Maxi

Exceptionn­el !

Des témoignage­s très émouvants Julie, Marie-Ange, Valérie, Caroline… vous racontent leurs histoires formidable­s

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Carmela est un bébé plein de surprises, même son arrivée n’était pas prévue ! Après deux interventi­ons relatives à une endométrio­se, les médecins avaient été très clairs avec moi : à 27 ans, la joie d’être maman, je ne l’aurai pas une seconde fois. Si bien que nous pensions, mon mari et moi, que Lorenzo resterait fils unique. Cela nous peinait d’autant plus qu’il nous réclamait souvent un petit frère ou une petite soeur… C’est dire si la nouvelle de cette grossesse fut pour nous tous une très belle surprise ! Durant ces neuf mois, tout s’est déroulé sans encombres, rien à signaler aux échographi­es et j’ai même travaillé jusqu’au terme de ma grossesse. À la naissance, les examens à la maternité étaient parfaits, eux aussi. Pourtant, notre bébé avait une parti- cularité qui nous échappait… Malgré tout, je me rendais bien compte que lorsque j’allaitais Carmela, elle ne me fixait pas comme son grand frère le faisait au même âge. Lorsque j’en ai parlé au pédiatre, il nous a dit que Carmela avait sûrement besoin de lunettes pour corriger son strabisme. Ce qu’elle a eu dès le troisième mois, seulement cela n’y changeait rien et je n’étais pas tranquille… J’avais besoin d’en avoir le coeur net. C’était plus fort que moi : j’avais cette intuition, ce pressentim­ent qui me disait d’aller plus loin pour en savoir plus. J’ai fini par prendre un rendez-vous à l’hôpital Necker, à Paris. Nous n’étions pas plus avancés, Carmela attrapait les objets, mais ne fixait pas. Un deuxième rendez-vous s’est imposé pour suivre des examens plus approfondi­s. L’IRM du cerveau a permis d’écarter un grand nombre de pistes, mais il fallait patienter de très longues semaines avant d’avoir les résultats de l’ERG, cet examen qui consiste à envoyer des flashs très puissants dans la rétine. Carmela allait sur ses 9 mois, je n’en pouvais plus d’attendre et de ne pas savoir, si bien que j’ai fait des pieds et des mains pour prendre un second avis dans un autre grand établissem­ent parisien. La réponse de la spécialist­e, cette fois, a été immédiate et sans appel : « Votre fille n’a aucune acuité visuelle… En d’autres mots, je pense que votre bébé ne voit pas, pas du tout. » Les tests de vision ont confirmé la cécité totale de notre fille. Nous étions là, devant elle, le coeur brisé, assommés, impuissant­s… Et je n’avais aucune idée de ce qu’il fallait faire. Pour toute réponse à ce moment-là, on nous a dit : « Appelez des centres. » Mais quels

centres ? Pour quoi faire ? Je ne savais rien : comment vit-on au quotidien avec un bébé non voyant ? Devais-je retourner travailler ? Fallait-il que Carmela aille dans un lieu spécialisé ? Comment allait-elle apprendre à manger, à marcher ? Tout était soudain si plein d’inconnu. Nous avions beau avoir des amis qui nous disaient « Je comprends », « T’inquiète pas, ça va aller », cela ne nous aidait pas. Le handicap, quel qu’il soit, c’est avant tout un énorme point d’interrogat­ion et tant qu’on ne le vit pas, on ne sait rien !

Une chose était sûre : Carmela n’y était pour rien, nous non plus, et nos larmes ou notre colère devant tant d’injustice n’y changeraie­nt rien…

Quand on me dit : « Mais comment tu fais Julie ? », je réponds que, comme tous les parents confrontés à ce type d’épreuve, je n’ai d’autre choix que d’avancer. Il faut dépasser ses peurs, ses angoisses, sa souffrance et aller de l’avant. Je n’ai pas le temps de m’apitoyer et mon mari non plus, car Carmela nous propulse sans cesse dans le tourbillon de la vie. Je me dois donc d’être forte : une maman, ça s’adapte à tous les milieux, comme une louve, c’est une question d’instinct et de survie. Pour moi, Carmela n’est pas une enfant handicapée, c’est une petite fille qui perçoit les choses autrement, c’est tout. Je refuse de changer, d’être une autre mère que celle que je suis avec Lorenzo. Ma fille, je la gronde, je la punis si elle fait des bêtises. Je veux que mes enfants jouent ensemble et se chamaillen­t comme le font tous les frères et soeurs. Je refuse de la surprotége­r. D’ailleurs, c’est ce qui la fait évoluer… Les profession­nels du centre, dans l’Essonne, où je l’emmène deux à trois fois par semaine, aident beaucoup Carmela dans l’acquisitio­n de cette autonomie. Bien sûr, c’est beaucoup de temps et d’énergie de faire 300 km à chaque fois, mais nous n’avons pas de centre dans l’Yonne, où nous vivons ! Et priver Carmela de tous ces progrès et de ces découverte­s-là, je ne le pourrais pas ! Quand je vois le résultat des séances de psychomotr­icité, cela n’a pas de prix. C’est fabuleux et tellement émouvant. À 2 ans et demi aujourd’hui, notre fille se débrouille admirablem­ent pour son âge. Il faut la voir se déplacer dans la maison, dont elle connaît par coeur chaque recoin, ramasser un objet qu’elle vient de faire tomber, tourner la tête vers la personne à qui elle s’adresse… C’est bluffant ! Ce que Carmela préfère, c’est jouer avec ses deux plus fidèles amis, Titi, son petit chiot, et Minette, son vrai chat-doudou avec lequel elle dort ! Les animaux ont un amour fou pour elle, ils l’accompagne­nt partout et ils ressentent ses besoins. Ses peluches vivantes lui donnent une telle confiance pour aller vers le monde extérieur ! C’est formidable de voir les choses se faire si naturellem­ent entre eux… Lorsque les spécialist­es me disent que j’ai une petite fille exceptionn­elle qui progresse très vite, bien sûr, ils prêchent une convaincue, mais cela me fait tant de bien et m’apaise pour son avenir. Aujourd’hui, Carmela va en crèche plusieurs matinées par semaine. Le contact avec les autres enfants est primordial, car, elle a beau être non voyante, c’est aussi une petite fille comme les autres ! Elle chante et elle danse ; elle écoute en boucle l’album de La Belle et la Bête ; elle adore lorsque son grand frère lui lit des histoires ; elle grimpe sur le canapé et joue les intrépides. C’est une enfant qui respire la joie de vivre et son sourire nous comble de bonheur ! Bien sûr, tout n’est pas rose, il m’arrive de temps à autre d’avoir des coups de blues, de me dire que ma fille ne verra jamais la couleur du ciel, mais ça, ce sont des considérat­ions de personnes qui voient ! Carmela ne se pose pas la question, elle est née comme ça, et surtout elle voit bien d’autres choses que nous… Elle voit avec les yeux du coeur.

Je refuse de la surprotége­r. D’ailleurs, c’est ce qui la fait évoluer…

Souvent, on me demande ce qui fait que ça marche chez nous. Il n’y a pas de recette miracle ! C’est l’union, l’amour ressenti au quotidien qui nous porte et nous permet d’avancer tous ensemble. Il y a encore un certain nombre d’étapes à franchir, mais une fois que la machine de cette nouvelle vie sera bien rodée, ça roulera tout seul ! La différence de Carmela ne nous empêchera pas de vivre et d’être heureux tous les quatre. Jamais. Julie

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 ??  ?? Julie et la petite Carmela feuillette­nt un album, preuve que le handicap ne les empêche pas de vivre normalemen­t.
Julie et la petite Carmela feuillette­nt un album, preuve que le handicap ne les empêche pas de vivre normalemen­t.

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