de solitude choisie... et un peu
TROP SUBIE PAR LES CONCERNÉS ?
La solitude gagne du terrain en France à l'ère du numérique
La composition des ménages français évolue. En 1975, les foyers constitués d'une seule personne représentaient 22 % du total. Ce chiffre atteint aujourd'hui 37 %, selon les données de l'Insee, et pourrait approcher les 50 % dans les prochaines décennies. À Paris, déjà 51 % des ménages sont des personnes vivant seules, et dans certains départements comme la Creuse, l'Allier et les AlpesMaritimes, ce pourcentage dépasse les 40 %, en raison notamment du vieillissement de la population.
Rémy Oudghiri, sociologue et auteur, souligne également que 50 % des Français de plus de quinze ans se disent à l'aise avec l'idée de vivre seul, un pourcentage en hausse par rapport aux 46 % d'il y a quelques années. Si la solitude était autrefois perçue négativement ou même stigmatisée, elle est aujourd'hui davantage acceptée, surtout que la vie moderne et ses obligations rendent parfois difficile le choix de ne pas vivre seul. Nos agendas surchargés et les technologies nous plongent dans un tourbillon de sollicitations incessantes.
Pourtant, malgré cette ère de connectivité permanente caractérisant la "génération réseaux sociaux", le sentiment de solitude n'a jamais été aussi prégnant. À l'ère des applications de rencontre, le nombre de célibataires augmente, et même au sein des couples, l'intimité sexuelle se fait plus rare. Rémy Oudghiri parle d'une virtualisation des relations qui s'intensifie depuis vingt ans, conduisant à une prolifération des contacts au point de saturation. Cette surabondance crée une impression de connexion avec autrui qui s'avère éphémère, entraînant une lassitude rapide et un sentiment de solitude accru. "Le défi de notre époque est notre incapacité à établir des liens durables. Nous naviguons constamment dans des relations superficielles, excitantes sur le moment mais sans ancrage dans le temps. Avec les réseaux sociaux en évolution constante et l'introduction continue de nouvelles fonctionnalités, nous faisons face à un paradoxe : la jeune génération est peut-être la plus isolée que nous ayons jamais connue."
Peut-être que l'innovation réside dans l'interprétation même du terme. Ne serait-il pas plus approprié de parler de solitudes au pluriel ? Il existe une distinction cruciale entre la solitude objective, liée à l'isolement physique, et la solitude subjective, qui relève de la perception individuelle. Tandis que la première tend à diminuer statistiquement, la seconde, au contraire, s'intensifie. L'étude s'est penchée sur ces solitudes subjectives, dressant une sorte de carte des différents états émotionnels associés. Les auteurs emploient le terme quelque peu ésotérique de « sociose » pour désigner cette maladie des liens sociaux, exacerbée par la pandémie de Covid et dont ils examinent les multiples facettes. Ils identifient des formes de solitude « épanouissantes », choisies comme moyen de reprendre contrôle sur son temps personnel, en contraste avec les solitudes « conflictuelles », ou encore celles empreintes de mélancolie, issues d'un sentiment d'inactivité, de vide, d'inutilité (souvent en lien avec un manque de sens au travail).