Qui émerge douvement
AU SEIN D’UNE SOCIÉTÉ DE PLUS EN PLUS ANXIEUSE
Adrien Broche, l'un des chercheurs, évoque le double rôle des réseaux sociaux dans ces dynamiques. « En créant des espaces de socialisation, ils servent de divertissement et procurent à leurs utilisateurs l'illusion d'une compagnie. Les résultats des enquêtes témoignent de cela : 60 % des personnes estiment qu'ils contribuent à pallier leur solitude. Cependant, la nature et la dynamique de ces plateformes ont évolué, modifiant par là même leurs impacts sur nos relations. Les premiers réseaux favorisaient les interactions directes, la connexion avec des amis et des proches ; une réalité bien différente aujourd'hui avec l'ère des stories et des shorts (vidéos partagées avec des inconnus sur ces médias modernes). Les mêmes sondés admettent que ces pratiques ne facilitent pas le dialogue ou la création de nouveaux liens, mais tendent plutôt à les isoler, à les cloîtrer.»
L'enquête tempère les louanges souvent adressées à la solitude choisie, promues tant par les courants de développement personnel que par les adeptes de la quête de temps pour soi. «Ce sont généralement les individus les moins confrontés à la réalité de la solitude qui en parlent le plus positivement.» La décision de vivre seul peut parfois s'effectuer aux dépens des relations interpersonnelles. L'acceptation que la vie de couple requiert du temps et de l'engagement, et que l'éducation des enfants est exigeante s'inscrit dans un contexte où chaque aspect de la vie est mesuré et évalué selon une logique de coût/bénéfice.
Cela influence notamment la perception de la maternité chez certaines jeunes femmes, comme l'illustre une enquête Ifop de 2022 révélant que 30 % des femmes en âge de procréer expriment le souhait de ne pas avoir d'enfants. Les raisons derrière ce choix sont variées : anxiété environnementale, retard de l'entrée dans la vie active... Mais la crainte d'un obstacle au développement personnel joue aussi un rôle notable.
L'intervention associative
Face à ces défis, certains pays, avec le Japon en précurseur, ont intégré ces questions au sein de leur agenda politique en créant un ministère dédié à la Solitude. En France, le terme privilégié est celui des « solidarités ». « Les instances gouvernementales confient le traitement de ces enjeux au secteur médico-social ou au milieu associatif », note l'analyse de 2023. Plusieurs associations, dont Les Hyper Voisins fondée il y a six ans, s'engagent pour influencer les décideurs politiques. Connue pour son organisation annuelle d'un vaste déjeuner de 1 000 personnes dans le 14e arrondissement de Paris, événement médiatisé par The New York Times, elle oeuvre à renforcer le lien social à l'échelle locale.