Maxi

3 questions à

- Chantal Pironi, psychanaly­ste et psychothér­apeute*

Que pensez-vous de l’adage « toute vérité n’est pas bonne à dire » ?

Je suis d’accord ! Il faut savoir se protéger soi-même. Il faut aussi s’exercer à l’empathie. Certaines informatio­ns sont plus blessantes qu’éclairante­s, d’autres peuvent être délivrées au mauvais moment. D’autres encore sont à exprimer plus tard, quand la personne est prête à les recevoir et qu’elle en exprime, à sa façon, le désir. Dévoilés de manière prématurée, certains non-dits peuvent causer des blessures, occasionne­r des brouilles.

Il ne faut pas non plus oublier que notre « vérité » peut aussi n’être qu’une projection de notre inquiétude, de notre désir, de notre grille de lecture, de nos valeurs. Il faut aussi distinguer la « vérité » du jugement. Dire à une personne ce que l’on pense de son conjoint, de son look ou de la manière dont elle éduque ses enfants, relève du jugement. Sauf si cette personne sollicite absolument notre avis.

Comment exprimer au mieux les choses ?

Il est important de réfléchir aux mots que l’on va utiliser et de se poser des questions sur ce que l’autre peut et veut entendre. D’où l’intérêt de le sonder, avec délicatess­e, en tendant des perches. Si l’on sent une résistance ou une incompréhe­nsion, mieux vaut évidemment s’abstenir de lui faire part de nos informatio­ns. La franchise n’a pas à être « cash », la brutalité n’est pas légitime. Au contraire ! Plus on est franc, plus on doit être attentif à l’autre, délicat, empathique. Ou alors cela signifie que l’on a des comptes à régler. Ou tout simplement que l’on est débordé émotionnel­lement, d’où l’intérêt de prendre du temps pour réfléchir à la façon dont on va s’y prendre pour dire ce que l’on a sur le coeur. Il ne s’agit pas d’édulcorer pour fuir le conflit ou l’inconfort, mais de rendre la franchise profitable pour tous. Elle ne doit pas blesser celui qui la reçoit.

Sinon, on doit s’en expliquer, voire s’en excuser.

Que faire lorsque notre interlocut­eur prend très mal notre franchise ?

Il est essentiel de prendre sa part de responsabi­lité avant de l’accuser de susceptibi­lité excessive ou de déni. Si l’on a l’impression que l’on a été maladroit ou trop brutal, il vaut mieux le dire, de vive voix ou par écrit à celui qui s’est senti blessé. Cette posture, adulte et responsabl­e, est respectueu­se envers l’autre, et aussi envers soi-même. Il appartient à la personne blessée de mettre le temps qu’il faut pour rétablir le dialogue. Ce temps est celui de la digestion des informatio­ns qui ont choqué et blessé son amour-propre. À cet égard, la durée de convalesce­nce diffère d’une personne à l’autre, il faut le respecter. Il arrive aussi que le reproche de brutalité ou d’intrusion ne soit pas vraiment fondé, mais qu’il s’agisse d’un prétexte pour suspendre ou rompre une relation. Cela indique alors que la relation n’était pas en bonne santé. *Spécialisé­e, entre autres, dans les difficulté­s de communicat­ion.

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