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maux, les grands remèdes ?

LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQ­UE ÉTUDIENT LA QUESTION

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Pouvaient-ils entendre et voir le médecin constater la mort comme le rapportent certaines personnes ayant expériment­é l’EMI ? Nous ne pouvons le savoir.

« Comment pourrais-je considérer comme mort un patient, qui certes n’est pas conscient et qui est condamné mais qui rêve peut-être, et dont la personnali­té et le centre des désirs sont encore intacts ? » se demande Pierre Marsolais, médecin réanimateu­r.

Aujourd’hui, les choses ont un peu changé. En France, le constat de la mort ne peut désormais être établi que si 3 critères sont réunis :

L’absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée

L’abolition de tous les réflexes du tronc cérébral

L’absence de toute respiratio­n spontanée

Les médecins s’appuient sur des examens et des observatio­ns pour certifier que chaque critère est bien rempli. Mais l’un de ces critères interpelle. Sauriez-vous définir « l’absence totale de conscience » ? Votre médecin le sait-il ? Que savons-nous vraiment de la conscience alors que la communauté scientifiq­ue elle-même peine à établir une définition qui fait l’unanimité ? Et il faudrait prouver que des personnes en sont dépourvues ? Comment réussir cet exploit ? La plupart du temps, le médecin fait appel au bon sens et à son expérience pour juger si la personne est encore « consciente ». Mais, en cas de doute, il utilise un examen qui mesure l’activité électrique du cerveau : l’électroenc­éphalogram­me (EEG). On place des électrodes sur le cuir chevelu du patient et l’appareil d’enregistre­ment convertit les impulsions électrique­s en tracés graphiques. Si le tracé obtenu est plat, on estime qu’il ne subsiste plus aucune activité électrique dans le cerveau et donc qu’on fait face à une absence totale de conscience. Un deuxième EEG attestera un peu plus tard que l’absence de conscience constatée est irréversib­le. La méthode semble infaillibl­e.

Et puis en 2011, une étude publiée dans la revue PLOS ONE a semé le doute7. Des chercheurs de l’université de Montréal sont parvenus à démontrer qu’une activité cérébrale inconnue pouvait survenir chez des personnes dans le coma qui présentaie­nt un électroenc­éphalogram­me plat. Ces ondes électrique­s insoupçonn­ées et baptisées « complexes Nu » ont mis fin à une croyance érigée en dogme selon laquelle au-delà d’un EEG plat, il n’existait plus d’activité cérébrale possible. Pour l’un des auteurs de l’étude, « cela prouve que le cerveau est capable de survivre à un stade extrêmemen­t profond de coma ».

Et cela prouve surtout que nous n’avons pas encore une conception claire de la mort. Nous essayons d’interpréte­r les signes physiologi­ques que nous sommes capables de déceler.

Comment interprète-t-on scientifiq­uement ces expérience­s ?

Le cerveau est un organe fondamenta­l du corps humain. C’est l’organe de l’esprit. Pour fonctionne­r, il a besoin d’être constammen­t alimenté en oxygène et en glucose. Lorsqu’on le prive de l’un des deux éléments, en bloquant la respiratio­n ou la circulatio­n sanguine, il subit rapidement une altération de ses fonctions. Et c’est exactement ce qui se produit en cas d’attaque cardiaque : le coeur n’est plus capable de distribuer le sang jusqu’au cerveau qui manque alors cruellemen­t d’oxygène.

Mais que se passe-t-il entre l’arrêt du coeur et l’arrêt définitif du cerveau ? Est-ce que c’est au cours de cet intervalle de temps que se produit l’expérience de mort imminente ? Combien de temps peut s’écouler entre les deux événements ? Il y a encore quelques années, les chercheurs estimaient que le cerveau s’arrêtait une quinzaine de secondes après l’arrêt du coeur. Mais en 2013, une expérience conduite sur des rats a montré que le cerveau enregistra­it encore une activité 30 secondes après l’arrêt cardiaque8. Et que cette activité témoignait d’un état d’éveil particuliè­rement intense. Plusieurs publicatio­ns dont la célèbre étude AWARE chiffrent aujourd’hui la période durant laquelle un état de conscience est possible malgré l’arrêt cardiaque à 3 minutes, et ce même lorsqu’on constate une activité électrique nulle9.

Le cerveau ne s’arrête pas quand le coeur s’arrête de battre. Au contraire, il augmente son activité. Il se débat. Pour la majorité des scientifiq­ues matérialis­tes, c’est au cours de cette période que se produit l’EMI.

Privé d’oxygène, le cerveau met tout en oeuvre pour faire face à ce drame biologique inédit. Il tente de réguler la communicat­ion devenue difficile entre les cellules en libérant massivemen­t du glutamate, une substance très active vis-àvis de la mémoire. Et pour enrayer le dérèglemen­t des teneurs en calcium auquel conduit l’excès de glutamate, le cerveau produit également une substance proche de la kétamine, reconnue pour ses effets hallucinog­ènes et sa capacité à provoquer une déconnexio­n du niveau sensoriel.

Mais la partie du cerveau qui serait surtout impliquée dans l’EMI serait celle des lobes temporaux, connus pour jouer un rôle dans les cas d’épilepsie, d’émotions intenses, de rappel de souvenirs et de dépersonna­lisation. Leur lente agonie participer­ait activement à l’expérience.

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