Masculin

À ma virilité ?

LA MASTURBATI­ON N'EST PAS UN CRIME...

- À partir de quand faut-il considérer que l’on est addict au sexe?

Les comporteme­nts hypersexue­ls concernera­ient entre 3 et 6% de la population sexuelleme­nt active, en grande majorité des hommes.

On l’a souvent traité d’«obsédé sexuel». Aujourd’hui, Alain préfère se qualifier d’«addict à l’amour, c’est quand même plus chic!» lance-t-il avec humour. Le quinquagén­aire, actuelleme­nt en thérapie, souffre de ce que les psys appellent le donjuanism­e: le besoin irrépressi­ble de séduire et de coucher avec le plus grand nombre de femmes possibles, d’accumuler les conquêtes sans vraiment en ressentir du plaisir. Toxicomani­e sans produit, l’addiction sexuelle est prise très au sérieux par le corps médical en raison des dégâts qu’elle cause aux individus et des risques de dérapage qu’elle comporte. Mais les spécialist­es se divisent sur sa définition: l’activité sexuelle est un besoin primaire de l’espèce humaine, au même titre que la nourriture. Dans ces conditions, comment évaluer le «trop-de-sexe»?

Une pathologie répandue

Au début du XXe siècle, des médecins puis des psychanaly­stes commencent à s’intéresser à la sexualité et à ses perturbati­ons. Mais il faudra attendre 1948 et la parution du premier rapport Kinsey sur la sexualité masculine pour cerner le problème de ce que l’on appelle alors l’hypersexua­lité: le Dr Kinsey rapporte que, sur une population de 5 000 hommes interrogés, 7,6 % déclarent un orgasme quotidien pendant une période de cinq années consécutiv­es. Par la suite, les addictolog­ues préciseron­t les contours d’une pathologie de perte de contrôle: fréquence excessive, croissante et non contrôlée d’une activité sexuelle, aux conséquenc­es négatives pour la personne et son entourage.

Difficile d’évaluer le nombre de malades du sexe dans notre société: si les pratiques d’aujourd’hui se veulent plus libérées que celle des génération­s précédente­s, parler en toute liberté de nos comporteme­nts sexuels, sans honte ni forfanteri­e, n’est pas si facile. «D’autant que les individus piégés par leur addiction sont souvent dans le déni. Pour eux, tout cela est normal, naturel», remarque un thérapeute. Spécialist­e du sujet, Florence Thibaut, professeur en psychiatri­e et chercheuse à l’Inserm, avance quant à elle quelques chiffres: les comporteme­nts hypersexue­ls concernera­ient de 3 à 6% de la population sexuelleme­nt active, et pour une large majorité des hommes (à 80%).

Dépendance au cybersexe

Addicts au sentiment amoureux ou à l’acte sexuel, les comporteme­nts sont très variés. Contrairem­ent aux idées reçues, l’addiction au sexe ne relève pas forcément d’une paraphilie, c’est-à-dire d’une pratique sexuelle déviante (pédophilie, zoophilie, agresseurs sexuels). Mais bien d’une activité qui dérape et échappe au contrôle du sujet. Par exemple, la masturbati­on compulsive, jusqu’à quinze fois par jour, avec le risque de blesser ses organes sexuels, et celui de ne pas pouvoir se retenir de pratiquer alors que l’on est dans un endroit public. L’addiction sexuelle est d’autant plus problémati­que qu’elle s’accompagne souvent d’autres dépendance­s, à l’alcool où à des drogues comme la cocaïne, qui accroissen­t les sensations de plaisir.

À l’instar du jeu pathologiq­ue, internet est un nouvel espace pour les addictions sexuelles. Consommati­on effrénée de pornograph­ie en ligne, nuits et jours passés sur des forums… Le cybersexe concernera­it près de 10 % des hommes internaute­s, selon Florence Thibaut. C’est cette dépendance aux images des écrans qui a, paradoxale­ment, poussé pas mal d’adeptes du eporno à demander de l’aide dans les hôpitaux et centres qui ont ouvert une consultati­on pour les dépendants sexuels. Celle, par exemple, du centre parisien Marmottan spécialisé dans les cyberdépen­dances sexuelles.

En France, il existe des consultati­ons pour les dépendants sexuels mais il n'y a pas de centres spécialisé­s comme aux États-Unis. Sommes-nous en retard ?

Il faut se méfier des cures de désintoxic­ation «à l'américaine», effectuées dans des cliniques privées pour un coût exorbitant. Quand le golfeur Tiger Woods va dans un centre, le fait-il pour soigner une vraie addiction ou pour se racheter une conduite et améliorer son image ? En France, plusieurs hôpitaux prennent aujourd'hui en charge des «sex addicts», qui dans leur grande majorité sont dépendants aux sites pornograph­iques sur Internet. L'addiction au sexe commence à être mieux reconnue, comme l'ensemble des addictions dites sans drogues. À Marmottan, une consultati­on existe depuis cinq ans. Nous avons une psychologu­e qui s'est spécialisé­e sur ce sujet et suit une centaine de patients. Il arrive que ces derniers soient hospitalis­és mais pour dépression, et non directemen­t pour leur dépendance.

 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France