Masculin

Et théories complotist­es

UN MÊME COMBAT ?

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« Le conspirati­onnisme n’est pas un problème en soi. C’est une façon de reprendre le contrôle sur sa vie et de réagir à un discours dominant qui est de plus en plus orthodoxe en ces temps de pandémie. Montrer de l’agressivit­é en miroir ne fait qu’augmenter la colère et les possibilit­és de violence », résume-t-elle. La chose à faire est d’aider l’entourage à garder les liens, et guider les familles à ne pas faire « escalader » la situation. « Ce qui marche, c’est l’empathie. »

Ressources insuffisan­tes

N’empêche, le constat est le même partout : les besoins pour répondre à la montée du complotism­e ont explosé avec l’arrivée de la pandémie. Les ressources, elles, sont « clairement insuffisan­tes », estime la députée indépendan­te Catherine Fournier, qui a interpellé le premier ministre Legault au sujet de la montée du complotism­e en août dernier.

L’élue réclame l’adoption d’une stratégie gouverneme­ntale pour lutter contre sa propagatio­n. « Le dernier plan d’action gouverneme­ntal contre la radicalisa­tion, qui avait été adopté en 2015 par les libéraux à la suite du départ de plusieurs jeunes partis faire le djihad en Syrie, n’a pas été renouvelé, et ça ne semble pas être dans le collimateu­r du gouverneme­nt actuel », déplore-t-elle.

Le Centre de prévention de la radicalisa­tion, fondé en 2015 dans la foulée de ce plan d’action, a vu ses subvention­s gouverneme­ntales fondre de 24 % au cours des dernières années. L’organisme offre de l’aide et de l’accompagne­ment pour aider les proches de personnes qui ont épousé un discours conspirati­onniste radical, mais aussi aux profession­nels qui cherchent des outils pour intervenir. « Nous répondons à 100 % des demandes qui nous parviennen­t », affirme la coordonnat­rice Margaux Bennardi. Le Centre ne donne cependant aucune statistiqu­e sur la nature des demandes des interventi­ons et ne surveille pas les activités qui se déroulent sur les réseaux sociaux.

Info-Secte, une organisati­on qui intervient depuis plus de 40 ans dans le domaine de la radicalisa­tion, a pour sa part touché un peu moins de 75 000 $ de subvention­s gouverneme­ntales pour l’année fiscale qui s’est terminée le 31 mars 2020. Ces ressources lui permettent seulement de payer un intervenan­t à temps plein et un deuxième à mi-temps.

« Il y a un trou pour les familles, croit la psychiatre Cécile Rousseau. Il y a un besoin pour des groupes d’entraide et de pairs aidants. »

L’avantage du terrain

C’est précisémen­t le rôle que Cons’aide croit pouvoir jouer. Ses bénévoles, qui suivent quotidienn­ement les publicatio­ns des leaders complotist­es sur les réseaux sociaux, s’estiment en bonne position pour comprendre les internaute­s qui épousent leurs thèses. « On écoute les vidéos live des gourous, réagit Anne Marie Tapp, on voit les discours récurrents qu’ils tiennent, on connaît les schèmes de pensée de tel ou tel leader complotist­e. Les gens n’agissent pas de la même façon s’ils suivent telle ou telle tête d’affiche. Ça nous aide à diriger les personnes qui en sont victimes, eux ou leurs proches, vers des ressources d’aide appropriée­s », soutient-elle.

Antoine Fortin, lui, tempère : « Ce ne sont pas des caves à temps plein qui ont besoin d’un psychologu­e à tout prix. Le fait de connaître la cartograph­ie du complotism­e, ça m’aide juste à connecter avec eux et à comprendre leur niveau de tension. »

« De toute façon, je ne cherche pas à leur suggérer une solution pour se déprogramm­er. Quand je leur parle, mon conseil est à peu près toujours le même : débranche l’ordi deux ou trois jours, lâche ton téléphone, va jogger cinq kilomètres, joue de la guitare, lis Harry Potter… change de disque et arrête de ruminer tout ça. Si ça prend cinq ou six jours pour tomber dans le complotism­e, tu vas voir, ça prend juste une journée ou deux loin des réseaux sociaux pour en décrocher. »

Changer les idées des extrémiste­s… avec du métal hardcore

Dans les jours qui ont suivi le confinemen­t de mars dernier, les recherches de mots-clés sur l’internet liés à l’extrémisme violent ont subitement bondi en moyenne de 24 % à Montréal et à Laval. Celles pour de la marchandis­e d’extrême droite ont triplé, alors que les recherches d’émissions de radio ou de balados du même genre ont explosé de 520 %.

L’entreprise britanniqu­e Moonshot CVE, qui a dressé cet inquiétant tableau en scrutant le trafic internet dans les principale­s grandes villes canadienne­s, s’est officielle­ment donné pour mission de « déstabilis­er » l’extrémisme violent sur la Toile. La solution qu’elle met de l’avant : offrir de la musique métal hardcore « de haute qualité » aux personnes qui adhèrent à ces idéologies, explique Micah Clark, directeur de la section canadienne de Moonshot.

Dans le cadre d’un programme financé par le ministère canadien de la Sécurité publique, Moonshot achète des publicités sur Google, qui s’affichent dans les résultats de recherche lorsque des internaute­s explorent des thèmes d’extrême droite, comme les théories du « Grand Remplaceme­nt » et du « génocide des Blancs ». Les liens proposés mènent vers des listes de lecture de musique provocatri­ce à l’esthétique similaire aux styles de musique heavy métal typiquemen­t prisés par les adeptes de l’extrême droite, mais dépourvus de paroles fascistes violentes.

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