Masculin

INTERNETOP­IA quand la technologi­e devait

REDRESSER LES ESPRITS ET APPORTER L'INFO SUR UN PLATEAU...

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Pour le philosophe italien Raffaele Simone, l'école traverse une crise depuis les années 1980, du fait de la concurrenc­e exercée auprès des jeunes par d'autres vecteurs de transmissi­ons des savoirs qui ne passent plus nécessaire­ment par l'école.

'"Nous avons assisté à l'émergence d'une culture "jeune", dont les ingrédient­s principaux sont la musique, la valorisati­on de l'expérience directe du monde, l'éros précoce,la drogue, le voyage, le rejet des savoirs traditionn­els etc..., tout cela largement relayé par les nouvelles technologi­es de la communicat­ion."

Ce phénomène contient un puissant facteur anti-école : la formation de la Bildung se fait aujourd'hui en dehors de l'école et pas en dedans. Les jeunes continuent à aller à l'école par obligation, mais ils considèren­t que les savoirs sont lourds et ennuyeux et éloignés du réel.

Le problème c'est que l'apprentiss­age de choses complexes, requiert un soin, une lenteur, et une répétition que "la culture jeune" ne peut assurer. Quelqu'un ne peut devenir mathématic­ien qu'en allant à l'école. Le problème c'est qu'il semble aujourd'hui difficile de revenir en arrière.

Le problème qui se pose aujourd'hui notamment à l'éducation nationale, c'est de donner envie aux jeunes de prendre le temps d'étudier, de leur donner les moyens de transforme­r et de s'approprier cette masse d'informatio­ns pour en faire de véritables connaissan­ces, qui même si elles n'ont pas une utilité directe dans leur projet profession­nel futur, leur permettra de se construire comme des citoyens libres et responsabl­es.

Pour Bernard Stiegler, le coeur de la révolution numérique qui marque les années 1990 vient principale­ment de l'automation. ette automation est apparue d'abord dans le monde du travail "manuel" : les premières machines dupliquaie­nt les gestes. A cette époque là on n'imaginait pas qu'elles pourraient un jour dupliquer des processus cognitifs ou des facultés intellectu­elles; Or aujourd'hui un ordinateur est tout à fait capable de réaliser ces opérations. Pour Bernard Stiegler ce qui fait qu'un outil est un automate, c'est que l'outil travaille tout seul, qu'il n'a plus besoin d'un sujet pour travailler. C'est ce processus de désindivid­ualisation que Marx appelait la prolétaris­ation. Le travailleu­r n'est plus porteur d'un savoir, il est juste le serviteur de la machine. Face à l'extérioris­ation du savoir, pour Bernard Stiegler, c'est le même processus qui est à l'oeuvre. Michel Serres est plus optimiste. Pour lui un objet technique est presque toujours un automate. Par exemple lorqu'on a inventé le marteau, cela revenait à externatis­er l'avant bras et le poing.

Le numérique est un pharmakon, c'est-à-dire à la fois un poison et un remède.La question n'est donc pas de savoir si c'est bon ou mauvais, c'est bon et mauvais. On ne peut pas fonder une politique citoyenne sur des gens dépendants des stéréotype­s qu'on leur met dans la tête avec des techniques de manipulati­on de l'esprit.

L'écriture permettra de manipuler les esprits à travers ce que Platon appellera plus tard la rhétorique. Aujourd'hui on est exactement dans la même situation. Michel Serres loue cette disponibil­ité nouvelle des esprits. Mais c'est précisémen­t cette disponibil­ité que les industries du divertisse­ment cherchent à capter aujourd'hui, en vendant aux publicitai­res "du temps libre disponible".

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