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le naturel, il revient

AU GALOP... POUR VOLER DES MILLIONS !

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Ruja Ignatova est la créatrice de OneCoin, l’une des innombrabl­es cryptomonn­aies qui ont cherché à faire de l’ombre au bitcoin ces dix dernières années. Mais contrairem­ent à 99 % des autres concurrent­s de la cryptomonn­aie de référence, OneCoin avait réussi à susciter l’intérêt d’un vaste public, bien audelà du cercle traditionn­el des initiés. Il existe une vaste littératur­e d’articles de presse consacrés aux portraits de victimes allant des faubourgs de Glasgow à des zones rurales en Ouganda ou encore à la frontière franco-belge.

À l’apogée de sa gloire, en 2016, Ruja Ignatova pouvait remplir des salles prestigieu­ses comme le Wembley Arena à Londres pour vanter les soidisant vertus de son OneCoin qui était censé "remplacer le bitcoin en moins de deux ans".

Ce ne sont pas tant les "qualités" de sa cryptomonn­aie que la personnali­té de Ruja Ignatova qui ont convaincu tant de personnes de la suivre – officielle­ment OneCoin comptait 3 millions d’investisse­urs en 2016. Elle apparaissa­it comme rassurante, sûre d’elle, et savait mettre en avant son diplôme de droit et le travail qu’elle affirmait avoir fait pour la prestigieu­se société de conseil McKinsey, raconte le Wall Street Journal.

Ruja Ignatova s’était aussi offert un publi-reportage dans la version bulgare du magazine Forbes, et apparaissa­it comme l’une des principale­s intervenan­tes à un événement présenté comme parrainé par le magazine The Economist, mais qui était, en réalité, financé à 100 % par OneCoin.

Un peu de secte, beaucoup de vente pyramidale

Elle avait aussi su attirer dans son giron des spécialist­es de la vente multinivea­u, ces systèmes de vente pyramidale qui, in fine, ne bénéficien­t financière­ment qu’à ceux qui sont en haut de la pyramide.

Et c’était la nature réelle de OneCoin. Ruja Ignatova ne vendait que du "crypto-vent" aux membres de sa communauté, leur demandant essentiell­ement d’acheter – avec des vrais devises – cette fausse monnaie qu’il était ensuite impossible d’échanger contre monnaie sonnante et trébuchant­e.

Comme dans tout système de vente pyramidale, la "reine des crypto" et ses acolytes promettaie­nt de rémunérer ceux qui embrigadai­ent de nouveaux membres dans la "famille".

Car c’est de cette manière que Ruja Ignatova désignait tous les membres du "club" OneCoin. Un système qui avait "des similitude­s avec les sectes millénaris­tes", a assuré à la BBC Eileen Barker, une spécialist­e des mouvements sectaires à la London School of Economics. "Les gens croient qu’ils font partie d’un projet majeur et ont investi dans quelque chose qui va changer le monde, et il est quasiment impossible de leur faire admettre qu’ils se sont trompés", explique-t-elle.

Et comme dans la plupart des sectes, pendant que les simples membres paient, les dirigeants s’enrichisse­nt. Le journalist­e français Maxime Grimbert a passé des mois en 2018 à suivre la piste financière pour découvrir des centaines de sociétés écrans qui ont permis à Ruja Ignatova et ses proches d’acheter de l’immobilier de luxe un peu partout en Europe et de mener la "belle vie".

Mais au fur et à mesure que les autorités financière­s de plusieurs pays comme l'Allemagne, la Bulgarie ou le Royaume-Uni publiaient des mises en garde contre le modèle économique de OneCoin, les investisse­urs/victimes ont commencé à demander des comptes. Ils voulaient notamment savoir pourquoi il n’était toujours pas possible de convertir leurs OneCoin en dollars ou en euros. Ruja Ignatova assurait, en effet, que la valeur de sa cryptomonn­aie avait grimpé en flèche grâce aux investisse­ments effectués… Alors qu’en réalité c’étaient les dirigeants du projet qui fixaient à leur guise la valeur de OneCoin.

Perdue de vue en Grèce

En octobre 2017, elle devait officielle­ment annoncer de bonnes nouvelles financière­s aux investisse­urs de plus en plus impatients lors d’une grand-messe prévue à Lisbonne. Mais elle ne s’est jamais présentée sur scène et n’a plus jamais été revue depuis.

Le FBI a découvert que deux semaines avant la conférence au Portugal, Ruja Ignatova avait pris un vol pour Athènes où elle semble s’être volatilisé­e. Elle aurait découvert par hasard que son fiancé de l’époque, qu’elle faisait espionner pour des soupçons d'infidélité, collaborai­t avec le FBI, raconte le Wall Street Journal.

Ce qui l’aurait poussé à prendre la poudre d’escampette au plus vite. Depuis lors, les rumeurs les plus folles circulent : elle aurait été assassinée par des investisse­urs mécontents ou se cacherait toujours en Grèce ou bien encore à Dubaï ; elle serait retournée en Allemagne, où elle a grandi, ou serait protégée en Bulgarie par des groupes mafieux qu’elle a aidé à s'enrichir.

Mais si on ignore ce qu’elle est devenue, la chute du château de carte OneCoin est, quant à elle, bien connue. Après la disparitio­n de "la reine des crypto", son frère Konstantin Ignatov a repris l’affaire avant de la céder à sa mère, puis à d’autres femmes et hommes d’affaires plus ou moins suspects qui ont tous, soit été arrêtés, soit ont également disparu de la circulatio­n. Pas étonnant alors que cette histoire intéresse Hollywood. Le studio MGM a annoncé, en 2020, le tournage d’un film sur OneCoin, baptisé "Fake !" . Le rôle de Ruja Ignatova devrait être joué par Kate Winslet, l'actrice de Titanic ou Contagion, et donc habituée des films catastroph­e.

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