le christianisme...
TELLE EST LEUR MISSION ORIGINALE !
La « conspiration », pour reprendre le terme qu’il utilise, a d’abord été celle de Voltaire, Diderot, d’Alembert et Frédéric II. Puis elle a gagné les milieux de la franc-maçonnerie (qui s’est développée au XVIIIe siècle) par le biais des « Illuminati » de Bavière. Elle vise à supprimer le christianisme et la royauté, pour aboutir au triomphe des idées cosmopolites des Lumières. Mais qui sont les fameux Illuminati ? Il s’agit d’un ordre, d’une société secrète diffusant les idées radicales des Lumières (d’où son nom) fondée par le professeur de droit Adam Weishaupt (1748-1830). En 1776, il ne s’agit encore que d’un regroupement de ses anciens élèves. Mais des relations maçonniques de Weishaupt le structurent en un véritable ordre qui est reconnu en 1782 par la franc-maçonnerie. Il s’étend jusqu’à compter environ 300 membres. En 1785, l’ordre est interdit par les autorités bavaroises, en même temps que l’ensemble de la franc-maçonnerie est réprimé en Bavière, et Wesphaupt doit passer en Saxe.
Pour Barruel, l’histoire des Illuminati ne s’arrête pas en 1785. Ils subvertissent et dominent l’ensemble de la franc-maçonnerie, engendrant les Jacobins. Mirabeau et La Fayette, ne sont que leurs instruments…
L’oeuvre de Barruel nous permet de saisir quelques-uns des traits du complotisme : le complotisme part souvent de faits réels, de constats de détail. Mais il en grossit démesurément la portée. Il existe bien dans la société pré-révolutionnaire, des réseaux, des sociétés parfois secrètes, des clubs, qui créent des solidarités et qui diffusent une idéologie. La franc-maçonnerie, comme les Académies de province, tout ce que l’on appelle depuis Augustin Cochin les « sociétés de pensée », ont bien été des lieux de diffusion des idées des Lumières. Depuis les travaux de Daniel Mornet dans l’entredeux-guerres, l’histoire culturelle a été très attentive aux canaux de diffusion des idées nouvelles non seulement dans les élites, mais dans des secteurs plus larges de l’opinion (Roger Chartier).
Chaque fois que la pensée complotiste découvre un lieu où s’échange des idées, et où des membres de l’élite politique, administrative ou culturelle se retrouvent, elle en déduit l’existence d’un complot. Quand l’abbé Barruel lit une lettre de Voltaire à d’Alembert (1761) dans laquelle le philosophe souhaite que Frédéric II protège une petite colonie de philosophes qui s’installeraient à Clèves pour y écrire à l’abri de toute censure, il y voit les débuts de la conspiration révolutionnaire.
Chaque citation est interprétée comme un indice révélant une réalité volontairement dissimulée. Et cela d’autant plus que les circonstances ne pèsent rien, car l’Histoire est toute entière déterminée par l’action de groupes organisés. On peut citer la préface du premier volume des Mémoires : « Dans cette Révolution française, tout jusqu’à ses forfaits les plus épouvantables, tout a été prévu, médité, combiné, résolu, statué ; tout a été l’effet de la plus profonde scélératesse, puisque tout a été préparé, amené par des hommes qui avaient seul le fil des conspirations longtemps ourdies dans des sociétés secrètes, et qui ont su choisir et hâter les moments propices au complot. » (p. XIV.)