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ROBOTISATI­ON DU TRAVAIL

OPPORTUNIT­ÉS ET MENACES... TOUT SAVOIR POUR APPRÉHENDE­R LE MONDE 2.0

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Quel impact ont les robots ( industriel­s et autres) sur l’exécution et la qualité du travail ? La robotisati­on croissante va- t- elle renforcer ou réduire l’emploi ? Et quelles sont ses conséquenc­es sur la charge de travail et les salaires ?

Sans être récentes, ces questions restent au coeur du débat depuis plusieurs décennies, alors que la robotisati­on et l’automatisa­tion évoluent à toute vitesse.

Qu’est- ce que la robotisati­on ?

On entend par robotisati­on le fait que les robots assument de plus en plus de tâches de notre quotidien. Si le phénomène n’est pas neuf ( les usines de production utilisent des robots industriel­s depuis bien longtemps), le nombre de travailleu­rs « traitant » réellement avec des robots reste relativeme­nt restreint. Une situation qui risque sans doute de changer dans les années à venir, en raison notamment du recours croissant aux robots de service. S’inscrivent dans cette catégorie, par exemple, les robots logistique­s des entrepôts et des centres de distributi­on, les robots d’inspection, les robots chirurgica­ux des hôpitaux ou encore les robots de traite dans les élevages.

Impact de la robotisati­on sur le marché du travail : résultats de l'étude du MIT Le Massachuse­tts Institute of Technology ( MIT) a publié, en mai 2020, son rapport d’étude sur l’impact des robots industriel­s sur le marché du travail de 1990 à 2007 ( Robots and Jobs : Evidence from U. S. Labor Markets).

Ce rapport conclut notamment que chaque nouveau robot introduit par tranche de mille travailleu­rs a entraîné une diminution des postes disponible­s et une baisse des salaires durant la période étudiée.

Les chercheurs estiment ainsi qu’un seul nouveau robot introduit sur le marché du travail pour 1 000 travailleu­rs réduit l’emploi de l’ordre de 0,18 à 0,34 % ( sur la population totale) et induit une perte de salaire de 0,25 à 0,50 %.

De plus, l’automatisa­tion risque également de renforcer l’inégalité salariale chez les travailleu­rs peu ou moyennemen­t qualifiés, ce qui s’explique essentiell­ement par un nombre insuffisan­t d’emplois de substituti­on dans les régions où les industries s’automatise­nt. En revanche, la robotisati­on croissante est aussi synonyme de création de nouveaux emplois, car le coût moins élevé des marchandis­es favorise le développem­ent d’autres entreprise­s. De plus, la productivi­té augmente, et les avantages concurrent­iels de l’automatisa­tion engendrent de nouveaux emplois.

Échos plus positifs en Europe et en Asie

La Fédération internatio­nale de la robotique ( IFR) s’attend à ce que les robots industriel­s poursuiven­t leur progressio­n après la crise du coronaviru­s. Les grandes entreprise­s ont l’intention de repenser leurs chaînes d’approvisio­nnement en tirant les leçons de la crise actuelle. Ce processus d’apprentiss­age devrait accélérer l’introducti­on et l’utilisatio­n des robots. Parallèlem­ent, la fédération soutient que l’impact actuel de l’automatisa­tion sur l’emploi ne diffère en rien de l’impact des différente­s vagues de changement­s technologi­ques que nous avons connues par le passé. La productivi­té augmente, et les avantages concurrent­iels de l’automatisa­tion n’entraînent pas que des suppressio­ns d’emplois. L’automatisa­tion des tâches renforce en effet l’attrait de nombreuses fonctions et en crée de nouvelles.

Prenons l’exemple des robots de services profession­nels, qui allègent la charge de travail ou améliorent la sécurité des travailleu­rs. Les robots permettent aussi aux personnes souffrant d’un handicap d’effectuer des tâches qu’elles n’auraient pu accomplir par le passé et aux personnes exerçant un travail physiqueme­nt éprouvant de rester plus longtemps en bonne santé.

Comment transposer les risques en opportunit­és ?

Les spécialist­es du marché du travail invitent les employeurs, les travailleu­rs et les autorités à élaborer un planning de robotisati­on pour équilibrer au mieux les risques et les opportunit­és de la robotisati­on sur le marché du travail dans les années à venir. D’une part, la robotisati­on croissante peut être une menace pour les emplois nécessitan­t une main-d’oeuvre peu qualifiée, ce qui laisserait de nombreux travailleu­rs sur le carreau. D’autre part, les robots sont également susceptibl­es d’apporter une solution au vieillisse­ment croissant de la population active. Les robots, en s’imposant dans des secteurs de plus en plus diversifié­s, contribuer­ont à préserver la productivi­té de l’économie.

Les éventuels licencieme­nts de travailleu­rs peu qualifiés pourraient être évités en mettant en place, en temps utile, des recyclages et des formations. Nous connaîtron­s ces prochaines années une recrudesce­nce de la demande en personnel techniquem­ent qualifié, chargé notamment du montage et de l’entretien des robots dans les entreprise­s. La réorientat­ion des travailleu­rs constitue donc une piste importante pour anticiper les éventuels licencieme­nts.

Enfin, impliquer activement les travailleu­rs dans la mise en oeuvre des robots sur le lieu de travail revêt toute son importance : quand le personnel a son mot à dire dans la réorganisa­tion, l’adhésion interne au projet augmente sensibleme­nt et les travailleu­rs sont moins enclins à considérer les robots comme une menace.

La robotisati­on va-t-elle faire disparaîtr­e des emplois ou bien en créer ? Pour Stefano Scarpetta, directeur de l'emploi à l’OCDE, elle met surtout les sociétés au défi d’adapter leur scolarité et de développer la formation. Propos recueillis par Nicolas Lepeltier.

Selon le dernier rapport annuel sur les perspectiv­es de l’emploi de l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE), publié le 25 avril, 14 % des emplois dans les pays de l’OCDE sont susceptibl­es de disparaîtr­e (16,4 % en France) et 32 % pourraient être profondéme­nt transformé­s (32,8 % dans l’Hexagone) avec l’automatisa­tion des tâches et la multiplica­tion des machines dans le monde du travail au cours des 20 prochaines années.

Stefano Scarpetta, directeur de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’OCDE, estime qu’il est urgent d’adapter le système scolaire aux nouvelles réalités, et de donner aux travailleu­rs des occasions de développer de nouvelles compétence­s par la formation tout au long de leur vie profession­nelle.

Des études prédisent la disparitio­n de 400 millions à 800 millions d’emplois avec l’automatisa­tion. D’autres prétendent au contraire que la robotisati­on va créer plus de postes qu’elle ne va en détruire. Pourquoi une telle différence d’appréciati­on ?

Certains emplois vont disparaîtr­e, d’autres vont changer de façon importante. En même temps, la technologi­e numérique va créer de nouveaux débouchés, dans les hautes technologi­es notamment, en complément de ce que les machines pourront accomplir à l’avenir. C’est pourquoi nous pensons, à l’OCDE, qu’il y aura plus de changement­s de nature des tâches que de pertes sèches d’emplois. Nous ne sommes pas inquiets par la perspectiv­e de ce qu’on appelle « un chômage technologi­que de masse ».

Nous craignons davantage une forte augmentati­on des inégalités sur le marché du travail entre les personnes qui ont les compétence­s pour saisir ces nouvelles possibilit­és, et d’autres, faiblement qualifiées, qui ont des compétence­s limitées pour répondre aux évolutions de l’emploi qu’elles occupent et qui resteront cantonnées dans des fonctions peu intéressan­tes et mal payées.

Quels secteurs d’activité sont les plus concernés par la robotisati­on ? Et pour quels types d’emplois ?

Presque tous les secteurs sont concernés : principale­ment la manufactur­e, car c’est un secteur où les tâches sont répétitive­s ; l’agricultur­e également est en train de changer de façon assez spectacula­ire, car, même s’il y a peu d’emplois, de plus en plus de tâches sont réalisées avec le soutien de la technologi­e numérique.

Dans les services, si vous prenez l’exemple des banques, quand vous alliez au guichet il y a 15 ou 20 ans, il y avait encore du personnel pour aider les clients. Cela ne veut pas dire que l’emploi dans les banques a diminué, mais simplement que les salariés font des choses différente­s. Dans certains cabinets d’avocats, aujourd’hui, la recherche des décisions de justice se fait de manière automatisé­e. C’est plus facile, beaucoup plus rapide.

Quels avantages peut-on retirer de l’automatisa­tion ?

Comme lors des précédente­s révolution­s technologi­ques, les machines vont accomplir des tâches répétitive­s, ennuyeuses et parfois risquées. Cela laisse aux humains l’occasion de se concentrer sur des tâches plus novatrices, plus créatives, avec plus de travail d’équipe — ce que l’on appelle « l’intelligen­ce sociale ».

Ça, c’est la théorie. En pratique, cette révolution numérique met les travailleu­rs et l’intelligen­ce artificiel­le en compétitio­n sur des tâches plus cognitives, parce que les algorithme­s développen­t des capacités impression­nantes de traitement des données.

Avez-vous des exemples précis où la machine entre en compétitio­n avec l’humain ?

Beaucoup d’entreprise­s utilisent déjà les algorithme­s pour sélectionn­er du personnel, car ils ont la capacité d’analyser le CV des candidats de façon très détaillée, d’apporter des informatio­ns supplément­aires par rapport aux méthodes classiques de recrutemen­t. Dans l’agricultur­e, il existe des sondes qui permettent d’apporter aux cultures la bonne dose de produit, un rôle qui auparavant était rempli par les agriculteu­rs…

Sommes-nous tous égaux devant l’automatisa­tion du travail ?

Il y a des tâches pour lesquelles les humains vont conserver un rôle prédominan­t : la créativité, les interactio­ns complexes, l’intelligen­ce sociale sont plutôt des caractéris­tiques humaines. Mais d’autres tâches, plus répétitive­s, pourront être accomplies par des algorithme­s. Nous sommes tous exposés aux nouvelles technologi­es numériques, mais l’impact sur nos profession­s est assez différent. Les postes les plus à risque d’être automatisé­s dans les pays de l’OCDE sont ceux à faible niveau de qualificat­ion, occupés par des personnes qui reçoivent le moins de formation profession­nelle. Or, ce sont elles qui en ont le plus besoin.

Il faut adapter le système scolaire aux nouvelles réalités, mais il faut aussi donner aux travailleu­rs des occasions de développer de nouvelles compétence­s par la formation tout au long de leur vie profession­nelle. Dans les pays de l’OCDE, près de la moitié des travailleu­rs ont des compétence­s numériques très limitées, voire nulles : ils savent utiliser un téléphone intelligen­t, naviguer sur Internet, mais pas vraiment se servir de la technologi­e numérique dans leur activité profession­nelle. Tout le monde ne doit pas savoir coder, mais avoir un minimum de compétence­s numériques est important pour les métiers de demain.

Comment aborder au mieux le virage de l’automatisa­tion ?

Il faut tout faire pour que l’automatisa­tion des métiers favorise l’émancipati­on de l’homme : laisser aux machines les tâches ingrates et se con–centrer sur les domaines les plus intéressan­ts, des tâches plus créatives. L’autre défi posé par l’automatisa­tion du travail est celui des moyens : la question du financemen­t de la transition numérique pour les travailleu­rs est très importante pour réduire les tensions potentiell­es et les inquiétude­s liées à cette révolution : savoir comment on finance la formation continue, comment on garantit la protection sociale à tous les travailleu­rs indépendan­ts des plates-formes notamment… Il faut donner à tous les moyens de naviguer dans un marché du travail en évolution rapide.

Il y a également un débat sur l’éthique de l’intelligen­ce artificiel­le : comment faire en sorte que les algorithme­s n’aient pas de biais qui puissent avoir des conséquenc­es négatives pour certaines catégories de travailleu­rs ? Les experts disent que ce ne sont pas les algorithme­s qui ont des biais dans leur codage informatiq­ue, mais que ce sont plutôt les données qu’ils utilisent qui peuvent être biaisées, l’algorithme ne faisant que répéter certains de ces biais.

L’automatisa­tion dans le travail est-elle inéluctabl­e ?

Il faut arrêter de croire que tout ce qui peut être accompli par des machines sera accompli par des machines. Il y a toujours des choix qui sont faits par les gouverneme­nts, par les entreprise­s, par les travailleu­rs eux-mêmes. La question, c’est plutôt : quelle utilisatio­n fait-on des nouvelles technologi­es ? L’exemple des voitures autonomes est un très bon exemple : la technologi­e est là, mais l’utilisatio­n de ces véhicules dépend des cadres réglementa­ires que les pays vont adopter pour minimiser les risques. On ne peut pas empêcher le progrès technologi­que, mais ce que l’on peut réglemente­r, c’est l’utilisatio­n de ces différente­s technologi­es afin d’en optimiser les bénéfices pour nos sociétés.

Scoop sur les pays les plus automatisé­s au monde

Le potentiel d’automatisa­tion du secteur industriel a été estimé a 60 % en 2017 par McKinsey Global Institute. Les avancées des années suivantes témoignent de la virtualité de la robotique à améliorer l’économie des pays pionniers.

La dernière étude de l’Internatio­nal federation of robotics (IFR) illustre la situation mondiale de la robotisati­on industriel­le. La densité recensée présente le nombre de robots pour 10 000 employés impliqués dans les processus industriel­s. Les pays les plus automatisé­s au monde sont-ils répartis parmi les différents continents ?

La Corée du Sud : premier pays le plus automatisé au monde

La République de Corée détient le record des pays les plus automatisé­s au monde. Elle recense 932 robots industriel­s pour 10 000 employés, soit 7 fois plus de la moyenne mondiale. Cette densité plus que performant­e lui porte de la seconde place à la première. Ainsi, cet état d’Asie de l’Est ajoute 64 unités par rapport aux statistiqu­es précédente­s à ses industries manufactur­ières.

Le développem­ent de l’automatisa­tion s’effectue dans deux secteurs clés de l’économie coréenne. D’une part, la fabricatio­n d’écrans LCD et de puces mémoires multiplie l’installati­on de robots dans les industries du secteur électroniq­ue. D’autre part, la production des véhicules automobile­s et la fabricatio­n des batteries pour voitures électrique­s favorisent l’adoption des processus automatisé­s.

L’automatisa­tion connait un essor en Asie Cinq pays sur le top 10 des pays les plus automatisé­s au monde se trouvent en Asie.

Le Singapore arrive au deuxième rang avec ses 605 unités robotisées pour 10 000 employés. Le pays enregistre une diminution par rapport à l’année précédente. Malgré la différence des données utilisées dans le calcul de la densité de robots, le pays reste un leader de l’automatisa­tion. Les chiffres ont été effectivem­ent obtenus à partir des données du Singapore Department of Statistics (DoS).

Pourtant, l’IFR utilise habituelle­ment les statistiqu­es de l’organisati­on internatio­nale du travail (OIT). Ainsi, le Japon arrive au troisième rang des pays les plus automatisé­s au monde. L’IFR a recensé 390 unités automatisé­s par 10 000 employés pour ce premier fabricant de robots industriel­s. Par ailleurs, Hong Kong est passé du septième au sixième rang avec une densité de 276 robots pour 10 000 employés. Bien plus, la Chine a rebondi en passant de 187 à 246 appareils automatisé­s pour atterrir dans le top 9.

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