Maxi

Une mère face à la maladie de ses enfants

« Pour eux, je déplacerai­s des montagnes »

- Caroline

Elles s’appellent Céline, Rachel, Émilie et Ruth. Avec elles, nous formons ce que nous appelons les « cinq doigts de la main ». Il ne se passe pas un jour sans que j’envoie un petit message à l’une d’elles ou que je reçoive un petit mot de soutien. Inutile de le nier : ce que j’ai vécu avec mes enfants m’a apporté beaucoup d’angoisses. Malgré tout, dans l’épreuve, j’ai aussi découvert en moi des forces insoupçonn­ées et, surtout, rencontré des personnes formidable­s. Dans mon combat, je n’ai jamais été seule. Christophe et moi avons vite compris que cette grossesse serait compliquée. Quand l’échographi­e a révélé que nous attendions des jumeaux, j’ai d’abord caché ma joie. Déjà parents d’une petite fille, nous nous demandions comment nous allions gérer le passage de un à trois ! J’ai ri un peu nerveuseme­nt avant de m’effondrer en larmes. Nous étions doublement heureux, mais deux fois plus stressés aussi ! Et encore, nous n’étions pas au bout de nos surprises… Très vite, une nouvelle échographi­e a révélé que nous attendions deux garçons qui partageaie­nt le même placenta. J’ai été suivie toutes les semaines et hospitalis­ée à six mois de grossesse parce que mon Arthur, en haut et à droite dans mon ventre, ne grossissai­t plus du tout, contrairem­ent à son frère Antoine. Deux fois par jour, il fallait vérifier que son coeur battait pour pouvoir le sortir s’il se passait quelque chose. Je suis restée des heures accrochée au monitoring à observer leurs pe- tites courbes tremblante­s. Je ne comprenais pas pourquoi ils étaient si faibles. Ils sont venus au monde à sept mois de grossesse, par césarienne, car ils n’avaient pas la force de sortir seuls. Aucun des deux n’a crié. Ils étaient vivants mais quelque chose n’allait pas. Dans leur couveuse, ils ressemblai­ent à deux petites poupées de chiffon : ils étaient « hypotoniqu­es », c’est-à-dire qu’ils ne bougeaient pas. Ils ont été soumis à des tests génétiques, des échographi­es cardiaques et autres IRM cérébraux. Nous avons dû insister pour savoir ce que les médecins cherchaien­t. En réalité, l’hôpital soupçonnai­t trois maladies rares, toutes plus graves les unes que les autres. Je les ai ramenés à la maison avant de savoir. Et j’ai évité de chercher des informatio­ns supplément­aires sur Internet pour vivre au jour le jour. Ma priorité était de créer un lien avec eux et de les aimer, quoi qu’il arrive. Le diagnostic a été établi deux mois et demi après leur naissance. « Nous sommes désolés », a juste lâché le médecin. Antoine et Arthur étaient atteints du syndrome de Prader-Willi. Mon mari s’est effondré le premier. Il avait fait des recherches sur Internet et savait ce qui nous attendait. Cette maladie, liée à une anomalie génétique et incurable, se traduit notamment par une hypotonie sévère, des difficulté­s alimentair­es et des troubles de comporteme­nt. Soudain, un monde s’effondrait. Mais, en même temps, nous étions aussi contents d’avoir des réponses. Je savais bien que nos garçons n’étaient pas comme les autres et, au moins, nous savions à quoi nous avions affaire. Ce n’est pas spécialeme­nt « courageux », comme je l’ai entendu dire : je crois que c’est simplement ma façon d’accepter la nouvelle. Et puis, pour eux, je sais que je pourrais déplacer des montagnes. Ce sont mes enfants qui souffrent le plus, pas moi. Dès le lendemain de l’annonce, je remplissai­s les dossiers pour déclarer leur handicap et je cherchais une structure qui pourrait nous donner des conseils. Une associatio­n de parents m’a tout de suite rappelée. Apparemmen­t, c’était la première fois, en France, que des jumeaux étaient touchés par le syndrome. Sans doute étais-je un peu hyperactiv­e pour éviter de trop m’angoisser. D’emblée, j’ai décidé de surtout mettre toutes les chances de leur côté et de leur offrir une vie aussi normale que possible. Ils ont été scolarisés en maternelle, comme les enfants de leur âge. Et quand, l’année dernière, nous avons perdu l’AVS (auxiliaire de vie scolaire) d’Antoine, je me suis battue comme une lionne pour la remplacer. Pour mes enfants, je veux ce qu’il y a de mieux. C’est lourd à porter, mais je n’ai jamais été seule. Il y a des couples qui craquent pour moins que cela. Avec Christophe, bien au contraire, cette épreuve nous a beaucoup rapprochés.

Nous avions besoin d’amour et de nous recentrer sur notre famille. Nous nous sommes vite dit que notre seul objectif était que nos enfants soient heureux. Depuis leur naissance, nous avons surmonté chaque épreuve, les unes après les autres. Mon investisse­ment associatif m’a fait du bien aussi. J’ai commencé en 2011, peu après leur naissance. Depuis, je lève régulièrem­ent des fonds pour des marches contre la maladie*. Grâce à cela, j’ai rencontré d’autres parents formidable­s. Notre objectif n’est pas de guérir mais, au moins, d’améliorer le quotidien. Ce sont des enfants qui ne connaissen­t pas le sentiment de satiété et dont on doit contrôler l’alimentati­on pour éviter d’autres maladies liées à l’obésité. Cela signifie aussi que l’on doit gérer des crises liées à la frustratio­n, et je sais déjà que ce sera particuliè­rement difficile quand ils seront adolescent­s. En attendant, j’ai noué des amitiés avec des mamans qui m’apportent un soutien indéfectib­le. Nous nous échangeons nos trucs et nos états d’âme. Je refuse de ne voir que le côté négatif des choses, car cette épreuve m’a apporté beaucoup. Mes enfants aussi m’ont ouvert l’esprit. Même si j’étais déjà sensibilis­ée au handicap, à travers eux j’ai découvert une autre façon de voir le monde. J’en apprends tous les jours un peu plus sur moi. Je découvre que je peux vivre le moment présent. Chaque sourire est un remercieme­nt. Il faut savoir apprécier tous ces petits bonheurs quand ils se présentent à vous. À ce jour, je ne sais pas de quoi demain sera fait. Mes beaux garçons ne seront jamais complèteme­nt indépendan­ts. Mais ils seront heureux, j’en suis persuadée. Avec leur père, nous ferons tout ce qu’il faudra pour. * Plus d’infos sur le site unpetitpas.weebly.com.

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