Maxi

Une femme engagée ‘‘J’ai décidé d’aider les mamans de prématurés’’

Pour avoir été désemparée par la naissance précoce de son enfant, Émeline offre désormais son soutien à toutes celles dont le bébé est né très en avance.

- Émeline

Ma petite Mila est arrivée plus d’un mois avant terme. Alors que cet instant aurait dû être un moment de bonheur, comme j’avais pu le vivre pour la naissance de ma fille Manon, 6 ans aujourd’hui, et de mon fils Ruben, 4 ans, j’étais bouleversé­e et inquiète : à qui parler de l’angoisse de voir ce petit corps maintenu en couveuse stérile, impossible à embrasser et serrer dans ses bras ? Mila allaitelle seulement survivre, alors qu’elle avait de surcroît une cardiopath­ie ? Quand son état s’est enfin stabilisé, les soins pendant un mois étaient permanents : il fallait sans cesse l’habiller et la déshabille­r, mais toujours sur le dos, sans jamais la retourner. Quelle grenouillè­re pouvait alors convenir ? Malgré ma « chance » qu’elle pèse un kilo neuf cents grammes, quand d’autres naissent à moins d’un kilo, la taille 00 était beaucoup trop grande pour elle, et hors de prix à acheter en puéricultu­re spécialisé­e. Je me suis sentie seule, d’autant plus seule que je m’étais séparée de mon mari pendant la grossesse. Pourtant, j’avais déjà été maman et adepte du « portage », cette façon de tenir les enfants dans une écharpe contre soi, peau contre peau. Cette technique que j’avais expériment­ée est très recommandé­e pour les prématurés. Du coup, j’étais la maman de l’étage que toutes les autres venaient voir dès que leur bébé n’était plus en milieu stérile, des mamans encore plus désemparée­s que moi : « Comment je fais pour nouer l’écharpe ? Et dans quel sens je mets le bébé ? » Je conseillai­s du mieux que je pouvais, même si je n’en menais pas large moi-même. Alors, je me suis dit : « Je dois monter des ateliers portage. » Puis la vie m’a rattrapée, pas toujours simple après une séparation et avec trois enfants, dont une toute petite fille dont la santé m’obligeait à faire des allers-retours à l’hôpital pour les contrôles. Quand les choses se sont stabilisée­s, j’ai pu suivre une formation de portage de l’AFPB*, associatio­n reconnue par les hôpitaux. J’ai fait deux sessions de trois jours, ce qui impliquait d’aller à Lyon alors que j’habite Antibes, mais il me semblait que c’était mon de- voir. Mon ex-mari a gardé mes deux aînés tandis que j’emmenais Mila, bienvenue sur place puisqu’idéale pour les travaux pratiques. J’avais l’impression de reprendre des études, proches du secteur médical qui m’a toujours intéressée et du milieu des enfants qui me passionne. Je suis en effet professeur des écoles à mi-temps, spécialisé­e enfants malades, handicapés ou à difficulté­s comporteme­ntales. J’ai donc appris les bons gestes pour pouvoir les transmettr­e, ainsi que des notions de physiologi­e. Un an après la naissance de Mila, j’ai déposé les statuts de l’associatio­n A Bras Cadabra**. J’ai décidé que mes ateliers dans les services de néonatolog­ie seraient gratuits… si l’on voulait bien de moi. Je n’ai eu aucun mal à persuader les directions des hôpitaux de ma région de l’utilité de mes services, sachant que je ne voulais tirer aucun profit de la détresse des mamans de prématurés. Je me suis rendue disponible pour toutes celles qui en avaient besoin, et leur ai laissé mes coordonnée­s. Se sentir épaulée en a déjà aidé quelques-unes qui, une fois tirées d’affaire, n’ont eu qu’une envie, comme mes précieuses

J’ai proposé gratuiteme­nt mon aide dans les services de néonatolog­ie

amies : créer une chaîne de solidarité, si possible un jour à travers toute la France. Une autre idée m’est vite apparue sur le terrain : créer des vêtements de taille adaptée, qui faisaient tant défaut, et des écharpes en tissu sans allergènes ni produits chimiques. Mon amie Isabelle, qui a un site de vente de tissus, m’a généreusem­ent donné les chutes et coupons en matière jersey. Et je me suis mise au travail assez facilement, car j’avais eu le temps d’apprendre à coudre lors de mes premières grossesses qui m’avaient obligée à demeurer chez moi. Confection de patrons, couture, fabricatio­n de bonnets adaptés à la taille des crânes de ces tout petits bébés, doudous à suçoter pour développer le réflexe de succion chez ces nourrisson­s alimentés par sonde, brassières qui s’ouvrent par-devant, chaussons et bavoirs de taille « micro »… j’ai pensé à tout. Des petites mains se sont portées volontaire­s dans mon entourage, mais aussi dans le reste de la France : je peux leur envoyer les coupons à façonner afin d’offrir leurs créations plus tard, gracieusem­ent, lors des fêtes comme Noël ou la fête des Mères. Autre but ? Que l’activité se développe et qu’un peu d’argent entre dans les caisses grâce aux partenaire­s, comme ce chocolatie­r qui nous a donné des lots pour une chasse aux oeufs. Un jour, peut-être –ce serait mon rêve le plus fou–, A Bras Cadabra sera

présentmon activité dans principale­toute la France.car rien J’en ne ferais m’est alors plus précieux, même si mes journées se finissent à minuit et que je ne connais ni horaire ni jour férié ! Quand je vois Mila très en forme, je me dis qu’il est de mon devoir de donner de la force et du courage aux autres !

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