‘‘Nous avons repris l’entreprise et ça marche !’’
Marie-Ange faisait partie de la soixantaine d’employés à qui l’on a annoncé la liquidation de son entreprise. Loin de baisser les bras, ils ont repris le flambeau et retrouvé le sourire.
Lorsqu’on nous a annoncé la liquidation judiciaire, mes collègues et moi n’avons pas été très surpris : l’entreprise appartenait à un groupe étranger et était dirigée par des gens ne s’inquiétant ni de la diminution du volume de commandes ni de nos difficultés à payer nos fournisseurs. Quand je suis rentrée à la maison, j’ai dit à mon mari, Stéphane : « Voilà, c’est fait ! Maintenant nous n’avons aucune idée de ce qui va advenir… » Tous les employés étaient dans la même incertitude que moi. Chez nous, on pouvait encore s’en sortir avec un seul salaire, mais nous habitions la même maison depuis dix ans et n’avions aucune envie de déménager, d’autant que mon compagnon a un emploi stable dans une base aérienne de la région. Quelques collègues ont choisi de bouger, moins installés dans la vie, d’autres de prendre leur retraite, mais moi ? À 45 ans, il était un peu tôt et j’aimais mon travail de secrétaire comptable dans cette société qui vend des clôtures et des portails métalliques. J’étais bien loin d’imaginer que j’allais y découvrir bien d’autres métiers… L’embellie est venue de notre directeur de production et des achats, Mathieu Escudié. Il nous a tous convoqués pour nous proposer de reprendre l’entreprise en SCOP (Société coopérative de production). Il fallait pour cela que l’on verse nos primes de licenciement et une petite participation personnelle d’au moins 1000 euros, avec l’aide de la Région et de Pôle emploi, investissant de leur côté. En échange, nous aurions une participation aux bénéfices proportionnelle à notre investissement. Il nous a tellement bien expliqué les choses qu’après trois réunions, nous n’avions plus de questions. Stéphane m’a tout de suite dit : « Fonce ! Il n’y a pas d’autre choix ! » Parce que même si nous étions rachetés, rien ne garantissait que les employés seraient gardés et que l’entreprise ne serait pas délocalisée. Au réfectoire, on ne parlait plus que de cela entre nous et, à part la petite dizaine des soixantedix employés qui préféraient partir, on s’est tous laissé gagner par l’enthousiasme. Un véritable élan de motivation nous a alors portés, qui n’est pas encore retombé : le bonheur et l’envie de travailler pour nous. La création officielle d’Eurofence a eu lieu le 8 décembre, alors que la liquidation judiciaire a été prononcée le 1er du mois, sans faire pleurer personne. Trois millions trois cent mille euros avaient pu être réunis grâce à la mobilisation de chacun, de notre équipe de direction et des pouvoirs publics notamment. J’ai de nouvelles responsabilités puisque je m’occupe désormais de la relance clients et de la gestion des achats, en plus de la comptabilité ordinaire et de l’accueil. Au départ, on a dû donner un grand coup de collier, mais tout le monde arrivait le matin avec le sourire ! Et les résultats ne se sont pas fait attendre. Nos clients habituels ont été formidables, parce que notre courageuse
Fini le chacun pour soi : maintenant, nous sommes tous solidaires !
initiative les a épatés ! Pour avoir une gestion prudente, nous n’avons pas réembauché tout de suite, mais le carnet de commandes rempli en hiver, alors qu’il diminue habituellement, a permis de signer cinq CDD. L’ambition, c’est de pouvoir proposer prochainement des nouveaux produits et d’investir dans du matériel pour les ateliers. Stéphane, mon mari, est fier de moi et mon fils Maxime, 20 ans, est doublement reconnaissant, parce qu’il a pu obtenir un CDD à la plastification des clôtures et portails. Mais attention, dans le système de la SCOP, il reste une hiérarchie et les employés ne décident pas tout. Simplement, il y a un conseil d’administration, où je siège, ainsi que des assemblées générales qui permettent à chacun de voter pour ou contre les décisions en cours. La différence, en dehors des sourires qui fleurissent sur les visages, c’est qu’il y a une entraide. Fini le chacun pour soi : si je cherche un dossier et qu’un collègue a cinq minutes, il me prête main-forte. Maintenant nous sommes tous solidaires !