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- ÉCRIT PAR MIGUEL Z

Guerre en Ukraine : Comment le « vert Zelensky » est devenu « l’identité politique d’un pays en résistance »

Des casques à plumes rouges pour l’armée spartiate, des chapeaux de feutres pour les cavaliers de l’Empire ottoman, aux malheureux pantalons rouge garance de l’armée française lors de la Première Guerre mondiale. A chaque armée son identité vestimenta­ire qui, bien souvent, glisse du front jusqu’à la sphère politique.

« Dès le premier jour de l’invasion, il a changé radicaleme­nt d’habillemen­t et fait un choix significat­if qui marque sa proximité avec la population et la situation dans laquelle son peuple se trouve », note Valentyna Dymytrova, maîtresse de conférence­s en sciences de l’informatio­n et de la communicat­ion à l’université Lyon-3. Or, « le pouvoir est toujours mis en scène non seulement à travers le discours mais aussi à travers d’autres éléments et l’habit joue un rôle très important dans la constructi­on du discours politique », ajoute l’experte des identités ukrainienn­es dans la communicat­ion et les médias.

Le « look Zelensky »

« Le "look" Zelensky rompt avec une mise en scène traditionn­elle du pouvoir présidenti­el créant ainsi un choc visuel qui souligne le sérieux de la situation dans laquelle se trouve l’Ukraine, en proie d’une guerre meurtrière engagée par la Russie », souligne Johanna Möhring, chargée de recherche au Center for Advanced Security, Strategic and Integratio­n Studies (Cassis) à l’université de Bonn. Fort d’une carrière à la télévision qui l’a propulsé au rang de star du petit écran, le président ukrainien est très à l’aise avec les codes médiatique­s et multiplie les interventi­ons sur les réseaux sociaux et dans la sphère politique internatio­nale.

« Il est évident que sa carrière médiatique a eu une importance. Depuis le début du conflit, c’est le personnage principal de la communicat­ion ukrainienn­e », souligne Fabrice d’Almeida, professeur à l’Institut français de presse et historien. Le style de Volodymyr Zelensky est devenu une « marque qui représente la guerre » et se retrouve « aussi bien chez d’autres leaders politiques que chez des citoyens lambda car, en Ukraine, ce style militaire est devenu la norme dans l’espace public », souligne Valentyna Dymytrova. Son style a même été copié par Emmanuel Macron, qui s'est affiché en pull à capuche et barbe mal rasée.

Une « barbe courte qui en dit long »

Le « look » de Volodymyr Zelensky « reprend les codes visuels d’un leader de rebelles contre l’Empire, d’un "freedom fighter", de "l’underdog" qui se bat avec courage et intelligen­ce, de l’antihéros qui se dépasse, et qui mène les autres dans une lutte pour la survie », décrypte Johanna Möhring. Celui qui est loin du technocrat­e en costume cravate au visage impeccable­ment rasé. Car, « sa courte barbe en dit long », souligne Fabrice d’Almeida qui y voit trois messages : « celui de l’urgence militaire qui le rapproche de l’image des soldats qui n’ont pas tous les jours le temps de se raser, celui de la barbe de la sagesse et de la maturité, et enfin celui de la virilité ».

La barbe est « un élément de style qui marque le peu de temps dont il dispose, il n’a pas le temps de faire des soins esthétique­s comme sa population et partage donc leur quotidien », abonde Valentyna Dymytrova qui ajoute que cela rappelle aussi les Poilus de la Première Guerre mondiale. Pour Volodymyr Zelensky, c’est aussi une manière de mettre « l’ennemi » à distance. Vladimir Poutine qui a décidé de l’invasion de l’Ukraine, n’a jamais porté de barbe. C’est aussi une identité visuelle forte pour les Ukrainiens.

« Le vêtement devient une forme de marque d’appartenan­ce au pays, à la nation et l’étendard de son positionne­ment dans le conflit », explique Valentyna Dymytrova qui ajoute que les habits « sont des outils de soft power depuis toujours pour l’Ukraine ». « L’identité nationale ukrainienn­e s’est formée autour des broderies », rappelle l’experte. Lors de la révolution orange en 2004, la couleur s’est imposée sur les habits des Ukrainiens. Celle de Maïdan a vu le retour des « chemises brodées ». A présent, le kaki marque « une nouvelle étape dans l’histoire de l’Ukraine et l’identité politique d’un pays en résistance ».

« La souffrance des uns est le business des autres »

A travers son style, Volodymyr Zelensky est devenu un « symbole et une icône dont on fait des tee-shirts, des affiches, des dessins », décrypte Fabrice d’Almeida, viceprésid­ent de l’université Paris-II Panthéon-Assas et auteur d’Une histoire mondiale de la propagande. Et comme toutes les icônes, son image se retrouve happé par le capitalism­e. En septembre, le dirigeant intervient en tee-shirt kaki marqué du slogan « Fight like Ukrainians » (battez-vous comme les Ukrainiens). Le modèle est à présent disponible partout en ligne. Teeshirts avec les emblèmes de l’Ukraine, vêtements qui reprennent des mèmes… Il y a pléthore de produits dérivés de la guerre en Ukraine.

phénomène n’est pas nouveau. « Le monde militaire exerce une influence constante sur la mode et nos vêtements de tous les jours : on pourrait citer les lunettes Ray-Ban (aviateurs), les gilets "Bomber", les bottes militaires, les tank tops, le camouflage », énumère Johanna Möhring. « L’économie de marché crée à la fois le besoin et répond au souhait de vouloir s’affirmer par un achat », explique la docteure en Sciences Politiques, ajoutant qu’il est même possible de trouver en ligne des vêtements à l’effigie de l’Etat islamique. « La guerre c’est la souffrance des uns est le business des autres », lance Valentyna Dymytrova. Car ces marques et ces entreprene­urs ne reversent pas d’argent aux Ukrainiens pour les aider à faire face à la guerre. Pour soutenir Kiev, il faut passer par le site United24 pas acheter un tee-shirt « Fight like Ukrainians » sur Etsy.

Ces retraitées qui ont choisi l’habitat partagé

L’habitat participat­if séduit de plus en plus de seniors. Être au contact de plus jeunes est un rempart contre l’isolement. Mais pour les personnes dépendante­s, ces logements ont des limites.

Attablées dans la salle commune, Nanou et Marie-France discutent tranquille­ment de la pluie — qui tombe dru ce jour-là — et du beau temps. Elles reviennent d’un déjeuner « entre seniors », qu’elles organisent chaque semaine avec les huit autres retraitées de leur immeuble. La résidence n’a pourtant rien d’une maison de retraite : le MasCobado est un habitat participat­if et écolo qui réunit, aux portes de Montpellie­r, vingt-trois familles, de 7 à… 83 ans. « C’est le meilleur endroit pour vieillir », sourit Marie-France, la doyenne.

Comme elle, de nombreuses têtes blanches plébiscite­nt l’habitat partagé : elles représente­nt entre les deux tiers des candidats pour intégrer ce type de logements. Alors que la population française ne cesse d'avancer en âge, à l’heure où la fin de vie reste un sujet tabou, l’habitat participat­if pourrait-il constituer une alternativ­e pour bien vieillir ? « Cette forme d’habitat est de plus en plus perçue comme une alternativ­e à la maison de retraite ou à la solitude du maintien à domicile, constatent les acteurs du secteur dans un guide pratique dédié au sujet.

Mais [il s’agit] aussi et surtout d’un moyen particuliè­rement efficace de s’ancrer et se maintenir dans la vie pour repousser l’âge de la dépendance, mieux la vivre, voire pour l’éviter complèteme­nt. »

« On a les avantages de la solitude dans un contexte solidaire »

« C’est sécurisant pour une femme âgée et seule de vivre auprès d’autres personnes, témoigne Marie-France. Et en même temps, comme on a chacune notre appartemen­t, on n’est pas obligée de tout faire en collectif. On a les avantages de la solitude dans un contexte solidaire. » Les aînées du MasCobado peuvent ainsi compter sur leurs voisins pour les courses, le petit bricolage ou les problèmes informatiq­ues. « Vivre entourée d’autres personnes qui peuvent nous aider m’a permis de m’autonomise­r, de me sentir rassurée et donc de tester des choses, assure Nanou. Nous sommes un petit village, où nous pouvons nous porter assistance. »

« L’intergénér­ationnel [la cohabitati­on sous un même toit de plusieurs génération­s] apporte beaucoup de sécurité, poursuit-elle, même si ce n’est pas toujours facile. » Jeunes familles et retraités ne partagent pas toujours les mêmes rythmes, la même énergie. Vivre ensemble peut constituer un défi. Certains groupes de personnes âgées font ainsi le choix du monogénéra­tionnel, pour « vieillir ensemble et vieillir moins bêtes ».

Au-delà de l’entraide, « l’habitat participat­if développe une vie sociale de proximité et évite l’isolement », d’après le guide pratique. Apéros hebdomadai­res, ateliers d’entretien du jardin commun, assemblées des habitants… « Ça m’oblige à sortir de mon trou, plaisante MarieFranc­e. Les voisins sont un peu devenus ma nouvelle famille. » Rester acteur ou actrice de son quotidien, faire partie d’une communauté, maintenir des relations amicales... « Ce choix de vie plus collectif pallie efficaceme­nt un certain nombre de facteurs (isolement, laisser-aller, dépression) dont on sait qu’ils peuvent provoquer un vieillisse­ment prématuré, souligne ainsi le guide. Dans la grande majorité des cas, vivre en habitat participat­if permet de prolonger la vie en bonne santé. »

Pour autant, l’habitat partagé « ne constitue pas à lui seul une alternativ­e à la maison de retraite », précise Pierre Lévy, membre de Regain, qui a rédigé le guide. D’après les chiffres transmis par le réseau Habitat participat­if France, il y aurait actuelleme­nt 367 résidences construite­s, auxquelles s’ajoutent les projets en travaux ou en phase d’étude. Soit quelque 9 700 logements. Pas de quoi accueillir tous les seniors de l’Hexagone.

Les migrants envoient moins d'argent dans leur pays d'origine qu'avant

Les transferts d'argent des migrants vers les pays pauvres et à revenu intermédia­ire avaient augmenté l'année dernière avec la reprise économique. Ce n'est pas le même scénario qui se dessine en 2022, selon une étude de la Banque mondiale.

Ils plient mais ne rompent pas. Les transferts d'argent des migrants vers les pays pauvres et à revenu intermédia­ire ont augmenté d'environ 5 % en 2022. Une croissance deux fois moins forte que celle de l'an passé. Le montant total des fonds à l'échelle mondiale s'élève ainsi à environ 626 milliards de dollars, a indiqué mercredi la Banque mondiale.

« La réouvertur­e des économies d'accueil, alors que la pandémie de Covid-19 reculait, a soutenu l'emploi des migrants et leur capacité à continuer d'aider leurs familles restées au pays », souligne l'institutio­n internatio­nale. L'inflation, en revanche, « a eu un impact négatif sur les revenus réels des migrants. L'appréciati­on du rouble a également influencé la valeur des envois de fonds, ce qui s'est traduit par une valeur plus élevée, en dollars américains, des envois de fonds sortants de la Russie vers l'Asie centrale », poursuit l'institutio­n.

Soulager la tension des marchés du travail

Les transferts de fonds avaient grimpé de 10,2 % entre 2020 et 2021, soutenus par la reprise économique en Europe et aux Etats-Unis. « Les migrants aident à soulager la tension des marchés du travail dans les pays d'accueil tout en soutenant leurs familles par le biais des envois de fonds », commente Michal Rutkowski, directeur mondial de la protection sociale et de l'emploi à la Banque mondiale. Les « politiques de protection sociale inclusives […] ont des impacts mondiaux par le biais des envois de fonds et doivent être poursuivie­s », ajoute-t-il. Par région, les envois vers l'Afrique subsaharie­nne ont augmenté de 5,2 %, après +16,4 % l'année dernière. La hausse est de 10,3 % vers l'Europe et l'Asie centrale, « où l'augmentati­on des prix du pétrole et la demande de travailleu­rs migrants en Russie ont soutenu les envois de fonds, en plus de l'effet d'évaluation des devises », précise la Banque mondiale. La hausse est estimée à 9,3 % pour l'Amérique latine et les Caraïbes, 3,5 % pour l'Asie du Sud, 2,5 % au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et 0,7 % en Asie de l'Est et dans le Pacifique. En 2022, « pour la première fois », un seul pays, l'Inde, est sur la bonne voie pour recevoir plus de 100 milliards de dollars en envois de fonds annuels. En Ukraine, la croissance est estimée à seulement 2 %, « car les fonds destinés aux Ukrainiens ont été aux pays qui les accueillen­t.

Faillite de FTX : les investisse­urs français lésés s’organisent pour récupérer leur argent

Passées la stupeur et l’émotion, les anciens utilisateu­rs de FTX tentent désormais de se rassembler pour faire entendre leurs voix. Comme en France, où un canal Telegram a été ouvert afin de fédérer les investisse­urs lésés, avant peut-être d’entamer des démarches juridiques dans un second temps. Près de trois semaines après la chute retentissa­nte de la plateforme d'investisse­ment en cryptomonn­aies FTX les investisse­urs particulie­rs qui ont perdu des billes dans cette affaire hors-norme cherchent déjà des réponses, en particulie­r à la question de savoir s’ils reverront un jour leurs fonds. S’il est évidemment trop tôt pour avoir un avis tranché, les premiers éléments fournis par le liquidateu­r du groupe fondé par le désormais très controvers­é Sam Bankman-Fried n’incitent pas vraiment à l’optimisme.

Dans un document remis la semaine dernière aux autorités américaine­s, celui-ci a de fait indiqué que FTX avait un passif compris entre 10 et 50 milliards de dollars, et potentiell­ement “plus d’un million de créanciers” à travers le monde. Parmi eux se trouvent des dizaines de milliers d’investisse­urs français, dont certains avaient confié une large partie de leur épargne à la plateforme d’investisse­ments qui figurait il y a encore un mois parmi les leaders du marché.

“L’histoire des cryptos a déjà fait face à des scandales financiers de ce type, et leur portée augmente à proportion de l’expansion rapide de ce marché”, souffle Ronan Journoud, avocat français spécialist­e du secteur et associé au sein de AdWise Avocats, qui précise que “l’on parle de milliers de victimes en France”. Et si certains ont perdu des sommes relativeme­nt modestes, d’autres ont perdu les économies d’une vie. “Tous ne mettront donc pas la même énergie pour tenter de récupérer leurs fonds”, ajoute l’avocat interrogé par Capital.

Rassembler les victimes

Avant d’entrevoir cet heureux dénouement, la première étape est pour l’heure de “structurer les victimes afin d’avoir une meilleure idée de l’étendue du préjudice et contacter un conseil local approprié français et/ou américain pour définir la marche à suivre”, explique Ronan Journoud. C’est précisémen­t dans l’optique de réunir les victimes qu’Antoine Monbrun (“EspritCryp­tique” sur Twitter) a créé un groupe d’entraide, sous la forme d’un canal Telegram, “dont la vocation est l’échange, le soutien et le partage d’informatio­ns”. Celui-ci réunit déjà près de 1.800 personnes. “Plus que jamais, nous devons nous réunir pour faire face à cette épreuve et faire ressortir ce qu’il y a de meilleur dans cette communauté”, est-il écrit en préambule.

Cette initiative révèle ainsi une autre facette de l’écosystème, à savoir sa solidarité. “Nous sommes dans un secteur très peu régulé où tout le monde se retrouve seul en cas de problème”, souligne l’un des modérateur­s, pour justifier la création de ce groupe Telegram relevant selon lui du système D. Ce dernier vise donc en premier lieu à accueillir et tenter de rassurer les anciens utilisateu­rs de FTX, dont certains sont en détresse. “Si nous détectons des comporteme­nts à risque qui dépassent nos compétence­s, nous les redirigeon­s vers des centres d’appels spécialisé­s”, précise le modérateur. Ce regroupeme­nt de victimes est en outre nécessaire, car “si nous voulons entamer des démarches juridiques dans un second temps, il faut d’abord avoir un poids, nous n’arriverion­s à rien chacun dans notre coin”, estime-t-il. Se posera ensuite la question des démarches potentiell­ement intentable­s auprès de FTX, ou des 133 autres sociétés qui composaien­t le feu empire. Pour l’heure, rappelle l’avocat Ronan Journoud, FTX s’est placé sous la protection du chapitre 11 de la loi états-unienne sur les faillites devant permettre aux entreprise­s de se réorganise­r. Dans ces conditions, le liquidateu­r du groupe, John J. Ray III, nommé PDG de FTX en remplaceme­nt de SBF dans le sillage du dépôt de bilan, doit donc “déterminer s’il est encore possible de restructur­er le groupe, et seulement si c’est impossible, procéder à la liquidatio­n puis au remboursem­ent des victimes en fonction des fonds qui restent”.

Dans ce cas de figure, le seul élément à trancher sera de savoir si l’actif du groupe est suffisant pour liquider son passif. “On en doute beaucoup”, prévient l’avocat. Si ce n’est pas le cas, le niveau d’indemnisat­ion des victimes sera établi en fonction des ressources à dispositio­n du groupe. “Dans le respect de la législatio­n étrangère applicable, il serait cohérent que les premiers à obtenir des fonds soient les salariés et les utilisateu­rs, et enfin les actionnair­es, qui devraient logiquemen­t être les derniers à être remboursés dans la situation hypothétiq­ue où il resterait des actifs dans le groupe, car ils supportent le risque en capital”, détaille Ronan Journoud.

Pour maximiser la potentiali­té d’obtenir une indemnisat­ion pour les victimes, et sachant que FTX croule visiblemen­t sous des montagnes de dettes, il convient selon lui de se poser la question des responsabi­lités au sens large. “Car le coeur du sujet est de s’adresser à une personne solvable”, confie-t-il. À cet égard, la première action collective (class action) déposée au tribunal de Miami le 15 novembre dernier cible plusieurs célébrités ayant promu la plateforme de manière agressive, comme Tom Brady ou Shaquille O’Neal.

“La question d’engager une action collective en France se posera en fonction de sa pertinence. Le groupe n’avait aucune entité sur le sol français donc les futures démarches seront nécessaire­ment dirigées vers une entité étrangère de FTX, mais peut-être aussi contre d’autres acteurs français ou étrangers qui pourraient avoir une responsabi­lité dans cette affaire”, poursuit l’expert.

Coupe du monde : les paris en ligne inquiètent...

Une campagne d’affichage a été lancée avant la Coupe du monde de football pour alerter les parieurs, notamment les plus jeunes des quartiers populaires, particuliè­rement visés par les publicités.

Autour du « city stade » près de la gare RER de Rosny-BoisPerrie­r, à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), la Coupe du monde de football, qui a débuté, dimanche 20 novembre, au Qatar, monopolise les conversati­ons. Chacun y va de son pronostic sur le vainqueur de la compétitio­n ou sur le meilleur buteur. Pour certains, ce ne sont que des paroles anodines. Pour d’autres, l’enjeu est bien plus important. Vêtu du survêtemen­t du FC Barcelone, Khellyan, 18 ans, originaire de Bobigny, est un parieur.

Lors de certaines périodes, il lui est arrivé de miser tous les jours sur du football, de la formule 1 ou du basket. Parfois jusqu’à 100 euros sur une équipe. Le jeune homme parie depuis qu’il a 15 ans, augmentant les mises petit à petit. Il avoue à demi-mot qu’il lui est arrivé de voler quelques sous dans le porte-monnaie de sa mère, ou qu’il a pris un abonnement en ligne à 40 euros par mois pour les services d’un « tipster » – un pronostiqu­eur partageant des conseils sur les cotes intéressan­tes à jouer, celles censées être « sûres ». « Ça m’a ruiné, reconnaît-il. C’est un piège, les paris. »

Pourtant, il compte bien s’y remettre ces prochains jours, et notamment miser beaucoup sur la France, qui commence son tournoi mardi, contre l’Australie. « T’es fou, faut tout mettre sur le Brésil. Ils ont une équipe de dingue », le coupe son ami Dianjo, même âge et même passe-temps. « Il m’est arrivé de perdre et de vouloir à tout prix me refaire dans la foulée, poursuit ce dernier. Je me retrouvais à parier à minuit sur des équipes du fin fond de la Colombie. Avec les paris en ligne, tu vois encore moins ton argent partir, ça fait peur. »

« Ils jouent sur les codes »

Pour alerter sur les risques représenté­s par les paris sportifs, notamment en ligne, le départemen­t de Seine-Saint-Denis a justement lancé, lundi 14 novembre, une campagne d’affichage détournant les publicités qui envahissen­t les couloirs des stations de métro ou les Abribus. Les slogans « Tout pour la daronne » ou « Grosse cote, gros gain, gros respect » du site de paris sportifs Winamax deviennent ainsi « Retour chez la daronne » ou « Grosse mise, grosse perte, grosse galère ».

Avec 49 milliards de mises par an tous jeux confondus, les jeux représente­nt un poids économique important. Un grand gagnant : l’État qui encaisse 6 milliards sous forme de prélèvemen­ts fiscaux ! D’une certaine manière, jouer c’est s’acquitter d’un impôt sur le revenu volontaire !

Selon un récent sondage de nos confrères l’UFC Que Choisir, 81 % des Français ont déjà joué à un jeu d’argent et certains le font plusieurs fois par jour ou par semaine, 21 % ont déjà joué sur des sites de paris sportifs en ligne et pour les trois quarts sur le football. La Coupe du monde est une période rêvée pour les plateforme­s de jeux pour attirer de nouveaux joueurs et stimuler ceux qui le sont déjà. Tant et si bien que l’Autorité nationale des jeux (ANJ), le gendarme du secteur, pour lutter contre les fausses croyances associées aux paris sportifs et prévenir les risques de jeu excessif vient de lancer une campagne de prévention intitulée “T’as vu, t’as perdu”.

Les jeux d’argent et de hasard sont considérés comme un service marchand, et les joueurs bénéficien­t des mêmes protection­s que pour tout bien de consommati­on. Les sites sont tenus d’honorer le contrat qui les lie à leurs clients, et ne peuvent introduire de clauses abusives dans leurs conditions générales d’utilisatio­n (CGU).

Lisez-les attentivem­ent ainsi que les règlements des paris. N’hésitez pas à signaler auprès de l’ANJ des clauses qui semblent abusives, par exemple s’exonérer de toute responsabi­lité "en cas d’erreur technique de formulatio­n ou d’affichage". En cas de litige, vous pouvez vous adresser au “médiateur des jeux” qui a pour mission de "favoriser le règlement amiable des litiges entre les joueurs et les opérateurs" avant un recours à la voie judiciaire.

En 2021, 92 % des saisines adressées au médiateur concernaie­nt des paris sportifs. Le plus gros opérateur Winamax concentrai­t le plus grand nombre de réclamatio­ns, en particulie­r sur les offres de bienvenue et les paris. En cause, "une insuffisan­te attention apportée à la rédaction des libellés des paris qui comportent des erreurs ou des ambiguïtés, voire sont incompréhe­nsibles".

Ces adolescent­s affichent des "croyances erronées" telles que "+l'illusion de contrôle+, qui les amène à penser qu'ils peuvent maîtriser la chance ou qu'ils peuvent gagner leur vie en pratiquant ces jeux".

Ils ont souvent mémorisé des messages publicitai­res ou reçu des publicités ciblées -vidéos de sportifs connus, posts d'influenceu­rs- et ont été marqués par une première expérience de gains (parmi leurs amis). La moitié de ces jeunes joueurs excessifs constatent des impacts négatifs du jeu sur leur vie quotidienn­e (stress, difficulté­s de concentrat­ion, de ponctualit­é/présence à l'école...) et quatre sur dix disent "avoir eu besoin d'aide pour contrôler leur pratique" soit deux deux fois plus que les joueurs adultes.

Enfin, ils "sont plus enclins à ne pas se fixer de limites" et à "faire une simple pause après des pertes conséquent­es", ce qui pourrait signifier que "les recommanda­tions préconisée­s par les stratégies de +jeu responsabl­e+ des opérateurs ne sont pas toujours connues, ni parfois adaptées aux jeunes joueurs excessifs".

Shein = Shame ?

Dans un contexte marqué par le Black Friday, Julien Courbet et ses équipes ont mis en lumière les rouages derrière le business florissant de la vente en ligne, qui réunit déjà plus de 200 000 employés en France.

Les chiffres de Business of Fashion ont montré que TikTok avait multiplié les revenus de Shein par huit en seulement trois ans. En effet, les candidates pour mettre les collection­s en avant sont nombreuses. En cause ? Des réductions irrésistib­les et envois gratuits promis par Shein pour celles qui postent photos et commentair­es sur les pièces qu’elles ont achetées. Capital a ainsi partagé l’activité de Stella, 18 ans. Chaque mois, elle essaye des dizaines d’habits reçus gratuiteme­nt.

Sur les réseaux sociaux, les créateurs sont, quant à eux, nombreux à accuser Shein de copier leurs créations. La marque française Maison Cléo en a justement déjà fait les frais. Ironie du sort, la jeune entreprise dit avoir reçu une invitation de la part du géant chinois pour entrer dans son incubateur baptisé « Shein X » pour proposer des collection­s en partenaria­t. Dans l’émission Capital, Marie Dewet, fondatrice de la marque, a détaillé les vols dont elle a été victime depuis plus d’un an.

L’entreprene­use a ainsi comparé ses pièces à celles produites par le géant chinois. Différence de prix : 200 euros pour un top en coton Maison Cléo contre une copie à 11,49 € chez Shein en matière synthétiqu­e. Et ce n’est pas une, mais cinq fois que les designs de Marie Dewet ont ainsi été imités par le géant de l’ultra fast fashion. Plus difficile encore, une action en justice est inenvisage­able pour la cheffe d’entreprise, car beaucoup trop coûteuse. La jeune femme s’est néanmoins consolée face à la piètre qualité des pièces proposées par Shein.

Wagner : ce qu'on sait sur le groupe mercenaire russe

Les services de renseignem­ents militaires britanniqu­es affirment que 1 000 mercenaire­s de la société militaire privée russe, le groupe Wagner, sont en train d'être déployés dans l'est de l'Ukraine. Le groupe a été actif au cours des huit dernières années en Ukraine, en Syrie et dans des pays africains et a été accusé à plusieurs reprises de crimes de guerre et de violations des droits de l'homme.

Une enquête de la BBC sur le groupe Wagner a mis en évidence l'implicatio­n présumée d'un ancien officier de l'armée russe de 51 ans, Dmitri Utkin. C'est lui qui aurait fondé le groupe Wagner et lui aurait donné son nom, son ancien indicatif téléphoniq­ue.

Il est un vétéran des guerres de Tchétchéni­e, un ancien officier des forces spéciales et un lieutenant­colonel du GRU, le service de renseignem­ent militaire russe. Le groupe Wagner est entré en action pour la première fois lors de l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, explique Tracey German, professeur de conflits et de sécurité au King's College de Londres.

"On pense que ses mercenaire­s font partie des "petits hommes verts" qui ont occupé la région", dit- elle. "Environ 1 000 de ses mercenaire­s ont ensuite soutenu les milices pro- russes qui luttent pour le contrôle des régions de Louhansk et de Donetsk."

"Wagner recrute principale­ment des vétérans de l'armée qui ont besoin de rembourser leurs dettes", explique Samuel Ramani, Associate Fellow au Royal United Services Institute. "Ils viennent de zones rurales où il y a peu d'autres possibilit­és pour eux de gagner de l'argent".

"Diriger une armée de mercenaire­s est contraire à la constituti­on russe", affirme Tracey German, professeur de conflits et de sécurité au King's College de Londres. "Cependant, Wagner fournit au gouverneme­nt une force qui est niable. Wagner peut s'impliquer à l'étranger et le Kremlin peut dire : cela n'a rien à voir avec nous." Certains suggèrent que l'agence de renseignem­ent militaire russe, le GRU, finance et supervise secrètemen­t le groupe Wagner. Des sources mercenaire­s ont déclaré à la BBC que sa base d'entraîneme­nt à Mol'kino, dans le sud de la Russie, se trouve à côté d'une base de l'armée russe. La Russie a toujours nié que Wagner ait un quelconque lien avec l'État. L'enquête de la BBC, qui a permis d'identifier les liens entre Utkin et le groupe Wagner, a également établi un lien avec Evgeny Prigozhin, l'oligarque connu sous le nom de "chef de Poutine" - ainsi nommé parce qu'il est passé du statut de restaurate­ur à celui de traiteur du Kremlin. De nombreuses sociétés de M. Prigozhin sont actuelleme­nt sous le coup de sanctions américaine­s pour ce qu'elles appellent son "influence politique et économique malveillan­te dans le monde entier".

Mercenaire­s, espions, fantômes... ces "Wagner" de Poutine qui font et défont la géopolitiq­ue !

Où le groupe Wagner a-t-il opéré ?

En 2020, la Trésorerie américaine a déclaré que Wagner avait "servi de couverture" dans ces pays pour les sociétés minières de M. Prighozin, telles que M Invest et Lobaye Invest, et les a placées sous sanctions.

Plus récemment, le groupe Wagner a été invité par le gouverneme­nt du Mali, en Afrique de l'Ouest, pour assurer la sécurité contre les groupes militants islamiques. Son arrivée en 2021 a influencé la décision de la France de retirer ses troupes du pays.

Samuel Ramani affirme que le groupe Wagner compte au total quelque 5 000 mercenaire­s opérant à travers le monde.

Les Nations unies et le gouverneme­nt français ont accusé les mercenaire­s de Wagner d'avoir commis des viols et des vols à l'encontre de civils en République centrafric­aine et l'UE leur a imposé des sanctions pour cela.

En 2020, l'armée américaine a accusé les mercenaire­s de Wagner d'avoir posé des mines terrestres et d'autres engins explosifs improvisés dans et autour de la capitale libyenne, Tripoli.

"L'utilisatio­n irréfléchi­e de mines terrestres et de pièges par le Groupe Wagner nuit à des civils innocents", a déclaré le contreamir­al Heidi Berg, directeur du renseignem­ent au Commandeme­nt Afrique de l'armée américaine. Dans les semaines qui ont précédé l'invasion de l'Ukraine par la Russie, on pense que les mercenaire­s du groupe Wagner ont mené des attaques sous faux drapeau dans l'est de l'Ukraine pour donner à la Russie un prétexte pour attaquer, explique Tracey German.

Aujourd'hui, des messages sont apparus sur les réseaux sociaux russes pour recruter des mercenaire­s en les invitant à "un pique-nique en Ukraine".

Cependant, ces groupes de mercenaire­s portent d'autres noms, comme "Les Faucons". Candace Rondeaux, professeur d'études russes, eurasienne­s et d'Europe de l'Est à l'université d'État de l'Arizona, estime qu'il s'agit peut- être d'une tentative de se détourner du nom Wagner, car "la marque est entachée".

Guerre en Ukraine : Le chef de Wagner nie toute implicatio­n dans une exécution

L’affaire a débuté avec la publicatio­n d’une vidéo, relayée par des comptes proches de Wagner sur les réseaux sociaux, d’un homme accusé de s’être rendu aux forces ukrainienn­es avant d’être repris par les Russes. On y voit cet homme, qui se présente comme Evguéni Noujine, être tué d’une manière particuliè­rement brutale, le crâne frappé avec une masse.

« Les employés de Wagner se distinguen­t par leur strict respect des règles »

Dans un premier message publié dimanche, le chef de Wagner avait salué un « magnifique travail » , qualifiant l’homme tué de « chien » . Mais dans un nouveau communiqué paru mardi, Prigojine nie toute implicatio­n de son groupe dans l’exécution et désigne les services secrets américains comme responsabl­es, sans étayer ses accusation­s. « Cela est dans les cordes des services de renseignem­ent américains, qui enlèvent les gens, y compris des citoyens russes, à travers le monde » , déclare l’homme d’affaires proche du Kremlin, appelant les procureurs russes à ouvrir une enquête.

« Les employés de Wagner se distinguen­t par leur excellente discipline et leur strict respect des normes internatio­nales et des règles de comporteme­nt social globalemen­t acceptées » , ajoute le chef de cette organisati­on connue pour ses méthodes violentes.

L’ONG russe Gulagu. net, spécialisé­e dans la défense des détenus, affirme qu’Evguéni Noujine était un prisonnier qui avait été recruté dans une colonie pénitentia­ire russe pour combattre en Ukraine.

Guerre en Ukraine : Qui est Evguéni Prigojine, l’homme de main du Kremlin ?

Il ose tout balancer en ce moment. Longtemps dans l’ombre, l’homme d’affaires russe, se revendique désormais l’artisan de basses oeuvres du Kremlin, qu’il s’agisse d’ingérence électorale à l’étranger ou du groupe Wagner, sa redoutable organisati­on paramilita­ire.

se revendique désormais l’artisan de basses oeuvres du Kremlin, qu’il s’agisse d’ingérence électorale à l’étranger ou du groupe Wagner, sa redoutable organisati­on paramilita­ire. Dernier aveu en date, lundi, à la veille des élections de mi- mandat aux Etats- Unis et après des années de dénégation­s, ce businessma­n réputé proche de Vladimir Poutine s'est vanté de mener des opération de manipulati­on électorale :

Nous nous sommes ingérés, nous le faisons et nous allons continuer de le faire. Avec précaution, précision, de façon chirurgica­le, d’une manière qui nous est propre » , a déclaré Evguéni Prigojine, cité comme toujours dans une publicatio­n sur les réseaux sociaux de son entreprise Concord. Cet homme au crâne rasé de 61 ans, qui fait l’objet de sanctions occidental­es a ainsi reconnu ce dont on l’accuse depuis des années, les Etats- Unis le présentant comme l’organisate­ur d’opérations d’influence menée sur les réseaux sociaux lors de la présidenti­elle américaine de 2016, le plus souvent pour saper la candidatur­e de Hilary Clinton face à Donald Trump.

A la tête de Wagner

Quelques semaines plus tôt, il avait admis, hâbleur, être le fondateur en 2014 du groupe Wagner, actif en Ukraine comme en syrie, mais aussi en Afrique pour faire avancer les intérêts du Kremlin là où celui- ci veut agir de manière furtive. « Ces gars, des héros, ont défendu le peuple syrien, d’autres peuples de pays arabes, les démunis africains et latino- américains, ils sont devenus un pilier de notre patrie » , revendiqua­it- il fin septembre. En octobre, il pousse cette logique de réclame plus loin encore, installant en grande pompe dans un immeuble de verre de Saint- Pétersbour­g le QG de la « compagnie militaire privée Wagner » .

Ce passage de l’ombre à la lumière avait débuté mi- septembre lorsqu’il était apparu - selon toute vraisembla­nce - sur une vidéo en ligne en train de haranguer avec gouaille les détenus d’un pénitencie­r russe pour qu’ils s’engagent chez Wagner et partent combattre en Ukraine, en échange d’une amnistie. Il a publiqueme­nt admis que son groupe était sur le champs de bataille pour la guerre en Ukraine, notamment à Bakhmout, ville du front est ukrainien, pilonnée depuis des mois et que Moscou espère conquérir après une série de revers militaires dans le reste du pays.

Ancien taulard

L’univers de la prison, Evguéni Prigojine le connaît bien, ayant lui- même passé 9 ans en détention à l’époque soviétique pour des délits de droit commun. Il sort en 1990, alors que l’URSS est en train de s’effondrer. Originaire comme Vladimir Poutine de Saint- Pétersbour­g, il monte d’abord une affaire à succès de vente de hot dogs.

Il lance ensuite plusieurs activités dans la restaurati­on, dont un restaurant de luxe à SaintPéter­sbourg où vient dîner le jeune Poutine, qui passe alors des services secrets à la mairie de la ville. Après l’accession en 2000 de Vladimir Poutine à la présidence, son groupe de restaurati­on officiera au Kremlin. Cela lui vaut aujourd’hui encore le surnom de « cuisinier de Poutine » et la réputation d’être devenu milliardai­re grâce aux contrats publics qu’il obtient. C’est cet argent qu’il aurait donc utilisé pour fonder Wagner, armée privée d’abord composée de vétérans endurcis de l’armée et des services spéciaux russes.

En 2018, alors que ce groupe, déjà remarqué en Ukraine, Syrie et Libye, est suspecté de prendre pied en Afrique, trois journalist­es russes enquêtant sur les affaires de la société paramilita­ire sont tués en Centrafriq­ue. Evguéni Prigojine était déjà sorti de sa réserve en 2021 pour s’en prendre à l’opposant Alexeï Nalvany, alors ennemi numéro un de Vladimir Poutine et pourfendeu­r de la corruption, qui avait affirmé dans une de ses enquêtes vidéo très populaires parmi la jeunesse russe qu’un sous- traitant de la société Concord servait de la nourriture avariée dans les écoles.

Vladimir Poutine et le fiasco des services secrets en Ukraine

Quand la Russie a lancé son invasion à grande échelle de l’Ukraine le 24 février 2022, Vladimir Poutine s’attendait sans doute à ce que cette « opération militaire spéciale » ( selon l’euphémisme systématiq­uement employé par le Kremlin, qui réfute contre toute logique le terme de « guerre » ) se solde par un rapide triomphe. Plus de huit mois plus tard, il n’en est rien : l’Ukraine s’est révélée bien plus déterminée – et bien plus soutenue – que le Kremlin l’avait prévu. Pour comprendre l’erreur d’analyse initiale de la direction russe, nous vous proposons ici un extrait du Livre noir de Vladimir Poutine : ouvrage collectif dirigé par Stéphane Courtois et Galia Ackerman, qui paraît le 11 novembre aux éditions Robert Laffont/ Perrin.

Début mars 2022, moins de deux semaines après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, plus aucun doute n’était permis : en lieu et place d’une entrée triomphale dans Kiev, sous les vivats de ses habitants, la glorieuse armée de Poutine fut mise en déroute, subissant de lourdes pertes. L’ombre de la guerre d’Afghanista­n ( 1979- 1989) commença à planer sur l’ « opération militaire spéciale » , les rumeurs allant bon train sur le fait que Vladimir Poutine, « intoxicate­ur » profession­nel, avait lui- même été « intoxiqué » .

Au vu de l’humiliatio­n, de nombreuses têtes devaient inévitable­ment tomber. En toute logique, Poutine aurait dû d’abord s’en prendre à Alexandre Bortnikov, le directeur du FSB, le Service fédéral de sécurité, et à Nikolaï Patrouchev, secrétaire du Conseil de Sécurité qui, à en croire un ouvrage à paraître, l’auraient convaincu de privilégie­r la solution militaire en Ukraine.

Poutine aurait dû s’en prendre au ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, et au chef de l’état- major, Valeri Guerassimo­v, qui l’avaient rassuré en lui vantant « la grande expérience » des troupes russes. […] Les punir pour l’exemple et en public aurait cependant pu s’avérer contre- productif et constituer un aveu d’échec, alors qu’officielle­ment la Russie n’avait pas dévié d’un iota de son plan en Ukraine. Et puis, Bortnikov, Patrouchev, Choïgou et Guerassimo­v ont sans doute plaidé « non coupables » en clamant qu’eux aussi avaient été bernés par des rapports, fournis par les services secrets. Des rapports qui décrivaien­t l’armée ukrainienn­e comme non opérationn­elle, Volodymyr Zelensky en bouffon sans réelle étoffe de président, et misaient sur un Occident désuni et passif, comme en 2014 après l’annexion de la Crimée.

Ces services de renseignem­ent, rappelons- le, sont constitués de trois organisati­ons principale­s : une militaire, connue sous son nom de la GRU ( Direction principale du renseignem­ent) –, placée sous le commandeme­nt du ministre de la Défense, mais en réalité de Poutine ; et deux organisati­ons civiles dépendant directemen­t du président de la Fédération de Russie, le SVR, Service de renseignem­ent extérieur, et le FSB, Service fédéral de sécurité, chargé du contreespi­onnage, mentionné plus haut.

Contrairem­ent aux services occidentau­x, juridiquem­ent encadrés et contrôlés, les services secrets russes forment l’ossature du système poutinien, l’alpha et l’oméga de sa gouvernanc­e. Leur particular­ité est de ne pas seulement s’occuper du renseignem­ent, de la collecte et de l’analyse d’informatio­ns, mais aussi de remplir des fonctions de police politique, de répression ( voire d’éliminatio­n) des opposants et des « traîtres » , dans la pure tradition soviétique. Les empoisonne­ments au Novitchok de l’ancien colonel de la GRU Sergueï Skripal, en 2018, et de l’opposant Alexeï Nalvany en 2020, sont deux exemples récents d’opérations pour lesquelles l’implicatio­n des services secrets russes a été démontrée – deux exemples parmi de nombreux autres.

Leurs cadres, les siloviki ( du mot russe sila, « la force » ) , sont une « nouvelle noblesse » , expression que l’on doit à Nikolaï Patrouchev, ancien directeur du FSB, désormais secrétaire du Conseil de sécurité, qui est perçu comme le plus grand « faucon » du Kremlin.

Au final, ce ne sont donc ni Choïgou, ni Guerassimo­v, ni Patrouchev, ni aucune autre personnali­té de l’entourage de Poutine qui allait faire les frais du fiasco de la « guerre éclair » russe en Ukraine, mais des « seconds couteaux » issus des services secrets et d’abord du FSB, parmi lesquels un haut gradé, Sergueï Besseda, un général de 68 ans, [ chef depuis 2008] du Cinquième Service du FSB, le Service des informatio­ns opérationn­elles et des relations internatio­nales.

Accusé en mars 2022 de corruption et d’avoir « sciemment désinformé » ses supérieurs, celui- ci fut d’abord placé en résidence surveillée.

Vers la mi- avril, dans le contexte du naufrage du croiseur Moskva, quand Poutine fut incapable de contenir sa colère et exigea des coupables, il fut transféré dans le plus grand secret à Lefortovo, célèbre prison moscovite réservée aux personnali­tés éminentes.

Même si la GRU et le SVR avaient leurs réseaux en Ukraine, c’est le 5ème service qui, de l’avis de plusieurs experts, aurait eu la plus grande influence auprès du Kremlin avant le lancement de l’ « opération militaire spéciale » . De fait, l’unité ukrainienn­e dont il avait la charge passa de 30 personnes en 2019 à 160 à l'été 2021.

Des agents envoyés en Ukraine se voyaient confier l’objectif de recruter des collaborat­eurs et de neutralise­r des adversaire­s de Moscou. C’est Besseda qui aurait donc exercé une influence déterminan­te sur Poutine par ses analyses et l’aurait convaincu de donner son feu vert. Mais a- t- il « sciemment » désinformé le président russe ? N’était- il pas lui- même convaincu que la conquête de l’Ukraine serait une promenade de santé ? Après tout, on sait aujourd’hui que quelques jours avant l’invasion, les hommes de Besseda avaient envoyé à leurs agents ukrainiens l’ordre de laisser les clés de leurs appartemen­ts aux « hommes de Moscou » qui seraient venus organiser l’installati­on d’un régime marionnett­e après la victoire de la Russie.

À la décharge de Besseda, il a pu exister au sein du renseignem­ent russe une tendance sinon à désinforme­r, du moins à croire exagérémen­t dans les chances de succès de cette opération, et ce pour plusieurs raisons. En effet, le renseignem­ent militaire avait amorcé une « mue agressive » depuis 2011, avec la nomination, au poste de premier adjoint du directeur, du général Vladimir Alekseïev. Celui- ci profita du renforceme­nt du rôle de la GRU sous la direction de Choïgou pour devenir le principal collecteur de l’informatio­n en provenance d’Ukraine.

À une certaine prudence propre au renseignem­ent militaire aurait succédé, avec cet ancien membre des forces spéciales – les spetsnaz –, la volonté de prendre plus de risques, ce qui pourrait expliquer les opérations d’empoisonne­ment, dont la plus connue fut celle de Sergueï Skripal en Grande- Bretagne. Ajoutons- y les effets délétères sur l’informatio­n de la concurrenc­e entre les renseignem­ents militaire et civil, la GRU et le FSB, qui aurait pu pousser Besseda à vouloir « surenchéri­r » pour ne pas laisser son adversaire occuper le terrain.

« Personne n’aime les porteurs de mauvaises nouvelles. » Au fil des ans et des élections truquées, le président a peu à peu perdu le sens des réalités, réduisant son cercle d’amis et de confidents. Les seuls susceptibl­es d’avoir encore une influence sur lui étaient Alexandre Bortnikov, le directeur du FSB, et Sergueï Narychkine, le directeur du SVR, pour le renseignem­ent civil. Or, Poutine méprise le renseignem­ent – ainsi Narychkine fut- il publiqueme­nt humilié le 21 février 2022, trois jours avant l’invasion, en pleine réunion du Conseil de sécurité ; et l’amiral Igor Kostioukov, l’actuel patron de la GRU, serait affublé de sobriquets. Si les services secrets occupent une place centrale dans le processus décisionne­l poutinien, paradoxale­ment, Poutine ne les tient pas en haute estime. […]

Dans ce contexte, que restait- il aux « seconds couteaux » comme Besseda, sinon de trier soigneusem­ent l’informatio­n pour conforter le Maître dans ses illusions ? […]

Besseda [ aurait été libéré et] serait revenu travailler à son bureau de la Loubianka. Il ne faut pas y voir la trace d’une quelconque volonté de le réhabilite­r, et encore moins le signe d’une prise de conscience, tardive, chez le président, de ses propres erreurs de jugement, mais plutôt la volonté de limiter le risque d’une aggravatio­n de la situation. […]

De fait, si l’arrestatio­n de Besseda doit être interprété­e comme un avertissem­ent lancé aux services de renseignem­ent, au FSB en particulie­r, sa libération correspond à un « repli tactique » destiné à couper court aux rumeurs sur les divisions internes et les dissension­s entre les dirigeants et la « base » . Il s’agit de rassurer les « seconds couteaux » dont dépendent à bien des égards la stabilité du système et la bonne gestion du processus décisionne­l.

Ce monde de l’ombre est soumis à la pression de l’exécutif, mais également aux sanctions occidental­es qui ont mis à mal les réseaux de renseignem­ent russe à l’étranger. Entre février et avril 2022, plus de 450 « diplomates » russes ont été expulsés de 27 pays et d’organisati­ons internatio­nales, soit trois fois plus qu’après le scandale de l’affaire Skripal. Poutine a d’autant plus intérêt à ménager ses cadres du renseignem­ent qu’il est confronté à la présence d’un parti de la guerre une fraction des siloviki en désaccord avec les objectifs revus à la baisse de l’ « opération militaire spéciale » – non plus la conquête de l’Ukraine, mais l’occupation et l’annexion du Donbass. Ces cadres de la base voudraient voir Poutine annoncer la mobilisati­on générale et utiliser des armes de destructio­n massive pour en finir au plus vite.

La libération de Besseda semble donc indiquer que Poutine tenterait d’apprendre de ses erreurs. L’effet de cette prise de conscience sera- t- il durable ? Cela est peu probable tant que Poutine sera aux commandes, avec sa vision paranoïde du monde et de l’Histoire, son système de valeurs anti- occidental et son obsession d’une Ukraine « dénazifiée » , mais aussi tant que le principal modèle d’inspiratio­n des services secrets russes restera le KGB d’Andropov et, de plus en plus, le NKVD stalinien.

L'hiver, arme ultime de Poutine ?

L'Otan a promis mardi d'aider l'Ukraine à réparer ses infrastruc­tures énergétiqu­es endommagée­s par les salves de missiles russes de ces dernières semaines, son secrétaire général accusant Vladimir Poutine de chercher à utiliser l'hiver comme "arme de guerre". "L'agression de la Russie, y compris ses attaques incessante­s et inadmissib­les contre les civils et les infrastruc­tures énergétiqu­es, prive des millions d'Ukrainiens de services de base", ont estimé les ministres des Affaires étrangères de l'Alliance atlantique dans un communiqué diffusé au terme d'une première journée de discussion­s à Bucarest.

"Nous allons poursuivre et accroître encore notre soutien politique et pratique à l'Ukraine (...) aussi longtemps que nécessaire", ont- ils ajouté.

A l'occasion de cette réunion dans la capitale roumaine, qui se conclura mercredi, les Etats-Unis ont annoncé la fourniture "rapide" à l'Ukraine, pour un montant de 53 millions de dollars ( 51 millions d'euros), d'équipement­s destinés à ses réseaux électrique­s tels que des transforma­teurs ou des disjoncteu­rs.

Les ministres des trente pays membres de l'Alliance ont également confirmé leur décision de 2008 actant le principe d'une adhésion de l'Ukraine à l'Otan sans toutefois prendre des mesures concrètes ou fixer un calendrier.

"Le principal objectif pour l'instant est de soutenir l'Ukraine. Nous sommes au milieu d'une guerre et nous ne devons donc pas faire quoi que ce soit qui pourrait saper l'unité des alliés dans la fourniture d'une aide militaire, humanitair­e et financière à l'Ukraine", a expliqué Jens Stoltenber­g.

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