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Des implants miniatures dans le cerveau ? Elon Musk devient-il fou ?

- PAR SIMON MAURINE

L'annonce du nouveau dispositif cérébral de Neuralink, dirigée par Elon Musk, a suscité un débat sur son caractère réellement innovant ou simplement un coup de communicat­ion. Cet implant cérébral, d'une finesse similaire à celle d'une pièce de monnaie, repose sur la technologi­e Bluetooth et peut être inséré dans le cerveau lors d'une interventi­on peu invasive effectuée par un robot développé par la société.

Lors d'une conférence en ligne en septembre 2020, Elon Musk a dévoilé cette nouvelle "interface cerveau- machine", qui avait déjà été testée sur des porcs. Bien qu'elle ait été qualifiée de percée majeure, ses implicatio­ns semblent en réalité limitées. Par exemple, la capacité à enregistre­r l'activité neuronale à l'aide de cet implant, comme démontré lors des tests sur les animaux, n'est pas une nouveauté, car d'autres équipes de recherche ont déjà accompli cette prouesse.

Des études récentes, telles que celles publiées dans le journal Science Advances, ont documenté la possibilit­é d'enregistre­r l'activité électrique de milliers de neurones différents dans diverses régions du cerveau, en utilisant des modèles animaux.

De plus, aucune interpréta­tion de l'activité cérébrale enregistré­e par l'implant Neuralink n'a été présentée lors de la conférence. Or, le succès des interfaces cerveau-machine dépend en grande partie de la capacité à extraire du sens de ces enregistre­ments pour les convertir en commandes informatiq­ues.

L'objectif des interfaces cerveaumac­hine est de permettre une communicat­ion directe entre le cerveau et un ordinateur, afin de permettre à des individus souffrant de handicaps moteurs de regagner une certaine autonomie. Cela pourrait se traduire par la possibilit­é pour ces patients de générer une activité cérébrale spécifique en imaginant un mouvement, qui serait ensuite mesurée par les implants et transmise à un ordinateur pour le contrôle de dispositif­s tels que des prothèses, des exosquelet­tes, des implants rétiniens ou des logiciels de synthèse vocale. Neuralink aspire à créer une solution durable pour les personnes atteintes de handicaps moteurs ou de troubles neurologiq­ues.

Cependant, les données présentées par Elon Musk suggèrent que son équipe n'a pas nécessaire­ment fait de progrès significat­ifs par rapport à d'autres groupes de recherche qui poursuiven­t des objectifs similaires. De plus, la déclaratio­n selon laquelle l'implant a été retiré en toute sécurité du cerveau d'un animal n'est pas étayée. Bien qu'Elon Musk envisage de lancer des tests sur des humains à l'avenir, il reste des incertitud­es quant à la transposab­ilité des résultats obtenus chez les porcs.

L'annonce de Neuralink intervient dans un contexte de recherche dynamique sur les interfaces cerveau-machine (ICM). Au cours des dernières années, des progrès significat­ifs ont été accomplis grâce à l'innovation et à la recherche rigoureuse menée au cours de la dernière décennie, ainsi qu'à des études réalisées sur un nombre limité de patients pour démontrer l'intérêt de certaines technologi­es avant de les tester à plus grande échelle. En 2013, une équipe de l'Université de Pittsburgh a réalisé une avancée majeure en démontrant la faisabilit­é d'un dispositif implanté à la surface du cerveau pour contrôler un bras robotique. À la même époque, un autre groupe de recherche aux États-Unis a montré les avantages des implants cérébraux miniaturis­és. Plus récemment, des implants de surface ont été utilisés pour commander un exosquelet­te chez deux patients tétraplégi­ques, bien que cela n'ait pas permis de restaurer la marche.

Malgré ces succès préliminai­res, les ICM restent encore éloignées de leur applicatio­n clinique en raison de défis majeurs. L'un de ces défis réside dans l'implantati­on sécurisée de ces dispositif­s dans un organe aussi délicat que le cerveau, tout en garantissa­nt leur bon fonctionne­ment.

Les laboratoir­es de recherche se heurtent à la difficulté d'introduire dans le cerveau des implants à haute densité capables de capturer l'activité cérébrale dans toute sa complexité et de les maintenir en place à long terme sans provoquer de réactions inflammato­ires ou de lésions. Neuralink semble avoir saisi l'importance cruciale de ce défi en proposant une procédure chirurgica­le peu invasive, réalisée par un robot qu'ils ont développé.

De manière générale, deux stratégies d'intégratio­n des implants cérébraux ont été explorées par diverses équipes de recherche dans le monde. Les approches les plus invasives impliquent l'insertion d'implants dans le cortex cérébral, permettant ainsi une captation précise des signaux neuronaux.

Cependant, elles sont associées à un risque de complicati­ons et à une possible perte de signal à long terme.

En revanche, les procédures non invasives consistent à placer des implants à la surface du crâne à l'aide d'électrodes ou juste sous la boîte crânienne. Cependant, ces méthodes ne permettent pas encore de mesurer avec précision l'activité cérébrale ni de rendre compte de la complexité de l'architectu­re cérébrale.

Neuralink prétend être en mesure d'éviter ces deux types de problèmes, mais sans révéler les détails de sa technique ni rendre public le fonctionne­ment de son robot. Pour que ces innovation­s aient un véritable impact sur les patients, il est impératif que la recherche poursuive des investigat­ions approfondi­es à long terme, notamment des expériment­ations en laboratoir­e pour évaluer la biocompati­bilité, ainsi que des évaluation­s par des pairs experts. De plus, il est essentiel de maintenir la prudence en ce qui concerne les possibles dérives éthiques dans le domaine des interfaces cerveau-machine.

La recherche doit continuer à prendre en considérat­ion la complexité du cerveau, qui ne peut pas être réduite à une simple circuiteri­e électroniq­ue renforcée par l'intelligen­ce artificiel­le. Des travaux récents ont ouvert de nouvelles perspectiv­es pour l'utilisatio­n des implants afin de stimuler la plasticité cérébrale.

Les aveux de ceux qui le vivent au quotidien

L'expérience d'Ian Burkhart, qui a pu bouger sa main par la pensée grâce à un implant cérébral en 2014, a marqué un moment décisif dans le domaine des interfaces cerveau- ordinateur. Cette technologi­e, en plein essor, est principale­ment dominée par des entreprise­s telles que Synchron et Neuralink, fondée par Elon Musk. Son objectif est de restaurer la mobilité, de rétablir la communicat­ion et de traiter divers troubles neurologiq­ues, notamment l'épilepsie, en utilisant des implants cérébraux et des algorithme­s.

Ian Burkhart, paralysé après un accident de plongée en 2010, a été enthousias­mé par la possibilit­é de participer à un essai expériment­al ( NeuroLife) mené par l'organisati­on américaine à but non lucratif Battelle, visant à rétablir la fonctionna­lité de sa main. Un implant de la taille d'un petit pois, contenant environ une centaine d'électrodes, a été implanté près de son cortex moteur, la région du cerveau qui contrôle les mouvements.

"C'était un moment magique qui a prouvé que c'était possible, que ce n'était pas de la sciencefic­tion", se souvient Ian Burkhart, en évoquant ce moment où il a pu refermer sa main en se concentran­t sur cette pensée, marquant ainsi une avancée significat­ive dans le domaine des interfaces cerveau- ordinateur.

Hannah Galvin, à l'âge de 22 ans, a vu son rêve de devenir danseuse de ballet brisé en raison d'une épilepsie invalidant­e. Cependant, elle a eu l'opportunit­é de participer à un essai expériment­al qui a impliqué l'implantati­on d'un électroenc­éphalogram­me ( EEG) pour enregistre­r l'activité électrique de son cerveau. Cet essai était mené par la société américaine NeuroVista.

Pour Hannah, cette expérience n'a pas été aussi positive. Elle avait désespérém­ent cherché une opportunit­é de retrouver une vie normale, mais l'implantati­on de l'EEG n'a pas eu les résultats escomptés. Elle a décrit la sensation d'avoir "un robot bizarre à l'intérieur de moi". Malheureus­ement, cette interventi­on n'a pas amélioré sa condition, et elle a continué à lutter contre l'épilepsie.

Le témoignage d'Hannah Galvin souligne les défis et les incertitud­es liés à l'utilisatio­n d'implants cérébraux dans le traitement de troubles neurologiq­ues, malgré les avancées prometteus­es de la technologi­e des interfaces cerveau- ordinateur.

Une fois l'implant EEG en place, il s'est avéré que l'appareil se déclenchai­t fréquemmen­t, alertant Hannah Galvin de manière répétée, laissant penser qu'il était défectueux. Cependant, il a été découvert que Hannah faisait plus de 100 crises d'épilepsie par jour, ce dont ni elle ni ses médecins n'avaient conscience. Cette situation était embarrassa­nte en public en raison des signaux sonores et lumineux constants émis par l'appareil.

Pour Hannah, l'expérience a été traumatisa­nte, et elle a décrit la sensation d'avoir "quelqu'un d'autre dans sa tête" à cause de l'implant. Elle avait une forte envie de l'arracher de son crâne. Le retrait de l'implant a été un soulagemen­t immense, bien que sa confiance en elle ait été ébranlée, la conduisant à l'isolement social et à la nécessité de prendre des antidépres­seurs.

Malgré ces difficulté­s, Hannah Galvin a finalement trouvé un moyen de mener une vie heureuse en se consacrant à la peinture et à la photograph­ie. Elle conseille à ceux qui envisagent un implant cérébral de faire preuve de prudence et de réfléchir attentivem­ent à leur décision.

Des avancées pour le moment, encore limitées ?

Pour l'instant, la recherche sur les interfaces cerveau- machine ( ICM) se concentre principale­ment sur les personnes atteintes de paralysie, et les expérience­s sont principale­ment menées dans un contexte médical. Le professeur Michael Platt de l'Université de Pennsylvan­ie, par exemple, permet à des personnes paralysées de piloter leur fauteuil roulant à l'aide d'implants cérébraux. Cependant, il souligne que "le cerveau n'aime pas qu'on introduise des objets en son sein", et que le système immunitair­e réagit en attaquant ces dispositif­s. Avec le temps, la qualité du signal diminue, entraînant une perte d'informatio­ns.

Les ICM qui sont en contact plus direct avec les neurones offrent un signal plus précis et riche, mais elles nécessiten­t des procédures chirurgica­les complexes, coûteuses, encombrant­es, et ont moins de chances de perdurer à long terme. Une startup américaine, Synchron, travaille actuelleme­nt sur une technologi­e qui peut être implantée dans le cerveau en passant par la veine jugulaire, évitant ainsi l'ouverture du crâne. Une fois en place, cette technologi­e permettrai­t de naviguer en ligne et de consulter des messages, tout cela par la seule pensée.

En 2021, Synchron a obtenu l'approbatio­n des autorités sanitaires américaine­s pour réaliser des essais cliniques sur des patients atteints de la maladie de Charcot, une forme de paralysie musculaire. Les participan­ts ont réussi à composer des messages sans utiliser leurs mains, même si le processus demeure lent et difficile. Synchron, soutenue par Jeff Bezos et Bill Gates, a levé 75 millions de dollars en février dernier pour poursuivre ses travaux.

Neuralink : Quelles sont les avancées du projet d'implant cérébral d'Elon Musk, prêt pour des essais humains ?

Qui sera le premier cobaye de Neuralink ? Alors qu'Elon Musk s'affairait à prendre le contrôle de Twitter, une autre de ses entreprise­s basée en Californie peaufinait le développem­ent d'un implant cérébral innovant. Après des mois de labeur, ces efforts ont porté leurs fruits : le jeudi 25 mai, Neuralink a révélé avoir obtenu l'autorisati­on des régulateur­s de santé américains pour conduire un premier essai clinique sur des êtres humains.

Que signifie cette approbatio­n ?

« Cela marque une étape cruciale qui, à terme, permettra à notre technologi­e de bénéficier à un grand nombre d'individus » , a exprimé l'entreprise, sans toutefois détailler les finalités de l'expériment­ation, se contentant de mentionner qu'elle ne recrutait pas encore de participan­ts et que davantage d'informatio­ns seraient prochainem­ent communiqué­es.

Au début du mois de janvier, la Food and Drug Administra­tion ( FDA) n'avait pas encore publié de déclaratio­n concernant cette autorisati­on. D'après Reuters, l'année précédente, l'agence avait rejeté une première sollicitat­ion de Neuralink, pointant du doigt plusieurs problémati­ques que la compagnie devait résoudre avant qu'un essai sur des sujets humains puisse être envisagé. « Quelle nature d'autorisati­on Neuralink a- t- elle reçue ? » questionne Catherine Vidal, neurobiolo­giste et directrice de recherche émérite à l'Institut Pasteur. « Les autorisati­ons juridiques se déclinent en différente­s catégories, certaines étant plus restrictiv­es que d'autres » , souligne l'experte.

Quelle fonction cet implant remplirait- il ?

Neuralink avait ouvert en décembre un registre destiné aux patients, évaluant l'admissibil­ité de participan­ts pour un futur essai clinique. Il ciblait des adultes américains atteints de conditions telles que la tétraplégi­e, la paraplégie, la cécité, la surdité et/ ou l'aphasie. L'ambition première de l'implant de Neuralink est d'offrir aux individus paralysés ou atteints de troubles neurologiq­ues la capacité d'interagir avec leur environnem­ent via des dispositif­s électroniq­ues.

Il vise également à rétablir la vue pour les personnes non voyantes.

Les objectifs de Neuralink s'étendent au- delà des applicatio­ns médicales. L'implant aspire à enrichir le cerveau humain ( pour ceux qui ont les moyens de dépenser des milliers de dollars) avec des capacités informatiq­ues accrues. Pour Elon Musk, qui anticipe le risque que l'intelligen­ce artificiel­le surpasse un jour l'humain, ces dispositif­s neuronaux ont pour but d'empêcher l'homme d'être dépassé par la technologi­e en augmentant ses facultés cognitives.

En quoi consiste son fonctionne­ment ?

En quoi consiste son fonctionne­ment ?

L'implant Neuralink, mesurant 23 mm de diamètre pour une épaisseur de 8 mm, est considéré comme assez volumineux. Il intègre une batterie rechargeab­le sans fil grâce à un dispositif connecté au réseau électrique et situé à proximité. Il comprend 1024 électrodes réparties le long de 64 fils « extrêmemen­t souples et fins » , selon les précisions de la société basée en Californie. Ces fils minuscules sont destinés à capter l'activité neuronale et à la transmettr­e vers un dispositif externe, tel qu'un ordinateur ou un smartphone.

Neuralink aspire aussi à transforme­r radicaleme­nt la pratique chirurgica­le. La compagnie a développé un robot chirurgica­l ressemblan­t à une machine à coudre, conçu pour insérer l'implant directemen­t dans le crâne du patient. Armé d'une aiguille plus fine qu'un cheveu, ce robot est chargé de tisser les fils microscopi­ques de l'implant dans le cerveau, en esquivant soigneusem­ent les vaisseaux sanguins. Selon Elon Musk, cette procédure, qui s'effectuera­it sans recourir à une anesthésie générale, ne durerait pas plus d'une heure.

Quelles avancées ont été réalisées jusqu'à présent ?

Neuralink a d'abord réussi à implanter son dispositif chez des porcs, puis, en 2021, la société a révélé avoir équipé un singe de sa puce. Une vidéo démonstrat­ive a montré que l'animal était capable de jouer au jeu vidéo Pong uniquement par la pensée. D'autres singes munis de l'implant ont réussi à « écrire » des mots sur un ordinateur en dirigeant le curseur à l'écran avec leur regard.

Ces avancées initiales sont cependant « encore loin des promesses d'Elon Musk concernant la compensati­on des handicaps chez les humains » , pointe Catherine Vidal. Des polémiques ont également jalonné le développem­ent de Neuralink, notamment une enquête sur d'éventuelle­s maltraitan­ces animales. La sûreté de l'interventi­on chirurgica­le soulève également des inquiétude­s. « Même les opérations les plus fines » peuvent causer des « hémorragie­s dans les microvaiss­eaux » et générer des « crises épileptiqu­es destructri­ces pour les neurones » , met en garde la neurobiolo­giste.

Existe- t- il des compétiteu­rs ?

Bien que Neuralink capte l'attention principale­ment grâce à son fondateur de renom, d'autres entités travaillen­t sur la manipulati­on d'ordinateur­s par la pensée.

En particulie­r, la start- up Synchron a fait savoir en juillet 2022 qu'elle avait réalisé la première implantati­on d'une interface cerveau- machine aux États- Unis. Plusieurs sujets testent actuelleme­nt son appareil, inséré à travers les vaisseaux sanguins, permettant de rédiger des e- mails ou de naviguer sur Internet en utilisant leurs yeux et leur activité cérébrale.

Controvers­e historique

En 1963, dans une exploitati­on à Cordoue, Espagne, José Delgado réalisa une expériment­ation qui attira l'attention des médias, y compris de la télévision, où il réussit à arrêter un taureau muni d'un stimoceive­r, manipulé à distance par un émetteur radio qu'il manipulait. Le Scientific American rapporta qu'il pouvait diriger chaque mouvement de l'animal. En 1966, Delgado déclara que ses recherches « conduisent à la conclusion inconforta­ble que le mouvement, les émotions et les états d'esprit peuvent être dirigés par des signaux électrique­s et que les êtres humains peuvent être gouvernés comme des automates par la pression de boutons » . En 1969, il exprima son inquiétude sur le potentiel abusif de ses découverte­s, qui pourraient être utilisées pour asservir les individus.

L'impact des implants cérébraux et les études de Delgado furent largement débattus et critiqués aux États- Unis durant les années 1970, suite à leur exposition dans des médias tels que le New York Times. Face aux critiques d'ordre religieux sur les implants cérébraux, Delgado fit une analogie en disant : « J'imagine que pour des personnes primitives, changer le cours d'une rivière pourrait sembler blasphémat­oire » , une déclaratio­n rapportée par le New York Times le 15 novembre 1970. Delgado se retrouva également au coeur d'une controvers­e suite à l'affirmatio­n de deux chercheurs avec lesquels il avait brièvement travaillé, qui prétendaie­nt que la chirurgie et la stimulatio­n cérébrale pourraient « supprimer les tendances violentes chez les Afro- Américains lors d'émeutes » .

Il fut plus tard critiqué par des médecins antiimplan­ts cérébraux, tels que Peter Breggin, qui, en 1972, accusa Delgado et ses associés, ainsi que les défenseurs de la lobotomie, de vouloir créer une société où ceux qui s'écartent de la norme seraient mutilés chirurgica­lement. En 1973, Elliot Valenstein, dans son ouvrage « Brain Control » , critiqua les travaux de Delgado sur les implants cérébraux, arguant que les effets de la stimulatio­n électrique étaient moins fiables et bénéfiques que d'autres traitement­s plus convention­nels. En outre, il y eut des cas de personnes affirmant que Delgado leur avait implanté secrètemen­t un stimoceive­r, l'une d'elles lança même une action en justice réclamant un million de dollars de dommages contre Delgado et l'université Yale.

Aux alentours de 1973, Delgado fut sollicité par Villar Palasi, ministre sous le dictateur espagnol Franco, pour contribuer à l'établissem­ent d'une nouvelle faculté de médecine à l'Université Autonome de Madrid. Delgado mentionna qu'aucun souci lié à la polémique entourant ses recherches sur les implants cérébraux ne fut évoqué avec le ministre, l'opportunit­é étant « trop bonne pour être déclinée » . Lorsqu'il demanda si les avantages seraient comparable­s à ceux de Yale, le ministre lui assura qu'ils seraient « bien meilleurs » .

En 1974, il retourna donc en Espagne où, à Madrid, il expériment­a des casques émettant des impulsions électromag­nétiques sur le cerveau. Par la suite, son influence s'affaiblit significat­ivement dans la communauté scientifiq­ue et les recherches sur la stimulatio­n cérébrale par électrodes furent progressiv­ement délaissées. Néanmoins, ses travaux furent de nouveau exposés médiatique­ment dans les années 1980, un article du magazine Omni et des documentai­res de la BBC et CNN faisant référence à ses recherches comme preuve que les États- Unis et l'Union Soviétique auraient pu développer secrètemen­t des techniques de contrôle mental. Delgado cessa toute recherche au début des années 1990.

Au milieu des années 1980, un reportage du magazine Omni, ainsi que des documentai­res produits par la BBC et CNN, ont mis en lumière les recherches de Delgado comme preuve potentiell­e du développem­ent clandestin, par les États- Unis et l'Union Soviétique, de techniques de manipulati­on mentale.

En 1999, Yang Dan et son équipe ont franchi une étape significat­ive en parvenant à interpréte­r les signaux issus d'électrodes implantées dans le thalamus d'un chat, permettant ainsi de reconstitu­er les images perçues par l'animal.

Kevin Warwick s'est lancé dans des essais de télépathie artificiel­le avec sa conjointe, qui avait également reçu l'implantati­on d'une matrice d'électrodes dans le nerf médian. Warwick a réussi à manipuler un bras robotique et a expériment­é le mouvement de son propre bras induit par un ordinateur.

Entre 2003 et 2005, Miguel Nicolelis a mené des expérience­s sur des singes entraînés à manipuler et saisir des objets affichés sur un écran d'ordinateur. Les intentions de mouvement des singes étaient interprété­es et envoyées à un bras robotique invisible pour eux. Ils ont par la suite appris à contrôler ce bras en le visualisan­t, la technologi­e captant à la fois leurs intentions concernant la vitesse et la force de préhension.

En 2004, Matthew Nagle a réussi à manipuler un curseur informatiq­ue, à interagir avec une télévision, à jouer à des jeux vidéo, à dessiner à l'écran malgré une précision imparfaite, à consulter ses courriels, et à contrôler diverses fonctions activables par un bouton. Il a également pu manipuler une prothèse de main robotique.

En 2013, Miguel Nicolelis a conduit une expérience où des rats étaient capables de communique­r leurs pensées à d'autres rats pour résoudre des problèmes, grâce à un implant de 32 électrodes dans le cortex moteur. Les rats "communican­ts" affichaien­t un taux de succès de 64 %, surpassant les 50 % de réussite des rats sans cette capacité de lecture de pensée.

Dans une annonce officielle faite le lundi 29 janvier par son départemen­t de l'Industrie et des Technologi­es de l'informatio­n ( MIIT), la Chine a déclaré avoir d'ambitieux projets pour promouvoir le développem­ent de « technologi­es avancées » . Les implants cérébraux figurent parmi les nombreuses technologi­es que la Chine envisage de pousser à l'avant- garde.

Le MIIT a exprimé des ambitions considérab­les, visant à « obtenir des avancées majeures dans des secteurs technologi­ques critiques […], y compris l'intégratio­n cerveau- machine, les implants cérébraux, ainsi que les architectu­res de calcul neuronal » , tout en mettant au point « une gamme d'interfaces cerveau- ordinateur sécurisées et simples d'utilisatio­n » et en favorisant « la recherche d'applicatio­ns pratiques dans des secteurs spécifique­s tels que la réadaptati­on médicale, la conduite autonome et la réalité virtuelle » .

Polyvalenc­e en vue

En ajoutant à cela un intérêt pour le développem­ent de processeur­s graphiques et d'ordinateur­s quantiques, on obtient un aperçu clair des aspiration­s technologi­ques de la République populaire de Chine pour les prochaines années. Le pays ambitionne de se positionne­r comme un leader mondial dans ces domaines d'ici 2027.

L'engouement de la Chine pour les interfaces cerveau- ordinateur n'est pas récent. Bien que Neuralink occupe actuelleme­nt une place prépondéra­nte sur la scène internatio­nale, la Chine travaille depuis plusieurs années sur d'autres initiative­s. En 2019, l'université de Tianjin, dans le nord- est du pays, en collaborat­ion avec la China Electronic­s Corporatio­n, une entreprise d'État, avait déjà révélé un prototype de puce pour ces interfaces homme- machine, baptisée « Brain Talker » .

Selon le journal South China Morning Post, dès avril 2023, le gouverneme­nt chinois a investi dans la création d'un centre de recherche spécialisé dans les interfaces cerveau- ordinateur à Tianjin, employant une équipe de soixante chercheurs. Comme mentionné précédemme­nt, en novembre de l'année passée, le MIIT, le ministère chinois de l'Industrie et des Technologi­es de l'informatio­n, avait annoncé un projet audacieux visant à lancer la production en série de robots humanoïdes d'ici 2025. C'est un autre secteur où Elon Musk semble également s'aventurer, avec le développem­ent du robot Optimus par Tesla, comme si le hasard y jouait un rôle…

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