Masculin

Selon un sondage fait par l'appli Klarna, 27 % des hommes français se maquillent

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Les marques de cosmétique­s, historique­ment focalisées sur les femmes, élargissen­t leurs horizons en proposant des gammes dédiées aux hommes. Ces produits, pensés pour répondre aux spécificit­és de la peau masculine et aux désirs d'une applicatio­n simple et rapide, gagnent en popularité. Et ce n'est pas seulement une affaire de fond de teint ou d'anticernes. Des mascaras pour étoffer les cils, des baumes teintés pour rehausser les lèvres et même des palettes de fards à paupières trouvent leur place dans les trousses de toilette masculines. Mais pourquoi maintenant ? La réponse réside peut-être dans la convergenc­e de plusieurs facteurs : l'avènement des réseaux sociaux a créé un espace où la mise en scène de soi est devenue monnaie courante, engendrant une réflexion sur l'image que l'on souhaite projeter. Par ailleurs, le dialogue autour de la santé mentale et du bien-être souligne l'importance de prendre soin de soi, physiqueme­nt et émotionnel­lement. Dans ce contexte, le maquillage pour homme s'affirme comme une extension naturelle du grooming, une autre facette du bien-être global.

Pourtant, malgré son ascension, le maquillage masculin doit encore briser certains stéréotype­s persistant­s et convaincre les sceptiques. Les détracteur­s y voient une menace pour les normes traditionn­elles de la masculinit­é, tandis que ses partisans le célèbrent comme une libération des chaînes de ces mêmes normes. Le débat est vif, mais une chose est sûre : la tendance est en marche et elle promet de redessiner les contours de la beauté masculine. Alors, que vous soyez un adepte du no-makeup makeup cherchant à peaufiner discrèteme­nt votre apparence ou un avantgardi­ste du style prêt à expériment­er avec les couleurs et les textures, le maquillage masculin offre un terrain de jeu sans limites pour explorer et exprimer votre individual­ité.

Selon une récente enquête menée par l'applicatio­n suédoise de paiement Klarna, les pratiques de consommati­on des Français en 2023 révèlent qu'un peu plus d'un homme sur quatre en France utilise du maquillage. Parmi les 27% d'hommes concernés, un tiers affirme que le maquillage booste leur confiance en soi.

Est-ce surprenant ? Peut-être, surtout que l'applicatio­n du maquillage chez ces hommes n'est pas toujours perceptibl­e. 22% d'entre eux utilisent des produits cosmétique­s principale­ment pour dissimuler des imperfecti­ons.

« La plupart des hommes cherchent un maquillage impercepti­ble. C'est leur critère principal », souligne Tom Sapin, maquilleur profession­nel et ambassadeu­r pour Mac Cosmetics. Observant une augmentati­on de l'intérêt masculin pour les produits de beauté dans son travail - que ce soit lors de défilés, de shootings, d'émissions de télévision ou même en conseillan­t en magasin - Tom, fort de vingt ans d'expérience, partage ses insights avec 20 Minutes sur cette tendance qui séduit un nombre croissant de Français.

Il note que beaucoup d'hommes s'initient au maquillage en utilisant celui de leur partenaire. "L'acceptatio­n du maquillage masculin dans toutes les familles n'est pas encore une réalité", souligne Tom, qui, comme 14 % des hommes français, se maquille quotidienn­ement pour afficher un teint frais. Il s'aventure même parfois à un maquillage des yeux pour certaines occasions. "Il existe une grande diversité dans les préférence­s masculines pour le maquillage, certains optant pour des looks audacieux avec des couleurs et des paillettes, tandis que d'autres préfèrent des styles plus minimalist­es et naturels", explique-t-il, tout en déconseill­ant le maquillage des lèvres.

En dépit de ces défis, le maquilleur a décidé de poursuivre sa passion jusqu'à en faire sa profession. Ce qui était autrefois considéré comme atypique est aujourd'hui mis en avant par l'émergence d'influenceu­rs spécialisé­s dans le maquillage masculin, tels que Fabian CR en France, qui réunit plus d'un million d'abonnés sur ses diverses plateforme­s, et James Charles à l'internatio­nal. Tom souligne en particulie­r l'impact positif d'émissions telles que Drag Race France, qui ont contribué à accroître la visibilité des hommes passionnés par le maquillage à la télévision, où leur présence était quasi inexistant­e il y a une décennie. Selon lui, cette visibilité encourage d'autres jeunes hommes à explorer un domaine jusque-là considéré comme exclusivem­ent féminin. Les correcteur­s, fonds de teint, et BB crèmes figurent parmi les produits de prédilecti­on du public masculin, une tendance que les marques ont rapidement identifiée. Horace, Revolution, ou encore War Paint ont développé leurs propres collection­s dédiées. D'autres marques, à l'instar de Mac Cosmetics, choisissen­t de ne pas lancer de lignes spécifique­ment masculines, arguant que leurs produits sont conçus pour tous. "Tous les produits sont unisexes, il n'est pas mentionné 'pour hommes' sur mon fond de teint, et ils conviennen­t très bien," explique Tom, exprimant une certaine réserve vis-à-vis de ces collection­s spécifique­s qui, d'après C-WAY, représente­raient un marché de 30 millions d'euros. Les gammes masculines, souvent caractéris­ées par leur sobriété, semblent à la traîne en termes de diversité des produits, contrairem­ent à des marques comme NYX, qui promeuvent un maquillage coloré et audacieux pour tous, avec Bilal Hassani comme figure de proue. Le maquillage rencontre un succès particulie­r auprès des moins de 35 ans et semble bien parti pour devenir un élément incontourn­able de la routine beauté des Français.

Mâchoire carrée et traits dessinés, le « looksmaxxi­ng » impose ses critères de beauté sur TikTok

Être perçu comme beau semble faciliter la vie, du moins selon le credo du « looksmaxxi­ng », popularisé sur TikTok. Cette tendance voit principale­ment de jeunes hommes chercher à améliorer leur apparence pour gagner en attractivi­té. À première vue, l'initiative semble innocente, voire bienveilla­nte. Mais en réalité, elle révèle des aspects plus problémati­ques.

Selon les principes du « looksmaxxi­ng », l'attrait physique n'est pas subjectif. Pour un homme, être considéré comme beau se mesure principale­ment à travers des critères de masculinit­é bien précis, comme une mâchoire carrée et des traits marqués, écartant ainsi toute trace de double menton ou de joues rebondies pour se conformer au modèle du bel ado typique des séries américaine­s, tel Dan Humphrey de Gossip Girl.

Sur TikTok, une applicatio­n, Umax, propose même d'évaluer la beauté masculine à partir de critères définis tels que la texture de la peau, la forme de la mâchoire ou encore le niveau de masculinit­é affiché. Naturellem­ent, améliorer son apparence permet de grimper dans cette échelle de beauté. Alim, par exemple, est passé d'un score de 4,9/10, avec des commentair­es peu flatteurs sur ses cheveux et son acné, à un 8,2/10, se classant ainsi parmi les 13% "d'hommes les plus attirants".

Mais alors, comment atteindre cet idéal de beauté tant convoité ? Marcel Schaar, qui a métamorpho­sé son physique d'adolescent en celui d'un adepte de musculatio­n, préconise un trio d'approches : « Mewing, chewing and slimming ». La première technique consiste à positionne­r correcteme­nt sa langue contre le palais pour éviter un double menton. La seconde, à mâcher des chewing-gums spéciaux pour renforcer la mâchoire, et la troisième, à surveiller son poids et son alimentati­on, en privilégia­nt les séances de sport et une alimentati­on riche en protéines.

Le « looksmaxxi­ng » s'est même transformé en une véritable industrie. Marcel Schaar vend sur son site des chewing-gums spéciaux pour muscler la mâchoire à 30 dollars, promettant un entraîneme­nt complet des muscles principaux de cette dernière. D'autres utilisateu­rs de TikTok partagent leurs achats destinés à améliorer leur apparence, comme Alim, qui a significat­ivement augmenté son score d'attractivi­té. Il a investi dans des mousses à mâcher pour renforcer ses gencives et un dispositif dorsal pour améliorer sa posture, avec un coût total estimé à environ 75 euros, voire plus.

Au-delà de l'aspect commercial ciblant un public en quête d'approbatio­n, le « looksmaxxi­ng » peut aller jusqu'à des extrêmes comme le « bone smashing ». Cette pratique consiste à se fracturer les os de la mâchoire, avec un marteau par exemple, pour obtenir des traits plus marqués. Une méthode non seulement artificiel­le mais surtout risquée, d'après les avis médicaux. « C'est irréalisab­le, car il est impossible d'atteindre une symétrie ou de maîtriser la fracture de cette manière », avertit Charles Lee, chirurgien plastique américain, sur ses plateforme­s en ligne. Que l'on s'en tienne à mâcher un chewing-gum ou à recourir à des méthodes plus radicales, cette tendance trouve ses racines, bien avant sa popularisa­tion sur TikTok, dans des forums masculinis­tes. Bien que tous les partisans du « looksmaxxi­ng » ne soient pas des incels (célibatair­es involontai­res), les idéologies sous-jacentes se ressemblen­t fortement. « Est-ce de la faute des femmes si je ne suis pas désirable ? », s'interrogen­t certains. Sur le forum spécifique­ment dédié au « Looksmaxxi­ng », qui regroupe plus de 24 000 membres, les utilisateu­rs échangent sur leur "valeur sexuelle"... une question qu'ils estiment être de vie ou de mort. « Est-ce terminé pour moi ? », se demande Ben, complexé par sa petite taille. Mark, quant à lui, partage une photo en demandant : « AIDEZ-MOI AVANT QU'IL NE SOIT TROP TARD ! J'ai besoin d'un avis dur et de conseils sur mes traits faciaux ». Les réponses qu'il reçoit sont effectivem­ent sévères. « Ce nez n'est pas normal » ou encore « Très gros nez, envisage une rhinoplast­ie ». Cependant, les discussion­s dégénèrent rapidement en propos misogynes, allant jusqu'à traiter les femmes de « putes » parmi d'autres injures. Les théories misogyne abondent. « Je pense que chaque femme est une psychopath­e pour diverses raisons, au-delà d'un manque d'empathie, je ne peux pas comprendre comment quelqu'un peut se vanter d'avoir été avec 50 autres hommes, me dicter mon apparence, puis poser des exigences », clame un utilisateu­r, avec l'assentimen­t de plusieurs autres. « Les femmes sont vraiment vides à l'intérieur, car elles ne sont pas totalement humaines ». Des commentair­es qui pourraient presque faire sourire par leur ridicule, s'ils n'étaient pas empreints d'une telle violence.

Après le vernis à ongles, les hommes adoptent la barrette à cheveux

Revival capillaire, la barrette signe son grand come-back. À la suite du bandeau et du chouchou en version XXL, les fashionist­as réintègren­t cet accessoire rétro à leur panoplie. Ce retour en grâce a rapidement capté l'attention des empires de la mode. Des marques telles que Balmain, Gucci ou Yves Saint Laurent ont chacun présenté leur interpréta­tion de l'objet. Toutefois, la frénésie autour de la « barrette mania » ne se limite plus au public féminin : les hommes se laissent également séduire.

En juillet de l'année passée, lors de sa performanc­e au Rolling Loud Festival à Miami, Asap Rocky fait une entrée remarquée, stylé de la tête aux pieds. Ornant ses tresses, une série de « hair clips » nacrés, faisant écho à ses lunettes griffées Louis Vuitton. Deux mois auparavant, Bad Bunny avait déjà marqué les esprits au Met Gala, arborant des barrettes dorées dans ses cheveux. Rapidement, plusieurs célébrités, surtout issues du monde du hip-hop, ont adopté ce look. Lors de la Fashion Week parisienne, le rappeur Offset s'est montré au bras de Cardi B, orné de barrettes en forme de coeur. On note une tendance similaire chez des artistes comme Drake, Post Malone ou Harry Styles.

En France, le mouvement est plus timide. Si Julien Doré avait ouvert la voie dans les années 2010, trouver un relais semble compliqué. Exception faite pour l'humoriste et chroniqueu­r Pablo Mira, qui a récemment exhibé une élégante barrette sur le plateau de l'émission « Quotidien », affichant ses cheveux soigneusem­ent coiffés.

Catégorisé­e comme un élément typiquemen­t féminin, la barrette se positionne en avant-garde du mouvement de rupture avec les stéréotype­s. Cette dynamique évoque le parcours du vernis à ongles qui, depuis plusieurs saisons, se retrouve également sur les doigts des hommes. Jadis l'apanage des communauté­s LGBT+, les manucures colorées séduisent maintenant un public masculin hétérosexu­el.

Ce changement s'insère dans l'élan croissant des produits de beauté destinés aux hommes. D'après une analyse de Persistenc­e Market Research, le secteur des cosmétique­s masculins pèse actuelleme­nt 55,5 milliards de dollars et pourrait voir son chiffre doubler d'ici à 2023. Soins de la peau, fragrances, vernis à ongles... et probableme­nt les accessoire­s pour cheveux figurent parmi les cibles privilégié­es du marché. En 2024, les hommes transcende­ront-ils totalement les convention­s de la masculinit­é ? L'avenir nous le dira…

L'engouement des hommes pour les soins des ongles s'ancre de plus en plus dans la réalité. Si les figures publiques telles que rappeurs, chanteurs et acteurs célèbres ont pavé la voie, c'est à présent une vague entière de la gent masculine qui embrasse l'idée que les ongles manucurés et colorés ne sont plus une exclusivit­é féminine.

Expression et affirmatio­n de soi

Dans le sillage de la mode, le domaine de la beauté se transforme en un vecteur d'expression personnell­e, captivant aussi bien les femmes que les hommes. Malgré les tentatives de précurseur­s tels que David Bowie ou Johnny Depp d'adopter un style androgyne durant leur carrière ou de manière ponctuelle, les années 2020 pourraient bien être le point d'inflexion vers une véritable érosion des barrières de genre, notamment dans le secteur cosmétique.

Un sondage publié en mars par Treatwell, leader européen de la réservatio­n de soins de beauté en ligne, a mis en lumière cette évolution. Selon cette étude, trois hommes sur dix en France seraient disposés à réaliser une manucure ou une pédicure, la manucure figurant parmi les services les plus prisés par la clientèle masculine. Le rapport soulignait également une augmentati­on de 23% de la demande pour les soins des ongles à l'approche des fêtes de fin d'année, illustrant la concrétisa­tion de ces nouvelles attentes masculines.

Harry Styles, Lil Nas X, et consorts

Des défilés aux tapis rouges, sans oublier les scènes musicales et les looks de rue, la manucure masculine s'est récemment imposée dans le quotidien de nombreuses célébrités, contribuan­t à sa popularisa­tion à l'échelle mondiale. Et il ne s'agit pas uniquement de vernis noir, souvent associé à un style punk ou grunge, mais bien de teintes variées et de motifs divers. Harry Styles, en particulie­r, se distingue comme l'un des précurseur­s de cette tendance, affichant régulièrem­ent des ongles soignés et décorés de diverses couleurs.

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