Russie : La mort d’Alexeï Navalny peut-elle avoir des conséquences pour le régime de Vladimir Poutine ?
Durant le week-end, 177 individus ont été interpellés à travers la Russie pour avoir rendu hommage à Alexeï Navalny, d'après les informations de l'ONG OVD-Info. Cette statistique est parmi les rares disponibles pour mesurer la réaction de la société russe au décès de cet opposant à Vladimir Poutine. Au cours du même week-end, un petit nombre de personnes, totalisant quelques centaines, ont également témoigné leur respect en déposant une fleur près du « mur du deuil », un mémorial dédié aux victimes de la répression sous le régime soviétique à Moscou.
L'onde de choc qui a traversé les nations occidentales à l'annonce de sa mort semble avoir eu un écho bien plus modeste en Russie. « Navalny a souvent été décrit comme le principal adversaire de Vladimir Poutine. C'est exact, mais son influence était limitée et il ne disposait pas d'un programme politique concret », analyse Philippe Migault, expert de l'espace post-soviétique et des enjeux stratégiques.
Ces derniers temps, les espoirs de l'opposition russe se concentraient davantage sur Boris Nadejdine, un candidat antiguerre à la présidentielle ayant recueilli plus de 100.000 signatures de soutien, avant l'invalidation de sa candidature. En mars, Vladimir Poutine sera réélu sans véritable compétition. La démocratie en Russie s'apparente ainsi à une simple vitrine, avec l'existence de quelques partis locaux ou alignés sur la position du Kremlin. « Il n'existe pas d'alternative politique viable », conclut Philippe Migault.
Selon cet expert, Alexeï Navalny ne laisse donc « aucun legs politique », son action s'étant principalement axée sur la « lutte contre la corruption ». Candidat à la mairie de Moscou en 2013 et inéligible à la présidentielle de 2018, Alexeï Navalny n'a pas su créer une plateforme politique durable en Russie. Sa Fondation pour la lutte contre la corruption a même été dissoute par la justice russe en 2021. Son « parti du progrès » n'a été officiellement reconnu que brièvement entre 2014 et 2015, avant d'être interdit en 2018 et finalement dissous en 2021.
Néanmoins, « ceux qui luttent contre la corruption se revendiqueront de son héritage », souligne Philippe Migault. En première ligne, son épouse, Yulia, qui s'est impliquée sans relâche pour la libération de son mari, décrit par ce dernier comme étant « plus radicale » que lui-même. L'entourage de l'opposant se rassemble désormais autour d'elle. Cependant, tout comme d'autres figures de l'opposition telles que Mikhaïl Khodorkovski, Vladimir Kara-Mourza ou Ilia Iachine, le combat contre Vladimir Poutine s'organise soit depuis l'exil, soit derrière les barreaux. La pression exercée sur la société russe demeure oppressante, et le décès d'un opposant de plus ne
« va pas ébranler le régime », conclut Philippe Migault.