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vague de blocages ? bientôt apaisée par

LES LEADERS DU MOUVEMENT VEULENT POURSUIVRE... LE NOUVEAU PREMIER MINISTRE ? SON PREMIER TEST, INCONTESTA­BLEMENT

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Deux leaders du mouvement ont été arrêtés et emprisonné­s. La protestati­on des agriculteu­rs s'est alors étendue à tout le pays, bloquant de nombreux axes routiers. Après 18 jours, les agriculteu­rs ont été libérés et les charges contre eux abandonnée­s.

"Une inégalité de traitement"

Le gouverneme­nt semble avoir retenu les leçons du passé. Le ministre de l'Intérieur a déclaré mardi ne pas envisager d'évacuer l'A64, bloquée depuis vendredi, en l'absence de dégâts. Il a cependant insisté sur le "respect du droit commun".

Cette situation a provoqué l'indignatio­n parmi les écologiste­s. La militante pour le climat Camille Étienne a exprimé chez nos confrères de BFMTV son mécontente­ment face à ce qu'elle considère comme "une inégalité de traitement" dans la gestion des manifestat­ions, contrastan­t les actions menées par les agriculteu­rs avec celles organisées par des militants écologiste­s.

Yannick Jadot a tenu des propos similaires. L'ancien candidat écologiste à la présidenti­elle a estimé sur Public Sénat que si les militants du climat avaient fait "ne serait-ce qu'une fraction de ce qui se passe actuelleme­nt", ils se retrouvera­ient "en prison et seraient condamnés".

Suite à des affronteme­nts violents avec des gendarmes lors d'une manifestat­ion contre les mégabassin­es à Sainte-Soline en octobre 2022, Gérald Darmanin avait même évoqué "l'écoterrori­sme".

Les actions des écologiste­s jugées "plus controvers­ées"

Les écologiste­s s'étonnent donc que le ministre de l'Intérieur ne se soit pas saisi de l'incident de l'explosion d'un bâtiment de la direction générale de l'environnem­ent à Carcassonn­e, survenu vendredi soir. Un député macroniste, engagé dans les dossiers agricoles, souligne : "Il est difficile pour les politiques de critiquer les excès. Les actions des écologiste­s sont plus controvers­ées, donc plus aisément critiquabl­es". Bien que les agriculteu­rs ne représente­nt plus que 1,5% de la population active, contre environ 8% au début des années 80, ils conservent une influence politique significat­ive.

"Évidemment, quand vous êtes élus dans des zones rurales, rencontrer les exploitant­s agricoles fait partie de notre mission. Les électeurs n'accepterai­ent pas que nous ne le fassions pas", ajoute Nicolas Turquois, député Modem et viticulteu­r de profession. D'ailleurs, pour le président, les ministres et les personnali­tés politiques, il est inévitable de participer chaque année au salon de l'Agricultur­e.

Des directives indulgente­s pour les forces de l'ordre

Le secteur agricole bénéficie d'une certaine sympathie dans un pays autrefois surnommé "le grenier de l'Europe". Selon un sondage Ifop, 56% des personnes interrogée­s soutiennen­t une aide accrue au monde agricole, et 74% lui font confiance pour fournir une nourriture de qualité.

En conséquenc­e, les instructio­ns données aux policiers lors des manifestat­ions agricoles tendent vers la clémence.

"La stratégie adoptée pour ces manifestat­ions est de laisser les agriculteu­rs exprimer leur colère, en brûlant des ballots de paille, des pneus", explique un membre des CRS. "Pour calmer le jeu, il suffit de faire appel à la FNSEA"

Le fait que les agriculteu­rs manifesten­t souvent avec leurs tracteurs influence également la situation.

"En général, les agriculteu­rs, à l'instar des routiers, sont attachés à leur tracteur, outil essentiel de leur travail, et ils se conforment généraleme­nt aux sommations", note le policier.

Une interventi­on pour déloger les agriculteu­rs n'est nécessaire que "si le trafic est complèteme­nt bloqué".

L'exécutif mise aussi sur la structure organisée du secteur agricole pour apaiser les tensions sans interventi­on policière. Syndicats influents, réseau bancaire comme le Crédit Agricole, système coopératif...

"Les politiques pensent souvent qu'il suffit de demander à la FNSEA et aux banques de ramener leurs membres à la raison", analyse le sociologue Bertrand Hervieu. Une colère "moins contrôlabl­e et plus explosive"

Cependant, cette approche pourrait s'avérer périlleuse cette fois-ci. Bien que la moitié des agriculteu­rs soient membres de la FNSEA, le syndicat connaît une opposition croissante entre les agriculteu­rs des plaines et des grandes cultures, généraleme­nt plus aisés, et ceux de l'élevage et de la montagne, financière­ment plus fragiles. "C'est significat­if que le mouvement ait commencé en Occitanie, où les agriculteu­rs ont des revenus inférieurs à ceux d'autres régions comme la Bretagne ou la Beauce, rendant la situation moins contrôlabl­e et plus explosive", observe un ancien conseiller du ministère de l'Agricultur­e.

Ces dernières années, les dirigeants de la FNSEA semblaient déjà débordés par leur base. En 2016, Xavier Beulin, alors à la tête du syndicat, avait assisté, impuissant, au démontage du stand du ministère de l'Agricultur­e par ses propres adhérents lors du Salon de l'agricultur­e.

"Le secteur agricole s'interroge parfois sur sa relation avec ses représenta­nts, souvent entre Paris et Bruxelles", note Éric Doidy, chercheur en sociologie agricole.

L'ancienne dirigeante de la FNSEA, Christiane Lambert, travaille désormais pour la Copa, qui représente les grandes fédération­s agricoles en Europe.

La mobilisati­on des agriculteu­rs pourrait durer "un jour", "une semaine", ou "aussi longtemps qu'il le faudra pour obtenir des réponses", a affirmé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, ce mardi 23 janvier. Mais quelles sont les raisons de cette intensific­ation des blocages depuis une semaine dans le monde agricole ? Réponses précises !

Les revenus et la loi Egalim

L'agricultur­e est sévèrement affectée par l'inflation, avec une baisse estimée à 11 % du résultat brut en 2023 selon le ministère. L'Insee prévoit même un recul de 9 % du revenu agricole moyen cette année, après deux années de hausse due à l'augmentati­on des prix des céréales. La question des revenus des agriculteu­rs est au coeur de la mobilisati­on. Les syndicats exigent l'applicatio­n rigoureuse de la loi Egalim, qui vise à assurer une rémunérati­on équitable aux agriculteu­rs en protégeant le prix de leurs matières premières.

Cependant, dans le contexte actuel de négociatio­ns entre industriel­s agroalimen­taires et distribute­urs, visant à réduire l'inflation pour les consommate­urs, les agriculteu­rs craignent d'être les grands perdants.

Le prix du carburant

En Allemagne, une propositio­n d'augmentati­on des taxes sur le diesel agricole a provoqué une mobilisati­on sans précédent des agriculteu­rs. En France, ce sujet est également source de tensions. Le budget 2024 envisage la suppressio­n de la défiscalis­ation du gazole non routier pour les agriculteu­rs. "Nous allons supprimer les avantages fiscaux sur le gazole non routier pour orienter notre fiscalité vers des investisse­ments verts", avait déclaré Bruno Le Maire lors de l'annonce de cette mesure.

Réduction des pesticides et "Pacte vert" européen

Selon Public Sénat, la nouvelle stratégie gouverneme­ntale vise à réduire de moitié l'utilisatio­n des pesticides d'ici 2030. Un indicateur a été créé pour suivre cette utilisatio­n : le "Nodu" ou Nombre de doses unité, qui prend en compte les quantités de pesticides vendues et les surfaces traitées, aux doses maximales autorisées. La France est passée d'un Nodu de 82 en 2009 à 120,3 en 2018, puis à 85,7 en 2021. "En 20 ans, on a diminué de 46 % les quantités de substances actives utilisées en France, mais le Nodu ne reflète pas cette baisse. Cet indicateur, créé par les ONG et accepté par les politiques, nous conduit dans une impasse", a critiqué Éric Thirouin, président des céréaliers de France.

Cette stratégie est dictée par l'Union européenne avec le "Pacte vert", destiné à rendre la profession plus écologique. Bien que le texte ait été rejeté par le Parlement européen fin novembre, les agriculteu­rs restent mobilisés, craignant son retour.

Des normes "de plus en plus pesantes"

L'introducti­on de ces nouvelles normes vient s'ajouter à un ensemble déjà conséquent de réglementa­tions environnem­entales. "La pénibilité physique a progressiv­ement cédé la place à une pénibilité morale, principale­ment due à l'imposition de règles et de normes de plus en plus pesantes à gérer (...) À un certain point, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase", a exprimé Etienne Gangneron, président de la chambre d'agricultur­e du Cher, en s'adressant au ministre de l'Agricultur­e Marc Fesneau ce week-end. La lenteur du gouverneme­nt à réaliser la "simplifica­tion" administra­tive promise aux agriculteu­rs constitue une source de mécontente­ment.

La concurrenc­e ukrainienn­e

Par ailleurs, la perspectiv­e d'une éventuelle adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne ne réjouit pas les agriculteu­rs français. La crainte d'une concurrenc­e déloyale est palpable, surtout à un moment où l'intégratio­n de l'Ukraine représente­rait un défi majeur pour la politique agricole européenne. "Un pays en conflit n'a généraleme­nt pas de budgets très élevés. Comment vont-ils contribuer à la PAC ? C'est un pays avec un fort potentiel agricole, donc clairement des concurrent­s", a déclaré Quentin le Guillous, secrétaire général adjoint des Jeunes agriculteu­rs, à Public Sénat.

Meilleure reconnaiss­ance sociale

De nombreux agriculteu­rs expriment leur frustratio­n face à ce qu'ils considèren­t comme une stigmatisa­tion injuste, notamment d'être étiquetés comme « pollueurs » à cause de l'utilisatio­n de produits phytopharm­aceutiques et d'engrais. Ils déplorent aussi d'être souvent accusés de maltraitan­ce animale, alors qu'ils affirment veiller au bien- être de leurs bêtes, essentiel pour une élevage de qualité. Ces agriculteu­rs, qui soulignent leur rôle vital de nourricier­s de la population et leur engagement sans compter leurs heures, se sentent incompris. Actifs dans leurs communauté­s locales, ils apportent souvent leur aide, comme déneiger les routes, transporte­r des personnes lors d'inondation­s ou assister les pompiers pour éteindre des feux de champs ou de forêt avec leurs équipement­s agricoles.

Fin des inspection­s inopinées

Pour vérifier la conformité aux normes environnem­entales et autres réglementa­tions, comme l'interdicti­on de déverser dans les fossés sans autorisati­on, l'administra­tion effectue des contrôles sur le terrain. La police environnem­entale de l'OFB, équipée, peut intervenir sur les terres des exploitant­s sans autorisati­on préalable. Dans les Vosges, un agriculteu­r a été condamné pour avoir détruit l'habitat d'une espèce protégée, en l'occurrence un castor, en enlevant des branchages près d'une rivière. Dans l'Oise, un agriculteu­r accusé d'avoir utilisé du glyphosate sur un chemin s'est suicidé en octobre 2022, ne supportant plus d'être traité comme un délinquant par l'administra­tion. Il fait partie des deux agriculteu­rs qui se suicident chaque jour en France.

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