Maxi

Après 40 ans de carrière dans un supermarch­é… ‘‘Pour moi, être caissière, ce n’est que du bonheur !’’

Depuis 1976, date où elle a été embauchée dans ce supermarch­é de quartier, Béatrice en a vu défiler du personnel et des enseignes ! Toujours souriante, elle encaisse les clients et ne quitterait son poste de travail pour rien au monde.

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Comme je dis souvent aux nouveaux arrivants : « Ici, je fais vraiment partie des murs ! » En quarante ans de métier, je n’ai jamais connu un autre lieu de travail et, de tous les salariés, je n’ai pas de mal à être la plus ancienne ! En 1976, le supermarch­é venait d’ouvrir ses portes quand j’ai été embauchée pour faire de la mise en rayon.

J’avais tout juste 18 ans et celui qui allait devenir mon mari y travaillai­t déjà en tant que boucher,

c’est même lui qui m’a permis de trouver une place ! Se lever à 3h30 pour faire du rayonnage, ça n’avait rien d’idyllique, mais l’ambiance était familiale, j’aimais mon travail et j’y ai toujours été bien. Le supermarch­é, à ses débuts, était bien plus petit qu’aujourd’hui, on devait être une quinzaine à y travailler tout au plus, alors qu’aujourd’hui nous sommes 50 ! À l’époque, ça s’appelait Fami-Prix, puis c’est devenu Radar, puis Champion… des enseignes qui n’existent plus et auxquelles j’ai survécu ! J’ai eu mon fils très jeune, à 19 ans, et il faut dire qu’avec les horaires que je faisais, je ne le voyais pas beaucoup et il passait toutes ses journées chez la nourrice. C’est mon seul regret par rapport à mon travail. Mais heureuseme­nt, aujourd’hui, j’ai du temps pour profiter de lui et je me rattrape avec mes deux petits-enfants ! Je suis restée des années à faire les commandes, à ouvrir les cartons et à mettre les produits en rayon. C’était drôlement physique comme tâche, mais j’aimais ça. J’avais un salaire ; je n’allais pas me plaindre. Et puis, pour moi, il n’y a pas de sot métier. Au fil du temps, je suis devenue responsabl­e de la crémerie. À force, on me connaît comme le loup blanc au magasin et je connais bien la clientèle. Bien sûr, après toutes ces années, elle s’est renouvelée mais, aujourd’hui, il y a toujours les habitués, ceux que j’ai vus devenir les petits vieux du quartier. C’est très touchant. J’ai toujours un mot pour eux, de même qu’ils me saluent avec le même respect. Lorsque je dis que, mon métier, c’est ma vie, c’est justement parce que j’ai passé toute mon existence ici ! Bien sûr, le travail a évolué au fur et à mesure des années qui passent, surtout avec l’arrivée de l’informatiq­ue et des nouvelles

Ici, je connais bien la clientèle et l’ambiance est conviviale

technologi­es. L’univers du supermarch­é a changé le rythme de travail aussi. Il y a plusieurs coupures dans la journée, que je n’avais pas dans les années 1970-80. Dans le temps, on avait deux heures et demie de pause imposées, car le magasin fermait de 12 h 30 à 15 h ! Ce qui est impensable aujourd’hui… Ça faisait tout de même de très longues journées de travail !

Aujourd’hui, la cadence est moins soutenue pour moi, surtout depuis que je suis devenue caissière.

Lorsque le nouveau directeur m’a proposé de passer « hôtesse de caisse », comme on dit aujourd’hui, je pensais vraiment ne jamais y arriver. Je me disais que ce poste n’était pas fait pour moi. Mais pas du tout, au contraire ! Être caissière, c’est que du bonheur ! Il faut être honnête, avec l’âge, je n’ai plus la même énergie, commencer à 5 heures chaque matin et porter les charges, ça me fatiguait. Lorsque j’ai enfilé ma veste de caissière, ça m’a fait tout drôle au début. J’ai bien mis un an à trouver mes marques. La caisse, ça m’impression­nait un peu. Il faut être souriante, à l’écoute, très vigilante sur ce qu’on fait et travailler au rythme du client. Et en général, aujourd’hui, ils sont plutôt pressés ! Toutefois, on n’est pas des machines et j’ai toujours un échange ou un petit mot pour sourire.

On fait tout de même un métier de service ! Entre moi et les autres filles, il y a beaucoup de respect et l’ambiance de travail est bonne. On est très solidaires ; on s’entraide dès qu’il y a un souci et puis, pour elles, je suis une « vétérante » ! Ça a été une vraie révolution, ce changement de poste, d’autant que je fais aussi des échanges et remboursem­ents à l’accueil.

J’ai le sentiment d’évoluer dans le magasin, de traverser les époques, de suivre l’air du temps.

C’est drôle parce que j’en ai tout de même vu tourner des directions et du personnel en quarante ans, mais la conviviali­té ici n’a jamais changé. Il reste quelque chose de l’esprit familial que j’ai connu à mes débuts et, pour moi, travailler dans ces conditions, ça n’a pas de prix. Je n’aurais sans doute pas eu le même plaisir à travailler en hypermarch­é, où le rythme est beaucoup plus rapide et où on est beaucoup plus anonyme… et avec moins de reconnaiss­ance. Ici, on a de la considérat­ion et c’est important. Bien sûr, si j’avais pu faire des études quand j’étais jeune, j’aurais fait autre chose. Je crois que j’aurais bien aimé entrer dans l’armée, c’est une autre façon de servir et d’être utile ! Mais je ne regrette rien, je suis bien où je suis. Partir à la retraite, honnêtemen­t, pour le moment, je ne veux toujours pas y penser. J’espère que ça arrivera le plus tard possible. C’est normal, je me sens chez moi ici ! Cette boutique, c’est toute mon existence, c’est ma deuxième maison.

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