DES HOMMES comme les autres
QUI SONT CES FAMEUX HÔTES DU PLAISIR ET DU VICE ?
Le mystérieux univers des hôtes suscite une fascination généralisée. Ces jeunes hommes, âgés de 20 à 40 ans, exercent dans les host clubs des grandes métropoles nippones, à l'image des hôtesses féminines. À Tokyo, notamment dans le quartier animé de Kabukicho, quelque 5 000 d'entre eux travaillent dans environ 250 clubs. Leur clientèle est tout aussi variée, allant de simples employées à des femmes d'affaires de haut rang, prêtes à dépenser des sommes considérables pour un moment d'évasion, qu'il soit charnel ou platonique. La relation entre hôtes et clientes navigue constamment entre sincérité et artifice, formant un tissu de connexions à la fois superficielles et intriquées.
Des hôtes, véritables playboys modernes du district de Kabukicho à Shinjuku, Tokyo, ont publié un recueil intitulé Host Manyoshu, en référence au Manyoshu, un pilier de la littérature poétique japonaise du VIIIe siècle. Ce livre, composé il y a deux ans, regroupe environ 300 tankas, ces poèmes de 31 syllabes rédigés soit au sein d'un cercle littéraire, soit directement sur leur lieu de travail. En ces temps marqués par la pandémie de Covid-19, où les travailleurs de la nuit sont souvent stigmatisés, ces écrits cherchent à humaniser leurs auteurs.
L'initiative revient à Maki Tezuka, 42 ans, directeur de l'Association de promotion des commerces de Kabukicho, et aux 75 hommes travaillant dans ses clubs. Tout a débuté en juillet 2018, lors d'une soirée organisée par la librairie Kabukicho Book Center pour célébrer la sortie de Metallic, un recueil de Dan Osano. Sous l'impulsion de Dan Osano et d'Ayako Noguchi, poétesse présente ce soir-là, ils se sont lancés dans la poésie, poursuivant ensuite au sein d'un Cercle de poésie des hôtes.
Machi Tawara, poétesse reconnue de 57 ans, membre du jury de ce cercle, leur a prodigué conseils et critiques de manière bénévole. Leur démarche a également été soutenue par l'éditeur en chef de Tanka Kenkyu, une revue spécialisée en poésie tanka.
Ces écrits, touchant à l'universalité des sentiments, atteignent droit au coeur. Ayako Noguchi voit en Hikaru Genji, protagoniste du Dit du Genji, l'ancêtre de tous les séducteurs, une figure que les hôtes modernes semblent échoir avec leurs vers destinés à charmer leur audience. "En réalité, face à diverses clientes, les vrais professionnels parviennent à offrir un service personnalisé à chacune, captant l'essence des mots et des émotions," souligne M. Tezuka.
En l'espace de deux ans, ces hôtes ont produit 900 poèmes, parmi lesquels 295 ont été sélectionnés par Mme Tawara et son équipe pour figurer dans le Host Manyoshu. "Regard dans les yeux / Non, ne le fais pas / Sourires timides / Proximité des corps, proximité des coeurs," un tanka de Musashi, illustre la capacité de ces poèmes à capturer des instants de vérité et d'émotion partagée.
"Jours loin de toi / Dans l'attente de te revoir / Mes sentiments pour le prix de 84 yens," un tanka de Mamoru Miyano, a également été salué pour son ingéniosité et sa capacité à transcender le temps. Miyano, surnommé "le prince de la poésie tanka", privilégie les lettres manuscrites à la communication numérique pour exprimer ses sentiments, affirmant qu'elles portent en elles quelque chose d'unique et de profondément humain.