CHAQUE JOURS des milliers de chinois
DÉAMBULENT DANS CE QUARTIER TRÈS CHAUD...
Non loin de l'entrée est de Kabukicho, un bâtiment abrite divers restaurants et bars destinés aux étrangers. Vers 1 heure du matin, je suis entré dans l'un de ces établissements, fréquenté principalement par des Chinois de Shanghai. Dans un coin reculé, six hommes discutaient tout en manipulant plusieurs cartes de crédit, apparemment volées. "Avec ce magasin, il n'y aura pas de problème, car je connais le propriétaire", affirmait l'un d'eux. "Alors, achetons-lui des télévisions et des appareils photo", proposait un autre. Un habitué chinois du lieu m'a expliqué que ces hommes planifiaient une escroquerie et réfléchissaient à la répartition des profits.
Kabukicho et ses environs comptent plusieurs centaines de bars et de restaurants tenus par des Chinois, ainsi que des clubs de rencontre où des Chinoises se prostituent et un marché d'objets volés. Chaque jour, environ 5 000 Chinois visitent ce quartier. Beaucoup d'entre eux exercent des professions respectables et sont consternés et inquiets face aux agissements répréhensibles de certains de leurs compatriotes. "Ils ternissent l'image de la Chine. Ce sont des individus méprisables", m'a confié un journaliste chinois couvrant l'actualité de Kabukicho. Le corps spécial de lutte contre la criminalité internationale, composé de trois sections - criminelle, sécurité des habitants et ordre public - a été instauré le 21 décembre dernier par la préfecture de police de Tokyo au coeur même de ce quartier. Chargé d'enquêter sur les crimes commis par des étrangers et de démêler les activités des organisations criminelles, ce corps a été informé de 6 meurtres.
Trois de ces meurtres ont impliqué uniquement des étrangers, tant comme auteurs que comme victimes. Parmi les 36 cambriolages recensés, près de la moitié (15) ont également été le fait d'étrangers. La nouvelle de la création de cette unité spéciale s'était répandue dans la communauté étrangère de Kabukicho avant même son officialisation. Conséquence directe, les clubs de rencontre et les bars nocturnes ont commencé à fermer leurs portes progressivement, et les travailleuses dont les visas étaient expirés se sont faites rares.
Selon l'essayiste Yasuro Morita, spécialiste de l'immigration clandestine, notamment chinoise, la simple existence de cette force spéciale ne suffira pas à éradiquer le problème. "La criminalité ne peut être diminuée par la répression seule. La majorité des victimes d'enlèvements pour rançon ou de cambriolages sont des immigrants clandestins. Puisqu'il est impossible d'arrêter complètement l'immigration, il serait peut-être judicieux de repenser la politique concernant les étrangers à la recherche d'emploi. Après tout, la lutte contre ces problématiques ne devrait pas incomber uniquement à la police, mais nécessiter l'engagement de l'ensemble de l'administration."