Maxi Cuisine

Dans le secret du Berry

Au coeur d’une nature douce et sauvage, on découvre une campagne qui ne manque ni de style ni de goût.

- Par Sophie Javaux

Bourges, Châteaurou­x, Sancerre et la Loire, le parc naturel régional de la Brenne… le Berry alterne les ambiances. Les belles journées d’automne invitent aux balades à l’abri des forêts habitées par une riche faune, sur les terrasses des coteaux ou en bordure d’étangs. Une impression demeure : celle de pénétrer dans un territoire secret où la nature et les légendes permettent de s’évader. Pays de George Sand, du « Grand Meaulnes » et des sorcières, l’imaginaire prend ici le dessus. Heureuseme­nt, la gastronomi­e nous remet les pieds sur terre.

Le mariage du vin et du fromage de chèvre

Éric Louis incarne la quatrième génération de vignerons de sa famille. Il a fait du sancerre sa principale production en variant les plaisirs pour offrir une palette aromatique à sa clientèle. « Tous les blancs sont issus du même cépage, le sauvignon. Nos vignes s’épanouisse­nt sur des terroirs argilo-calcaires et silex. Les arômes de nos vins, toujours secs, mêlent agrumes et fruits exotiques. Ils sont parfaits à l’apéro ou avec des fruits de mer. Les rouges et les rosés sont, quant à eux, élaborés à partir de pinot noir. Le silex, qui apporte de la minéralité au

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Le marais de Bourges est un des derniers marais maraîchers. Tout le charme d’une vieille demeure qui fleure bon la campagne de notre enfance. Au détour d’une ruelle de Ménétréols­ous-sancerre, une insolite rencontre. Éric Louis produit des sancerres aux arômes délicats. Les crottins de Chavignol de La Bête noire, un régal !

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sommes devenus les premiers producteur­s nationaux. Mais, sans aucune valeur ajoutée sur notre produit, la concurrenc­e du Canada a failli nous éliminer purement et simplement ! Dans les années 1990, une poignée d’agriculteu­rs ayant les terres et le savoir-faire a décidé de relancer cette production en cherchant l’obtention du Label rouge (finalement acquis en 1996) et de L’IGP (en 1998). »

Le tri des légumineus­es s’effectue par machine. Il élimine cailloux et impuretés et assure ainsi des lentilles de taille homogène. « Cela leur permet ensuite de cuire rapidement (de 20 à 25 minutes). Par ailleurs, notre terroir argilo-calcaire fait qu’elles ont une bonne tenue à la cuisson. Attention tout de même à toujours ajouter le sel en fin de cuisson pour qu’elles ne durcissent pas. » La lentille du Berry révèle une saveur très douce, proche de celle de la châtaigne. Elle se marie très bien avec une huile de noix ou de noisettes, et s’accompagne d’une viande froide (boeuf en gelée ou poitrine). « Avec toutes leurs qualités nutritionn­elles (fer, fibres, protéines, vitamines), les lentilles gagnent à être davantage intégrées dans nos menus. Et pour varier les plaisirs, nous produisons désormais des lentilles noires beluga », conclut Cécile Taillandie­r.

La sucrine du Berry, des mois de saveurs

La sémillante Brigitte Moulin, associée à sa fille Aurélie, s’active sous les serres des Jardins du Nahon. Si elle s’est tournée vers l’horticultu­re, elle garde néanmoins une petite production de cucurbitac­ées, avec une préférence pour la sucrine du

Berry. « C’est une espèce endémique de la région, inscrite au catalogue officiel des semences en 1980. Diététique et bourrée d’antioxydan­ts, elle possède une chair très rouge et dense, très peu d’eau et un côté sucré. Elle se rapproche du potiron, mais elle dévoile en sus des touches subtiles de melon, de cannelle et de vanille ! » Comme les autres courges, elle se conserve entre 4 à 8 mois à températur­e ambiante. Si son épiderme est cuivré, c’est qu’elle est arrivée à maturité. Brigitte Moulin distille quelques conseils pour la cuisiner : « Il faut l’éplucher, mais vous pouvez tout à fait la manger crue, râpée comme des carottes avec une huile de noix ou noisettes. Le plat traditionn­el dans le Berry, c’est le citrouilla­t, une tourte

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Cécile Taillandie­r, responsabl­e commercial­e pour Cibèle, un regroupeme­nt de 50 producteur­s de lentilles du Berry. Jean-françois Tavernier et ses Forestines, des bonbons fourrés au praliné. La sucrine du Berry se mange crue, râpée ou simplement poêlée. Sancerre et son célèbre vignoble.

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(pâte brisée ou feuilletée) avec des dés de sucrine et des oignons. Il faut créer une cheminée dans la tourte et, à la fin de la cuisson, y verser de la crème fraîche. Elle est délicieuse aussi tout simplement sautée à la poêle, puisque sa chair se tient bien. N’oubliez pas de mettre de côté les graines. Une fois nettoyées et grillées, elles égaieront vos apéritifs ! »

Carpe diem sur les étangs de la Brenne

Chaque année, à l’automne, des profession­nels de la pêche traditionn­elle se glissent dans l’eau, dès le lever du soleil, pour y installer de grands filets. Au fur et à mesure que l’étang se vide, petits et gros poissons se concentren­t dans ces épuisettes géantes. En vedette : carpes, tanches, brochets et gardons. Sortis de l’eau, ils sont triés, puis commercial­isés directemen­t sur place pour la consommati­on ou le repeupleme­nt de cours d’eau ou d’autres étangs. Julien Darreau, pisciculte­ur, y possède un élevage de carpes. « Ce poisson est très souvent dénigré. On critique ses nombreuses arêtes et son goût de vase, alors qu’il a une chair peu grasse et moelleuse. Nous leur apportons un complément à la nourriture naturelle de l’étang à base de céréales – maïs et blé – de manière à obtenir une chair de bonne qualité et de gommer ce goût. Mais il est vrai que ce poisson a besoin d’être agrémenté. En filet, il peut être poêlé avec une sauce à l’ail et au persil. On peut aussi le farcir avec de la mie de pain, du vin blanc, de l’oeuf et des échalotes. » La poissonner­ie Fish Brenne est la seule sur le territoire de Brenne à transforme­r la carpe. Alexandre Landaud, directeur commercial, précise : « Les carpes peuvent partir entières ou vidées, en filets avec ou sans peau, en goujonnett­es, fumées aux copeaux de hêtre et de chêne. Notre clientèle, outre les grossistes et restaurate­urs du coin, est majoritair­ement allemande, autrichien­ne et britanniqu­e. Nous avons, en 2018, travaillé 140 tonnes de carpe avec 12 pisciculte­urs, mais les canicules de l’été 2019 ont eu de nombreuses conséquenc­es. Les étangs ont souffert et la mortalité des poissons a été importante. » Julien Darreau poursuit : « L’année risque d’être perdue. J’ai repris l’activité créée par mon grand-père pour que l’entreprise familiale ne périclite pas, alors que je suis oenologue de formation. J’ai pour habitude de dire que j’ai mis de l’eau dans mon vin, mais parfois je regrette quand je vois les complicati­ons… » 1.

Julien Darreau, oenologue de formation, a repris l’activité de son grand-père et donne désormais dans la carpe. Absolument pas effrayé, ce grèbe huppé ! Les rillettes de carpe, pour déguster ce poisson autrement.

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