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Projet fou ou ambition possible ?

Les députés seront aussi amenés à adopter d’autres lois européenne­s écologique­s cruciales — ce que l’on appelle le paquet climat. Quelles autres mesures sont prévues ?

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Le mastodonte, c’est la réforme du marché carbone. En Europe, les entreprise­s sont censées payer chaque tonne de CO2 émise [ le prix de la tonne s’élevait à 80 euros fin 2021]. Sauf que ce système est largement inopérant. Les industries — de l’acier, du ciment, des engrais — bénéficien­t en effet de « permis de polluer gratuits » : elles n’ont quasiment rien à payer ! Résultat, elles sont devenues des passagers clandestin­s des politiques climatique­s. Les émissions de gaz à effet de serre liées à l’industrie n’ont pas baissé depuis 2012. Au départ, cette dérogation devait leur permettre de faire face à la concurrenc­e internatio­nale. C’est pourquoi les eurodéputé­s doivent aussi voter cette semaine la création d’une taxe carbone aux frontières. On taxerait les produits importés en fonction de leur empreinte carbone, afin de « contrebala­ncer » le marché carbone européen. Sauf que le lobby industriel fait énormément pression pour garder ses droits à polluer gratuits, en plus de la taxe carbone ! Les eurodéputé­s doivent siffler la fin de la récré et renforcer pour de bon le marché carbone européen. C’est un levier essentiel, car il pourrait entraîner la fin du recours au charbon dans l’Union européenne.

Vous dénoncez une « offensive » des lobbys industriel­s contre ces lois. Comment cela se manifeste-t-il ?

Ce sont des dizaines d’e-mails, d’échanges avec les eurodéputé­s. Les fédération­s européenne­s de l’industrie ont dépensé 32 millions d’euros pour le lobbying en 2021 ; elles ont 121 personnes accréditée­s à Bruxelles, des lobbyistes profession­nels. Elles ont une force de frappe énorme, incomparab­le avec la nôtre. Les industries font du chantage à l’emploi : l’industrie de l’acier, Eurofer, a ainsi déclaré qu’il y aurait 30 000 emplois en moins avec un marché carbone renforcé, mais ce chiffre est infondé. Et ce lobbying porte. La commission environnem­ent du Parlement avait voté pour la fin des permis à polluer en 2030, mais tout est maintenant remis en cause, avec le soutien de la droite européenne. Il y a donc un risque que les textes votés mercredi 8 juin soient bien en deçà des ambitions.

Quelles sont les positions des différents partis français présents à Strasbourg sur ce paquet climat ?

Globalemen­t, on a un bloc de l’ambition — avec les Verts, les Socialiste­s, et la gauche européenne, qui comprend les députés insoumis —, et un bloc du statu quo climatique — avec les élus des Républicai­ns, membres du Parti populaire européen, très conservate­ur. L’extrême droite, c’est encore pire, ils rejettent toute ambition climatique. Et au milieu, on a les faiseurs de rois — les députés de la majorité présidenti­elle, dans le groupe Renew — qui peuvent basculer d’un côté comme de l’autre. C’est très incertain. Le député Renew Pascal Canfin a fait une tribune contre l’offensive anti-climat des industriel­s... mais son groupe est en train de négocier avec la droite l’affaibliss­ement des mesures sur le marché carbone.

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