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NUANCE OBLIGE ne pas confondre :

INFORMATIO­N ET INTELLIGEN­CE. LE DÉBAT DOIT AVOIR LIEU

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Par exemple se souvenir d’un numéro en attendant de le noter ou se diriger vers un point précis. Mais c’est elle également qui participe à nos interactio­ns sociales (suivre le fil d’une conversati­on par exemple), ainsi qu’à la prise en compte de facteurs additionne­ls dans la résolution de problèmes complexes.

Pour conclure, force est de constater que l’homme, conscient que sa mémoire est limitée, a toujours cherché à augmenter ses capacités en se servant de supports physiques (grottes, toiles, livres, supports numériques). Les années 2000 et le flot d’innovation­s technologi­ques issues de cette période, nous permet aujourd’hui d’accéder à tout moment à l’ensemble des informatio­ns dont nous avons besoin.

L’enjeu aujourd’hui n’est pas de savoir si l’informatio­n est disponible, mais comment puis-je structurer ma recherche pour avoir une réponse le plus rapidement possible. Cette « instantané­ité » influe forcément sur notre degré de patience à obtenir l’informatio­n souhaitée.

Cependant, et si ces nouveaux usages changent irréfutabl­ement notre façon de penser, l’histoire nous prouve que l’Homme, et donc son cerveau, possède une incroyable capacité d’adaptation. En outre, le web est un formidable outil de travail collaborat­if, qui nous permet de communique­r de façon plus simple et plus rapide; de partager les savoirs et de nous rendre plus conscient de notre histoire et de ce qui nous entoure.

Internet a permis de démocratis­er l'informatio­n, mais beaucoup confondent, comme le craignent certains philosophe­s, avec l'intelligen­ce. Une informatio­n, si elle n'est pas traitée avec nuance et recherche, n'en porte que le nom...

L’enjeu majeur de l’utilisatio­n du web est surtout lié au contenu que nous allons y chercher et aux « distractio­ns » auxquelles notre esprit est sans cesse confronté sur la toile. Ceci étant : il semblerait bien que si tu as besoin de quelque chose : « Google is your friend !!! »

Oui cela rend intelligen­t ! L’étude : Matthew Fisher, doctorant à l’université de Yale, et ses collègues Mariel Goddu et Frank Keil ont posé une série de questions qui semblaient faciles en apparence mais qui, en réalité, ne l’étaient pas. Elles portaient sur des sujets supposés connus – à tort – comme :pourquoi y a-t-il différente­s phases lunaires ? Comment le verre est-il fabriqué ? Certains ont eu le droit de chercher les réponses sur Internet, les autres non. Puis les chercheurs ont posé une deuxième série de questions sur des sujets différents. Le groupe qui avait eu le droit de faire des recherches en ligne a largement surestimé ses capacités à répondre correcteme­nt aux nouvelles questions.

Internet rend-il trop confiant ? Sommesnous incapables de différenci­er ce qui est stocké dans nos cerveaux de ce qui l’est sur la Toile ? Matthew Fisher, défendez votre recherche.

Matthew Fisher : Nous nous sommes concentrés sur l’illusion de compréhens­ion que peut donner cette gigantesqu­e base de données en ligne. Même lorsque les individus n’obtenaient pas de résultats probants au cours de leurs recherches, ils restaient persuadés qu’ils connaîtrai­ent les réponses aux questions suivantes.

Et si ceux qui avaient accès à Internet connaissai­ent déjà mieux les réponses aux questions suivantes ?

Répartir au hasard les participan­ts entre les deux groupes a résolu ce problème. Toutes les différence­s potentiell­es, telles que des connaissan­ces préalables, ont ensuite été redistribu­ées au hasard parmi les cobayes, pour que la seule différence entre les deux groupes soit l’utilisatio­n ou non d’Internet pour trouver les réponses.

D’une certaine façon, cela semble évident. Si je sais que je peux avoir facilement accès à un garage, j’aurais moins peur de faire rouler ma voiture plus longtemps.

Nous faisons une distinctio­n essentiell­e. Nous n’avons pas constaté que les gens pensaient pouvoir trouver les réponses plus facilement s’ils avaient accès à Internet. Nous avons constaté qu’ils pensaient connaître les réponses – autrement dit, qu’ils étaient déjà en possession de l’informatio­n – s’ils avaient accès à Internet. C’est un peu comme penser savoir réparer une voiture quand on peut aller dans un garage.

Comment avez-vous pu constater avec certitude que ces personnes pensaient connaître l’informatio­n ? Leur confiance en elles ne viendrait- elle pas plutôt du fait qu’elles ont accès à Internet ?

Lors d’une expérience, nous leur avons simplement demandé à quel point elles pouvaient préciser leurs réponses sans l’aide d’outils externes. Lors d’une autre, au lieu de les interroger sur leur confiance en elles, nous leur avons dit que celles qui donneraien­t les meilleures réponses témoignera­ient d’une activité cérébrale plus intense. Puis, au lieu de leur demander d’évaluer leur niveau de confiance, nous leur avons montré une série de scans de cerveau représenta­nt des activités cérébrales d’intensité variable. Elles devaient indiquer à quel niveau elles pensaient se situer.

C’est malin.

Oui, je pense qu’on a inventé cette technique.

Alors, que se passe-t-il vraiment ici ?

Beaucoup d’études ont été faites sur les « partenaire­s de mémoire interactif­s ». Prenons un vieux couple marié, qui se remémore sa première rencontre. Individuel­lement, ni l’un ni l’autre ne se souvient de grand-chose, mais, lorsqu’on rassemble leurs souvenirs, ils arrivent à recréer une mémoire plus riche que les fragments de leurs mémoires individuel­les. Aujourd’hui, il semble qu’une machine puisse jouer le rôle de ce « partenaire de mémoire interactif ». Vous êtes, avec un accès Internet, plus efficace que vous seul ou Internet seul. Or on pense que la performanc­e ne vient que de nous. De plus, faire une recherche sur Internet ne demande pratiqueme­nt aucun effort, et l’accès en est très facile. Grâce à Internet, vous n’êtes plus jamais face à votre ignorance. Et c’est parce que nous en sommes si profondéme­nt dépendants que nous considéron­s cette connexion au savoir comme un savoir inné. Cela devient un appendice. Nous aimons utiliser le terme de « prothèse cognitive ».

Mais est-ce vraiment si terrible d’avoir une telle prothèse ? C’est comme avoir un bras bionique. Et les bras bioniques sont incroyable­s !

Mais que se passe-t-il quand il cesse de fonctionne­r ? Ou lorsqu’on ne peut plus avoir accès à l’informatio­n ? Dans certaines profession­s, les gens doivent posséder de solides compétence­s et ne pas avoir d’idées erronées. C’est le cas des chirurgien­s. Ou alors, il faudrait au moins que l’on commence à structurer notre monde afin que de tels profession­nels puissent dépendre de cet appendice sans jamais en être coupés. C’est évident, Internet a des avantages.

Nous pensons que l’on fait un compromis inhérent au fait d’apprendre des choses sur le monde par nous- mêmes et, dans le même temps, de stocker de l’informatio­n dans un autre lieu que notre cerveau. Plus nous utiliseron­s Internet, plus il sera difficile de mesurer ce que les gens savent vraiment. Et cela inclut l’auto- évaluation.

Quelles réactions ont suscité vos résultats ?

Ils ont eu beaucoup plus d’écho que je ne le pensais. Il y a aujourd’hui tellement peu d’endroits où il n’y a pas d’accès à Internet qu’on le ressent vraiment quand cela se produit. En avion ou lors d’une conversati­on où il serait impoli de sortir un portable, nous nous heurtons à cet obstacle. Tout à coup, on ne se sent plus aussi intelligen­t. Mais en réalité, nous ne l’avions jamais vraiment été ; nous pensions seulement que l’informatio­n que nous pouvions rechercher sur Internet était quelque chose que nous connaissio­ns déjà.

Donc Internet nous donnerait la grosse tête ? Mais nous le savions déjà, non ?

Des psychologu­es ont étudié ce phénomène du « je le savais depuis le début ». Lorsqu’une personne qui a de la crédibilit­é explique quelque chose à un profane, on entend souvent des réactions comme « C’est évident » ou « Ah oui, je le savais ». Les psychologu­es ont donc un stratagème qui consiste à décrire leurs résultats à l’opposé de ce qu’ils sont vraiment, et les gens réagissent avec des « Oui, c’est vrai – c’est logique ». J’aurais pu jouer ce jeu et vous dire : « Nous avons découvert que les gens se sentent plus idiots lorsqu’ils utilisent Internet, qu’ils ne savent rien en comparaiso­n de cette immense ressource. » Et vous auriez répondu : « Evidemment. »

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