croyance, il n’existe pas pour les enseignants de réponse uniforme. Les professeurs sont souvent capables d’élaborer la leur, parfois en combinant celles qui sont suggérées. Mais il importe qu’ils soient correctement armés sur ce sujet comme sur tous les autres. La liberté pédagogique et l’initiative pédagogique commencent quand on en sait plus qu’on en dit, qu’on en fait dire ou qu’on en laisse dire. Il importe également de distinguer la réponse à court terme (sur le mode de la réfutation) et la réponse à long terme (qui renvoie à la construction d’une personne qui sait s’informer et qui est consciente de la complexité des choses). L’école à elle seule n’éradiquera pas le complotisme, qui correspond à des peurs et à des tendances de fond de l’opinion, et alimente la fronde adolescente classique. Mais elle est face à lui un contrepouvoir, capable d’en limiter fortement l’influence. Le complotisme est un système auto-immune qui s’apparente à la paranoïa, et les réactions qu’il suscite tendent à le confirmer dans l’esprit de ses adeptes.
Ce que disent les enseignants, ce que font remonter les inspecteurs, c’est que le complotisme surgit par des interpellations d’élèves. Il faut donc discriminer ce qui relève d’une provocation délibérée et ce qui nécessite une réponse argumentée, et s’attendre à ce que l’interpellateur, quand bien même il peut être convaincu à long terme, ne le reconnaîtra pas à court terme… Mais ce sont surtout aux indécis que l’on s’adresse.
Le complotisme est un terme forgé récemment pour caractériser une manière déjà assez ancienne de voir l’Histoire, et qui peut se décliner de manière variée. L’Histoire est alors considérée comme le produit d’un complot ourdi par un ou plusieurs groupes, et il y a autant de complotismes que de groupes auxquels on prête le double pouvoir de mener l’Histoire et de masquer leur action. Auparavant, on employait le terme de « conspirationnisme » pour désigner la croyance selon laquelle les grands événements historiques avaient pour origine l’action occulte d’un groupe.
Lors de la grande répression de la sorcellerie aux XVIe et XVIIe siècles, on voit surgir l’idée qu’un pouvoir occulte et organisé menacerait la société. Le complotisme est enraciné dans l’imaginaire politique contemporain qui émerge de manière décisive avec la Révolution française. Dans un ouvrage paru en 1986, Mythes et mythologies politiques, l’historien Raoul Girardet traite de l’idée de conspiration. Il y évoque les idées du complot maçonnique, juif, jésuite…
Nous allons simplement évoquer ici deux grands moments pour comprendre le fonctionnement du complotisme : le « moment Barruel », qui est fondateur, et celui du tristement célèbre Protocole des Sages de Sion. Puis nous verrons comment de nouveaux vecteurs favorisent de nos jours le renouvellement et la diffusion du complotisme.
L’extrapolation complotiste : l’exemple de l’abbé Barruel (1741-1820)
Pour que le complotisme se hausse à une vision globale de l’Histoire, il fallait que se produise un grand bouleversement qui paraisse inexplicable. Telle est la Révolution française : un événement qui en moins de trois ans balaie la plus ancienne monarchie d’Europe, dont personne n’arrive à freiner le cours ni à stopper la radicalisation, qui voit la France, réduite à ses seules forces, parvenir à tenir tête aux coalitions européennes, et bouleverse finalement presque toute l’Europe continentale.
Comment rendre compte de cet événement – de cette catastrophe, pensent les hommes qui lui sont hostiles ? Joseph de Maistre, dans ses Considérations sur la France (1796), estime que l’action de Dieu est derrière tout cela : la France était selon lui le pays le plus influent de la chrétienté, elle a « démoralisé » l’Europe en diffusant les Lumières, elle est donc punie afin qu’elle retrouve le chemin du catholicisme. L’abbé Barruel est un jésuite. Il a connu en mars 1764 l’expulsion des jésuites décidée par Louis XV, et la suppression de l’ordre en 1773 par le pape Clément XIV. À l’été 1774, il est devenu précepteur des princes saxons. Cultivé, il aime la littérature, mais la Révolution, dont il suit les débuts en France, lui permet de développer sa véritable vocation de polémiste. Comme une grande moitié des catholiques, il refuse la Constitution civile du clergé, puis quitte la France lorsque la monarchie s’effondre, le 10 août 1792, et se réfugie en Angleterre.
À partir de 1798, il fait paraître ses Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme (5 volumes et deux volumes abrégés, 1798-1799) présentant la révolution comme le résultat d’un complot maçonnique, idée qui avait déjà été développée par l’Écossais John Rodison en 1797.