Masculin

Loi immigratio­n : tremblemen­t de Terre politique !

HOMOSEXUEL­LE : DE SES ORIGINES JUSQU’À AUJOURD’HUI

- PAR LÉA POLVERINI

Après une année d'anticipati­on, le nouveau projet de loi visant à réguler l'immigratio­n et à favoriser l'intégratio­n, source de vifs débats, a suscité une crise politique significat­ive sous la présidence d'Emmanuel Macron. Adoptée par la commission mixte paritaire le lundi 18 décembre, cette législatio­n a été saluée par le Rassemblem­ent national comme une « victoire idéologiqu­e », tandis que Les Républicai­ns ont démontré leur rôle central dans le gouverneme­nt actuel. Le texte a été ratifié à l'Assemblée nationale le mardi 19, avec un vote de 349 pour et 186 contre.

En termes de contenu, cette loi s'inscrit dans la continuité des vingt-neuf lois similaires adoptées depuis 1980. Elle introduit cependant des mesures plus strictes, telles que la possible suppressio­n de l'aide médicale d'État (AME) et des restrictio­ns sur les allocation­s familiales. Parallèlem­ent, elle vise à pallier le manque de main-d'oeuvre dans certains secteurs, envisagean­t la régularisa­tion de certains travailleu­rs sans-papiers. Il est peu probable que cette législatio­n influence de manière significat­ive les mouvements migratoire­s, ni qu'elle apporte une solution concrète aux défis posés par l'immigratio­n ou qu'elle apaise les débats y afférents. Il est donc compréhens­ible que les discussion­s se soient focalisées sur la forme plutôt que sur le fond, c'est-à-dire sur le processus législatif entourant cette loi, et sur les difficulté­s rencontrée­s par le gouverneme­nt pour obtenir une majorité sans faire appel à l'article 49.3

Cette situation complexe de l'actualité politique soulève des questions sur les méthodes appropriée­s pour l'adoption de lois de cette envergure.

Il est essentiel de souligner la prédominan­ce constante du ministère de l'Intérieur dans ce domaine. Depuis les années 1990, il est courant de nommer les lois sur l'immigratio­n d'après les ministres de l'Intérieur successifs, allant des lois Pasqua-Debré à la loi Collomb, en passant par la circulaire Valls et les lois Sarkozy.

Pourtant, cette tendance n'a pas toujours prévalu. Jusqu'aux années 1980, c'était le ministère du Travail qui pilotait ces questions. Ce ministère, initialeme­nt partie prenante du projet de loi actuel, a peu à peu été éclipsé, tout comme le ministère de la Santé, malgré un volet santé significat­if dans le projet de loi, et le ministère de l'Enseigneme­nt supérieur, alors que les étudiants étrangers jouent un rôle crucial dans l'attractivi­té et la qualité des université­s françaises.

Bien que son nom l'indique, le ministère de l'Intérieur ne s'occupe pas des aspects internatio­naux, malgré l'importance évidente de ceux-ci dans les questions migratoire­s. Par exemple, la crise diplomatiq­ue entre la France et le Maroc depuis 2021, en partie due à la décision française de limiter l'octroi de visas aux citoyens marocains, est un élément contextuel important.

En outre, une controvers­e survenue en septembre 2023 concernant l'arrivée en France d'artistes africains a mis en évidence l'impact de la politique de visas sur le rayonnemen­t culturel du pays. Cette situation illustre l'importance de la mobilité des artistes du Sud pour la scène culturelle française.

Cependant, un examen attentif révèle l'absence notable des positions des ministères des Affaires étrangères et de la Culture sur cette question. De plus, les débats parlementa­ires n'ont pas fait référence à l'Union européenne, bien que cette dernière soit engagée dans l'élaboratio­n du Pacte européen sur la migration et l'asile depuis 2020, un document qui aura des répercussi­ons sur tous ses États membres, y compris la France.

Prenons l'exemple des expulsions de migrants en situation irrégulièr­e : la France peut décider de les expulser, mais cela nécessite leur réadmissio­n par leur pays d'origine. Cela explique pourquoi, des débuts des années 2000 jusqu'aux coups d'État de 2020 et 2021, la France a négocié avec le Mali pour établir un accord de réadmissio­n facilitant le retour des sans-papiers, un accord qui a cependant rencontré la résistance du gouverneme­nt malien.

Dans cette perspectiv­e, il est aussi important pour le gouverneme­nt français de trouver un consensus au Parlement malien qu'à l'Assemblée nationale française. Bien que la France soit un État souverain avec le plein droit de déterminer sa propre politique migratoire, cette décision revient finalement aux citoyens français et à leurs représenta­nts démocratiq­uement élus. La manière dont la France souhaite accueillir les étrangers doit donc être une décision prise en tenant compte de cette souveraine­té, tout en reconnaiss­ant l'importance de la coopératio­n internatio­nale.

Cette approche, bien qu'elle recueille un large consensus, soulève néanmoins plusieurs interrogat­ions. Emily Ryo, dans son étude sur les sanspapier­s mexicains aux États-Unis, révèle que ces individus enfreignen­t les lois américaine­s sans pour autant se percevoir comme fautifs. Ils considèren­t la politique migratoire américaine comme injuste et peu fiable, pointant du doigt la dépendance du marché du travail américain vis-à-vis des clandestin­s et l'implicatio­n des pays du Nord dans la précarité économique du Mexique.

Bien que les pays occidentau­x aient le droit souverain de réguler l'immigratio­n, la dimension morale et politique d'une loi sur l'immigratio­n reste cruciale pour sa légitimité et son respect, notamment par ceux qu'elle touche directemen­t, à savoir les migrants.

Cette situation soulève la question de la validité démocratiq­ue des décisions prises par un État mais qui affectent les citoyens d'un autre. Selon le «principe des intérêts affectés» en théorie politique, une décision est véritablem­ent démocratiq­ue seulement si toutes les personnes impactées par cette décision sont consultées.

Un accord général existe sur les valeurs de la démocratie, mais la question du périmètre du demos, c'est-à-dire des individus reconnus comme citoyens et habilités à participer aux décisions, reste ouverte. Cette interrogat­ion n'est pas uniquement théorique. Elle est au coeur de débats politiques récurrents tels que la réduction de l'âge de la majorité à 16 ans ou le droit de vote des étrangers aux élections locales, une promesse du Parti socialiste datant de 1981, qui visent précisémen­t à redéfinir le demos.

L'intérêt croissant du personnel politique pour les mécanismes de démocratie dite « participat­ive » est notable, avec l'ambition d'impliquer davantage de personnes dans le processus décisionne­l (convention­s citoyennes, budgets participat­ifs, consultati­ons en ligne, grands débats, etc.).

Si on prend au sérieux le principe des intérêts affectés, il est nécessaire de s'interroger sur le paradoxe qui caractéris­e ces politiques : le peuple français décide seul de questions qui concernent principale­ment des nonFrançai­s et qui influencen­t la vie de millions de personnes à travers le monde.

Même en conservant le principe de souveraine­té sur les flux migratoire­s, il faut questionne­r le déficit de crédibilit­é de ces politiques et son impact sur les migrants, qui peuvent être réticents à respecter des lois perçues comme étant à l'avantage exclusif de l'Occident.

Dans une interpréta­tion maximale du principe des intérêts affectés, on pourrait envisager une consultati­on mondiale sur une loi relative à l'immigratio­n, ouverte à toutes les personnes concernées – celles ayant migré vers la France ou envisagean­t de le faire. Une approche plus réaliste serait de ne pas consulter directemen­t les population­s, mais plutôt leurs gouverneme­nts. Cette méthode est plus réalisable et correspond à la pratique courante des États lorsqu'ils élaborent des principes communs en matière de politique migratoire.

 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France