Maxi

‘‘J’ai triomphé de mes larmes en aidant les autres’’

Après avoir subi un grave traumatism­e, Nancy, mère de 6 enfants, ne cesse de s’investir dans des oeuvres caritative­s. Se montrer solidaire et positive lui a permis de triompher des larmes.

- Nancy

Les valeurs que j’ai reçues de mes parents ont fait de moi la femme que je suis. J’ai grandi en Côte-d’Ivoire et c’est un pays où la fraternité, le partage et la solidarité sont comme une seconde nature ; c’est une question d’éducation et de culture. Je me souviens quand j’étais petite, à l’école, je donnais mes cahiers et mes crayons aux enfants qui n’avaient rien parce que je savais que mes parents, eux, avaient de quoi m’en racheter d’autres. Je n’ai jamais supporté les inégalités. J’ai grandi dans un climat de paix et mon père m’a appris une chose importante dans la vie, il disait : « Ne t’endors jamais sur ta colère. » Combien de fois je me suis répété ses paroles pour faire face à la tragédie qui a suivi… En 2011, la guerre sévissait déjà depuis des années en Côte-d’Ivoire, cela faisait quelques années après mon mariage et mes études que j’étais venue m’installer près de Bordeaux où je travaille. Lorsque j’ai appris que mon village d’origine venait d’être déci- mé et que j’y avais perdu 19 membres de ma famille dont des cousins, des frères et soeurs et mon cher papa, le choc a été tel que j’ai compris qu’il faudrait coûte que coûte dépasser ma rage et mon chagrin pour continuer à vivre. J’ai pensé à mon père, très fort, et je me suis dit que lui aurait eu le coeur assez grand pour pardonner… J’avais la chance inouïe d’être en vie et je ne pouvais pas rester là à m’apitoyer sur mon sort. C’était aussi mon devoir de mère : qu’allais-je léguer à mes six enfants si je me laissais aller à la vengeance et au chagrin ? C’était mon rôle à présent de transmettr­e cette force de vie que mon père avait en lui et de partager cette joie de vivre avec ceux que j’aime, quoi qu’il arrive. Tous ces mots d’amour et ces images de bonheur d’enfance m’ont portée. Je me suis promis d’être heureuse et la seule façon d’y parvenir pour moi, ce serait d’aider les autres. J’exerce pourtant un métier difficile, mais il me permet de me sentir utile. Depuis quinze ans, je suis surveillan­te pénitentia­ire. Ne jamais juger, traiter les gens sur un pied d’égalité, comprendre la colère, la douleur, la tristesse, c’est un devoir pour moi, en mémoire de ceux qui m’ont donné la chance d’être aimée. C’est ainsi que je raisonne et que je vois la vie. En parallèle de mon métier et de mon rôle de maman, j’ai toujours donné de mon temps pour aider les plus démunis. C’est gratuit et pourtant ça vaut tout l’or du monde ! Au départ, dans mon quartier, j’invitais les mamans de l’école à prendre le café pour se rencontrer, créer du lien social, apprendre à s’entraider. Il y a beaucoup de mixité là où je vis et je trouvais important que l’on soit solidaires pour mieux vivre ensemble. Les gens ne demandent que ça en réalité ! Il suffit d’un sourire et d’une petite fête pour briser la glace… Un jour, j’ai organisé un repas dans la cité pour faire connaissan­ce, chacun a mis la main à la pâte et nous nous sommes retrouvés à 400 personnes ! Le maire de notre commune est venu me voir pour me remercier et il m’a dit : « Nancy, c’est formidable, on a besoin de gens comme vous ! » En plus des mercredis où j’organisais les repas avec les mamans pour échanger des services, j’ai aidé à mettre en place des séjours pour les enfants qui n’avaient jamais vu la neige. J’ai aussi aidé des couples

J’avais eu la chance de rester en vie, je ne pouvais pas m’apitoyer sur mon sort

en difficulté à régler leurs conflits plutôt que de s’enfermer dans les violences conjugales. Les habitants du quartier me connaissen­t bien et savent que je suis là pour eux à n’importe quel moment ! C’est cet esprit-là que je souhaite cultiver et faire fonctionne­r à mon petit niveau, dans notre quartier du Bouscat, en Gironde. Depuis, j’ai fondé ma propre associatio­n, tournée vers l’améliorati­on de la vie en communauté et je vais lire des contes dans les écoles. Avec ma fille et ma nièce, on part chanter du gospel dans les maisons de retraite. Toutes ces petites choses presque anodines créent du lien et aident à se sentir mieux ensemble. À quoi bon rester dans son coin ? Elles sont perdues si on ne les partage pas. J’ai élevé mes enfants avec les valeurs que j’ai reçues et ils m’aident de bon coeur durant les soirées de gala que j’organise. Cela me fait chaud au coeur de me dire que la relève est assurée ! Je me souviens d’une rentrée scolaire où l’un de mes fils est revenu à la maison avec des chaussures usées qui n’étaient pas les siennes. Ses baskets toutes neuves, il les avait données à un copain dont les parents n’avaient pas les moyens. Cela m’a rappelé ce que je faisais à son âge. Aujourd’hui, grâce à la création d’un collectif, je souhaite sensibilis­er les conscience­s et aller toujours plus loin dans l’entraide. Je rêve de rassembler toutes les femmes qui veulent changer le monde en partageant leurs valeurs et en unissant leur savoir-faire ! Les expérience­s que j’ai vécues m’ont appris la chance que l’on avait d’être en vie. On peut se remettre de tout en ouvrant son coeur. Mon bonheur est dans le regard de ceux que j’aide et, jusqu’au bout, je n’aurai qu’un seul souhait : le partager. Pour que le sourire triomphe à jamais des larmes…

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