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À mon corps !

ELLES OSENT DIRE NON, ET C'EST DÉJÀ UNE BATAILLE DE GAGNÉE !

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"Il pose sa main sur ma cuisse"

Sonia souhaite également témoigner du rôle "ambigu" joué, selon elle, dans cette affaire par l’actuelle numéro deux de la FFF, Florence Hardouin. "Elle aussi a reçu des invitation­s répétées et tendancieu­ses de Noël Le Graët. On en a parlé ensemble." Ce qui n’a pas empêché par la suite la directrice générale "de vouloir me virer, affirme-t-elle. Florence Hardouin m’a dit un jour ‘si tu ne tues pas ton N-1, ton N-1 te tuera.’ J’ai vite compris son état d’esprit." Aujourd’hui, Sonia s’épanouit loin de la FFF, qu’elle juge "dysfonctio­nnelle". "À la FFF, la soupe est bonne et les salaires sont élevés. C’est pour cela que certains restent", dit-elle. Estelle* fait un constat similaire. Elle a occupé un poste élevé à la Fédération pendant plusieurs années, avant de quitter le navire. Elle aussi affirme avoir été victime de harcèlemen­t.

"En 2016, je devais partir avec le président Le Graët en déplacemen­t officiel, nous raconte-t-elle. Pendant la semaine qui précède, il me harcèle en m’appelant quasiment tous les soirs pour me dire qu’il se réjouit d'y aller avec moi. Il me dit qu’il faut que je me mette en jupe le jour du voyage. Évidemment je refuse, je mets un pantalon. Dans l’avion, je suis à côté de lui, il pose sa main sur ma cuisse. Je l’ai repoussé en lui disant ‘président, on ne va pas commencer le trajet comme ça’."

Une fois arrivés sur place, "Noël Le Graët me demande de monter dans sa chambre d’hôtel, poursuit Estelle. Il voulait que je lui installe un VPN sur son Ipad. Je lui ai dit de descendre dans le hall pour que je puisse m’en occuper."

De retour à Paris, pour mettre fin aux assauts de son patron, Estelle raconte lui avoir dit : "Président, je préfère votre femme". "Après ça, il a cessé."

Interrogé sur ces accusation­s, Noël Le Graët nous a fait parvenir cette réponse via son directeur de la communicat­ion. "Je conteste fermement les prétendus comporteme­nts ‘déplacés’ à l'égard de salariées au sein de la FFF", écrit le patron de la Fédération.

"J’ai toujours entretenu des relations respectueu­ses avec mes collaborat­rices et mes collaborat­eurs dans un climat de confiance mutuelle. Ces allégation­s anonymes à la fois mensongère­s et malveillan­tes visent manifestem­ent à me nuire profession­nellement et personnell­ement."

Le rôle "trouble" de la directrice générale

Tout comme Sonia, Estelle – que nous avons vue à plusieurs reprises – pointe le rôle "trouble" dans cette affaire de la directrice générale de la FFF. "Florence Hardouin était au courant du comporteme­nt du président. Elle m’a demandé de lui raconter. Je pensais qu’elle allait me protéger. En fait non, elle a tout enterré." Un ancien haut responsabl­e de la FFF confirme que "Florence Hardouin savait comment Noël Le Graët se comportait avec les femmes. Elle-même racontait, en 2013, qu’il la harcelait. Elle m’a confié qu’elle gardait tout [les messages, NDRL]."

Pour cet ancien salarié cependant, "Noël Le Graët n’est pas un pervers. C’est un homme qui aime les femmes et qui drague lourdement. À ma connaissan­ce il n’a pas commis d’agression." Notre témoin estime qu’il y a là "un fossé génération­nel. Noël Le Graët est né avant que les femmes n’aient le droit de vote. Il avait 25 ans quand elles ont pu ouvrir un compte en banque. Son rapport aux femmes est complèteme­nt différent de ce qui se passe aujourd’hui."

Samuel*, un ancien cadre de la FFF qui fut proche de Florence Hardouin, estime pour sa part qu’il y a "un climat sexiste et des comporteme­nts misogynes à la FFF". À cela s’ajoute, selon lui, "le management brutal de Florence Hardouin. Lors de la mise en place du PSE [plan de sauvegarde de l’emploi, qui s’est soldé par 18 licencieme­nts en 2021, ndlr***], elle a prétexté des difficulté­s économique­s qui n’existaient pas pour se débarrasse­r de tous ceux dont elle ne voulait plus, dont de nombreuses femmes." D’après le rapport financier de la FFF pour l’année 2020-2021 (voir cidessous), la Fédération a clos l’année 2021 avec un excédent de 201 000 euros. 3,3 millions d’euros avaient été provisionn­és pour le plan social. "S’il n’y avait pas eu le PSE, la FFF terminait l’année avec un excédent de 3,5 millions d’euros. Il n’y avait pas besoin de virer des gens", affirme l’ancien responsabl­e cité plus haut.

Charlotte*, une ancienne salariée de la FFF, fait une analyse du management à la Fédération assez similaire. "Oui j’ai reçu de nombreuses invitation­s à dîner de la part de Noël Le Graët, et ce n’est pas normal vu le rapport hiérarchiq­ue que l’on avait", nous confie-t-elle. "Il a un comporteme­nt vraiment limite. Mais je n’ai jamais ressenti ses propos comme menaçants. J’ai esquivé les invitation­s et il ne m’en a pas tenu rigueur. On a gardé de bonnes relations." "Dans mon cas, explique la jeune femme, c’est la gouvernanc­e clivante de Florence Hardouin qui m’a posé le plus problème. Soit on est avec elle, soit on est contre elle." Pour Charlotte, "le crédo de Florence Hardouin, c’est de dire qu’elle est une femme qui réussit dans un milieu de mecs." Estelle affirme : "la FFF, elle voulait être la seule femme." Samuel résume les choses ainsi : "C’est une sorte de couple qui a basculé. Au départ, Le Graët avait besoin que Florence Hardouin prenne un certain nombre de responsabi­lités. Mais quand elle s’est trop rapprochée de l’Équipe de France, il s’est crispé. Aujourd’hui ils se détestent et cela déteint sur toute la fédération."

ÀClémence*, une ancienne directrice de la FFF raconte un autre épisode, qui aurait eu lieu début 2021. "J’allais quitter la FFF. Je vais voir Le Graët pour le saluer. Dans son bureau, il me demande, gêné, si j’avais raconté à Florence qu’il m’avait agressé sexuelleme­nt chez lui, en me plaquant contre un mur et en mettant sa main dans ma culotte. C’était faux. Oui, il était un peu lourd avec moi notamment quand il me faisait la bise, mais jamais il ne m’a agressée."

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