Corée du Sud : la "Marie-Antoinette" qui fait trembler le pouvoir
À l'approche d'élections législatives critiques, à seulement deux mois de l'échéance, le président sud-coréen est confronté à une série de défis majeurs. Dans un contexte de crise profonde, le chef d'État conservateur a dû annuler une visite d'État prévue en Allemagne, principal partenaire commercial de la Corée du Sud en Europe, à la mi-février. Yoon Suk-yeol est actuellement aux prises avec de multiples problèmes domestiques à l'aube des élections : une popularité qui plafonne à 29 %, un ralentissement économique, ainsi que des tensions accrues avec une Corée du Nord de plus en plus belliqueuse…
Cependant, l'élément le plus problématique reste le scandale impliquant son épouse, Kim Keon-hee, figure particulièrement controversée, suite à la publication en décembre d'une vidéo la montrant recevant un sac Dior d'une valeur de 2 200 dollars. L'entourage du président a initialement crié au complot visant à nuire à la première dame dans un moment politiquement sensible : en effet, la vidéo enregistrée en caméra cachée a été orchestrée en septembre 2022 par Choi Jae-young, un pasteur aux affiliations extrême-gauche. Néanmoins, le président a été contraint d'admettre en public un manque de jugement de la part de son épouse.
Cette affaire n'a pas apaisé les tensions, ébranlant davantage le gouvernement et forçant le dirigeant du parti au pouvoir, le Parti du Pouvoir Populaire (PPP), à démissionner. Bien qu'étant un allié du président, son successeur par intérim a admis que le scandale du sac Dior était préoccupant pour la population. En effet, 53 % des Sud-Coréens perçoivent cet incident comme un acte de corruption, surtout que ce cadeau n'était pas une première occurrence. Kim Kyung-yul, une figure éminente du PPP, a poussé la critique plus loin en comparant la première dame à la reine Marie-Antoinette, en déclarant : "Pourquoi la Révolution française a-t-elle éclaté ? À cause des révélations sur le penchant pour le luxe et la vie extravagante de Marie-Antoinette."
Impliquée dans divers scandales
Cette situation ne fait qu'aggraver l'image déjà controversée d'une figure publique visée par plusieurs enquêtes pour malversations financières. Titulaire d'un diplôme en arts et à la tête d'une entreprise spécialisée dans l'organisation d'expositions, cette femme de cinquante ans au visage étonnamment juvénile est accusée d'avoir falsifié son CV pour décrocher des postes universitaires. Elle a également été l'objet de rumeurs persistantes - bien que non fondées - concernant une prétendue activité d'escort pendant ses années d'étude.
La première dame est également liée à diverses affaires : sa mère a été condamnée en novembre 2023 à un an de prison pour avoir utilisé de faux documents bancaires pour acquérir un bien immobilier au sud de Séoul en 2013. De plus, les deux femmes sont soupçonnées d'avoir manipulé le cours des actions du distributeur local de BMW, le constructeur automobile allemand, entre 2010 et 2012, en diffusant des informations avec l'aide du principal actionnaire pour influencer le prix de l'action.
Elle a traité son mari "d'incapable"
Kim Keon-hee est d'autant plus polarisante que son autonomie heurte une partie de la société sud-coréenne, encore très patriarcale, où les premières dames sont traditionnellement reléguées à un rôle symbolique. Le déménagement de la présidence sud-coréenne de la Maison bleue, un palais traditionnel aux tuiles bleues, vers le ministère de la Défense serait dû à une consultation de chamans, qu'elle fréquente régulièrement. Elle aurait également influencé certaines nominations au sein du gouvernement. Kim Seung-hee, une ancienne camarade d'université impliquée dans la campagne présidentielle de Yoon, a été nommée l'année dernière secrétaire du protocole présidentiel, un poste normalement dévolu à un diplomate. Visiblement déterminée à jouer un rôle actif, elle a décrit son mari comme un "incapable" qui "ne peut rien faire sans [elle]", selon un enregistrement de conversation avec un journaliste fait à son insu.
Passionnée par les chiens, elle aurait aussi influencé l'adoption d'une loi début janvier interdisant la consommation de viande canine, une pratique pourtant traditionnelle en Corée.
"Le véritable problème est l'absence de supervision de la première dame au sein de la présidence", souligne l'analyste politique Lee Jong-hoon. Dès son entrée en fonction, le président Yoon, soucieux de réduire les dépenses de son bureau, avait supprimé l'unité chargée de superviser les activités de la première dame et de prévenir les écarts de conduite. Face à la crise actuelle, Yoon envisagerait de réinstaurer ce service.