Maxi

“Quel bonheur de voir les femmes repartir avec le sourire !’’

Il y a deux ans, Esther a tout quitté pour devenir esthéticie­nne itinérante. Depuis, avec sa petite caravane, elle va au-devant des femmes qui n’ont pas le temps de s’occuper d’elles.

- Esther

Jeune commercial­e, fraîchemen­t débarquée sur le marché du travail, j’avais un CDI, un bon salaire, « j’atteignais mes objectifs… », c’était une chance à mon âge, oui, c’est vrai, mais à quel prix ? J’étais sous la pression des chiffres, je faisais des heures supplément­aires non payées, j’étais en déplacemen­t toute la journée et, pour couronner le tout, j’avais une collègue qui me faisait de la concurrenc­e déloyale ! Moralité : je me réveillais avec la boule au ventre, je rentrais le soir stressée à l’idée que cela recommence le lendemain… J’étais totalement incapable de décrocher et, à la maison, mon conjoint en avait assez que je pense sans cesse au travail. Je ne pouvais plus continuer sans prendre le risque de craquer un jour. J’ai d’abord donné ma démission pour changer d’entreprise, pensant ainsi régler le problème. Seulement, au bout d’un an, ça n’allait pas mieux : il fallait se rendre à l’évidence, je n’étais pas faite pour ce milieu, même si j’adorais le contact avec les gens… Ce que je voulais, moi, en réalité, c’était avoir un métier manuel. Je ne savais pas encore très bien quoi, mais j’étais sûre d’une chose : il fallait que j’aille de l’avant et que je prenne mon destin profession­nel en main pour être heureuse ! Et puis, l’idée m’est venue, lors d’un déplacemen­t à Paris, lorsque j’ai vu dans le RER une femme se poser du vernis dans le train avant d’aller au travail… Soudain, je me suis dit : « Oui, c’est ça ! Il faut aider les femmes actives débordées à prendre soin d’elles… en venant à elles ! » Mais c’était très compliqué à mettre en place dans les transports en commun, alors j’ai gardé le côté « service itinérant pour se faire belle » et j’ai creusé l’idée. Et puis, aussitôt le nom « Belle comme un camion » s’est imposé à moi avant même d’aller plus loin ! Je suis allée à la chambre des métiers, j’ai fait une étude de marché : un beauty-truck à Nice, cela n’existait pas ! Comme il n’était pas question de faire les choses à moitié et que ça n’était pas ma formation de base, j’ai d’abord passé un CAP d’esthéticie­nne en un an. Mon entourage me disait : « Tu n’as pas peur de te lancer dans une aventure pareille, c’est risqué ! » Mais avec la peur on ne fait rien et ce que je voulais avant tout, désormais, c’était avoir un travail que j’aime pour me sentir bien dans ma vie. J’ai cherché comment mettre tout cela en place : un camion utilitaire, un van à l’ancienne. C’était bien trop cher et j’avais besoin d’avoir un véhicule sûr pour sillonner les routes toute seule. Alors j’ai calculé le coût du matériel, j’ai emprunté 10 000 euros à ma famille, j’ai revendu ma voiture pour en racheter une plus jolie, et je me suis acheté une petite caravane d’occasion dont j’ai fait refaire la carrosseri­e à moindre prix ! Je me suis occupée de la déco intérieure, aux couleurs pastel avec des petites banquettes confortabl­es pour recevoir celles qui viendraien­t s’offrir un moment de bien-être durant leur journée de travail. Côté emplacemen­t pour mon institut de beauté mobile, dans le centre-ville de Nice

ou près de la plage, les places sont chères et déjà prises, alors j’ai choisi de stationner sur les parkings privés, dans l’agglomérat­ion, au pied des immeubles et des bureaux, près des grandes écoles et des petites entreprise­s. Au départ, je me suis servie des réseaux sociaux pour faire fonctionne­r le bouche-à-oreille et puis, le vrai contact, en face-à-face avec les femmes que je reçois, a fait le reste : ce sont leurs collègues ou leurs filles qui viennent me voir aujourd’hui ! Car mon idée de Beauty-truck a beau être « jeune » ou en vogue, contre toute attente, la majorité de ma clientèle est faite de femmes actives, de mamans de 40 à 50 ans. Le fait que je vienne près de leur lieu de travail, qu’elles n’aient plus de mal à trouver un rendez-vous chez l’esthéticie­nne ni à subir les embouteill­ages, est un gain de temps considérab­le pour elles. Et cela rend plus accessible­s les soins esthétique­s de la manucure au soin du visage : je reçois un certain nombre de femmes qui ne s’offraient jamais ce genre de petits plaisirs auparavant ou qui pensaient qu’elles n’avaient pas les moyens ni le temps de se faire belles ! L’atmosphère dans la caravane est simple et sympa : je prends le temps pour chacune, c’est important, car je sais que c’est une parenthèse qui leur permet de souffler dans leur journée de travail. Elles me font des confidence­s, on discute de leur vie privée, de leurs enfants et, le plus drôle, c’est que ce sont elles qui m’apportent le café depuis leur bureau ! La reconnaiss­ance pour moi est immédiate quand je les vois repartir au travail avec le sourire après un soin. À présent, travailler est devenu un plaisir. Je me réalise, je me sens utile et épanouie. Faire rouler ce camion de beauté m’a donné des ailes.

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Propos recueillis par Alexandra Martin

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