Comment défendre sa langue régionale ?
Notre pays comprend 75 langues régionales. Pour éviter qu’elles ne tombent dans l’oubli, des passionnés consacrent temps et énergie afin de les transmettre aux générations suivantes.
En France, on parle français… mais pas uniquement ! En Bretagne, au Pays basque, en Alsace, en Corse et dans bien d’autres régions, des langues continuent d’exister, comme autant de signes de la diversité de notre pays. Loin d’être des patois, ces langues régionales ont une grammaire propre,
Je suis née dans une famille corse mais mes parents avaient quitté l’île bien avant ma naissance pour trouver du travail.
Nous avons vécu à Marseille et, en 1974, mon mari et moi avons participé au mouvement « Riacquistu », dont le but était de faire revenir en Corse des jeunes afin de redonner vie à des villages moribonds et participer ainsi au développement économique de l’île. C’était une véritable aventure ! Mes parents ne m’avaient pas appris la langue, du coup, je me sentais un peu étrangère. Il m’a donc semblé indispensable d’apprendre le corse : c’est une langue très belle et très agréable à l’oreille. Étant institutrice, j’ai pu l’enseigner au sein de mes classes après avoir atteint un niveau suffisant. Et pour que mes élèves le parlent le plus possible, je les faisais participer à des émissions de radio. Avec d’autres enseignants des conjugaisons, des mots nouveaux qui apparaissent comme dans n’importe quelle langue vivante. Afin d’accompagner leur évolution et de les faire vivre, des hommes et des femmes donnent des cours et se mobilisent, à l’instar de Régine, « amoureuse » de la Bretagne, et de Ghjacumina, très attachée à la Corse. et de nombreux parents d’élèves, nous nous sommes battus pour que notre école devienne bilingue et nos efforts ont porté leurs fruits ! C’était primordial pour moi que cette langue soit transmise alors que, pendant des années, on avait tout fait pour qu’elle disparaisse, en forçant les Corses à ne parler que français. De mon côté, j’ai « corsisé » mon prénom, Jacqueline, en Ghjacumina et j’ai, bien sûr, toujours parlé corse à mes enfants. Aujourd’hui, tous mes petits-enfants parlent également cette langue. Deux d’entre eux, qui ont 3 ans et 5 ans, vivent sur l’île et possèdent déjà un riche vocabulaire ; quant à ceux qui habitent à Paris, ma fille leur parle exclusivement en corse. Depuis 2002, je suis à la retraite, mais je continue à faire vivre le corse. J’organise pour les scolaires des visites au Musée ethnographique de Cervione et, avec l’office de tourisme, je propose des découvertes de lieux emblématiques de ma ville, comme la chapelle Santa-Cristina. À chaque fois, je parle exclusivement en corse ! J’ai également rédigé quatre livres pour enfants sur les quatre saisons : Bù chì ventu !, Bù chì fretu !, Bù chì caldu ! et Bù chì fiori ! (éd. Éoliennes). Des outils bien utiles pour apprendre la langue aux tout-petits ! Je suis contente de faire vivre ma langue et très heureuse que mes enfants aient repris le flambeau avec leur progéniture. J’espère que la transmission continuera !
˝ J’ai écrit des livres pour enfants en corse ˝
˝ Je donne bénévolement des cours de breton ˝ Régine, 56 ans, 3 enfants, 1 petite-fille, Quimperlé (29)
Lorsque j’étais enfant, je venais en Bretagne à toutes les vacances pour voir la famille de ma mère.
J’aimais l’accueil des habitants, la culture, les paysages, les festou-noz… À 25 ans, je m’y suis installée et, dès mon arrivée, je me suis inscrite à des cours de danse traditionnelle et à des cours de breton. Pour moi, c’était une façon de mieux m’intégrer. Le breton m’a tout de suite plu : j’aime ses sonorités, sa façon particulière de construire les phrases. À l’époque, j’enseignais l’anglais mais, prise de passion pour le breton et progressant assez vite, j’ai eu envie de l’apprendre aux autres : j’ai donc proposé mes services à une association et, pendant vingt ans, j’ai donné des cours dans des écoles et des maisons de retraite. Quand mes enfants sont nés, je leur ai tout de suite raconté des histoires en breton et chanté des comptines bretonnes… Et quand est venu le moment de les scolariser, leur père, qui est breton, et moi avons décidé de les inscrire dans une école Diwan, où la quasi-totalité des enseignements est dispensée en breton. Cela ne les a pas empêchés de maîtriser parfaitement le français ! Aujourd’hui, je continue à donner bénévolement des cours de breton et je participe, via une association, à des rassemblements d’amoureux de cette langue : Français, Bretons installés à l’étranger, Suédois, Gallois… nous sommes parfois jusqu’à 300 personnes et nous ne parlons que breton. C’est très amusant et enrichissant ! Je milite également pour la diffusion du breton : j’ai ainsi participé à la traduction des termes que l’on trouve sur Facebook. C’était intéressant : il fallait trouver les mots correspondant à « paramètres », « notifications »… Je milite aussi au sein de l’association Ai’ta ! pour que cette langue soit visible le plus possible : nous écrivons régulièrement aux différents responsables politiques pour que les panneaux routiers, la signalétique des gares, des bureaux de poste et des universités de la région soient en français et en breton. De même, quand le musée de la Voile a ouvert à Lorient, nous avons signalé par courrier au directeur que tout était écrit en français et qu’il serait normal de traduire en breton. Par toutes ces petites actions, nous voulons que cette langue perdure et ne devienne jamais une langue morte.