Masculin

DÉMARCHES pour consolider le couple

DANS CE PEU DE DÉSIR : UN POINT DE VUE UTOPIQUE ?

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Le désintérêt pour la chose constituer­ait donc un mouvement de fond ?

Il est probable que l’accès au plaisir ait toujours été une affaire complexe. On sait bien qu’il ne suffit pas que deux corps s’unissent pour qu’il en résulte des apothéoses d’extase. Mais ce qui caractéris­e notre époque, c’est ce fossé abyssal entre l’érotisme torride ou acrobatiqu­e montré par les médias et les rapports souvent ennuyeux vécus par la plupart des gens. Brassens chantait « Quatre-vingt-quinze fois sur cent, la femme s’emmerde en baisant ». Mais la plupart des hommes n’y trouvent pas leur compte non plus. Le grand acquis de la révolution sexuelle est peut-être que la femme n’est plus la seule à simuler ! La merveilleu­se harmonie entre deux désirs est une chose plutôt rare. Ceux qui n’ont pas cette chance n’ont plus qu’à faire semblant. Ou bien à renoncer.

Il semblerait pourtant que les couples en difficulté consultent davantage les sexologues. N’y vont-ils pas pour retrouver une sexualité épanouissa­nte ?

Ils viennent surtout pour être rassurés. Les médecins ont beau répéter qu’en matière de sexualité, il n’y a pas de norme, il existe aujourd’hui un incroyable besoin d’être « normal »… Beaucoup de couples s’imaginent que ne pas faire l’amour finit par se voir. D’autres se demandent si la perte du désir peut avoir des incidences sur leur santé physique, mentale ou sociale. Bien souvent, si on leur prescrit des produits sexo-actifs, ils ne les prennent pas. Car leur véritable demande n’est pas de retrouver ce qui a été perdu, mais d’entendre qu’il n’y a rien de grave ni d’exceptionn­el à leur cas. Le sexologue Sylvain Mimoun rapporte que, au cours des années 1970, ses collègues et lui ont cherché à ouvrir à leurs patients les voies du plaisir. Aujourd’hui, ils sont là pour rassurer ceux qui ne font pas l’amour.

L’abstinence dans le couple est-elle liée à l’érosion de l’amour ?

Pas nécessaire­ment. Avec les années, ou peut-être par manque de conviction, on se dégage de la nécessité impérieuse du désir, et l’amour peut en sortir grandi. On s’habitue à dormir côte à côte sans plus y penser. Et le couple se consolide dans ce peu de désir. L’abstinence peut ainsi être un gage d’équilibre, une solution pour vivre ensemble. C’est aussi le signe qu’au-delà du désir, on avait des raisons de partager une vie. Le désir a pris d’autres voies.

Les autoprocla­més "asexuels" prétendent ne ressentir aucun désir. L’Américain David Jay, leur chef de file, n’avait que 22 ans lorsqu’il a fondé ce mouvement en 2001. Un peu jeune pour être crédible, non ?

Il est certain que la sexualité a besoin de temps pour se déployer et que les "asexuels" organisés autour du site Aven sont majoritair­ement des jeunes gens, vierges pour la plupart, ou alors pas très convaincus par leurs premières expérience­s. Néanmoins, il faut respecter ces personnes qui sont en train d’élaborer une réponse, fut-ce un refus prématuré, à la pression qu’on leur impose. Il y a une forme de courage à dire à ses parents ou aux copains qui vous demandent des comptes que l’on n’est pas tellement intéressé par ce sexe qui a l’air d’exciter tout le monde. On peut imaginer que dans un pareil contexte, « l’entrée en matière » soit un peu difficile, qu’elle suscite des réticences et de l’inquiétude. Les asexuels prétendent représente­r un quatrième genre, à côté des hétéros, des homos, des bi. Je crois davantage à une réaction identitair­e dont l’extrémisme est à la mesure de l’incitation à consommer. Nous n’avons pas assez de recul pour savoir combien le resteront.

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