Maxi

« Changer notre façon de consommer, ça rend si heureux ! »

Debora a ouvert il y a quatre ans une boutique gratuite ! Chacun est libre d’y venir et de repartir avec ce qu’il veut sans ouvrir son porte-monnaie. Un concept fondé sur l’économie de partage qui connaît un succès florissant.

- Debora *Voir le site laboutique­sansargent.org.

LLe plaisir de “passer à la caisse” sans avoir à payer…

utter contre le gaspillage, changer notre façon de consommer, être solidaire… Ce sont des valeurs dont on parle beaucoup aujourd’hui. Ce n’est pas un effet de mode, mais un mode de vie durable ! J’ai reçu tout cela de mon éducation. C’est aussi une question de génération : je suis née avec le tri sélectif ! Après mes études de sciences humaines et sociales, j’ai eu tout naturellem­ent envie de passer concrèteme­nt à l’acte au sein d’une associatio­n déployant les aides sociales. Mais j’avais envie de pousser l’expérience encore un peu plus loin dans la solidarité et les rencontres. Et en cherchant, on finit par trouver…

Les bonnes idées sont toujours sources d’inspiratio­n. Un jour, j’ai appris qu’il existait en Alsace un « Magasin pour rien » où tout était gratuit. J’ai trouvé ça génial, c’était le seul en France. J’en ai parlé à deux amies et on a décidé de tenter l’aventure, persuadées que ce concept serait vraiment utile, notamment aux personnes en difficulté. La mise en place de notre « boutique gratuite » a été relativeme­nt rapide. L’idée était simple : donner une seconde vie aux objets de la maison devenus inutiles pour éviter le gaspillage et en faire profiter tout le monde ! Vêtements, livres, jouets d’enfants, objets de décoration, vaisselle, petit électromén­ager… On apporte si on veut et on ramène ce que l’on veut ! Du « bon débarras » en faisant une bonne action ! Nous étions encore pionnières dans le domaine. Aussi, avant de trouver un lieu où nicher « La Boutique sans argent », il nous a fallu « tester » cette idée en plein air, sur des stands et dans des boutiques éphémères. D’emblée, ça a pris ! Les gens jouaient le jeu avec plaisir, ils apportaien­t des objets et repartaien­t avec ce dont ils avaient besoin. À croire finalement que tout le monde n’attendait que ça ! Le bouche-à-oreille aidant, il est devenu urgent de trouver un local où s’installer. C’est ce que nous avons fait, dans un premier temps, dans un espace de… 20 m2 ! C’est peu pour engranger autant d’objets, mais le flux ne tarissait pas et, en l’espace d’une heure, si cent nouveaux objets entraient, cent autres ressortaie­nt ! Les gens faisaient la queue dans la rue avec leur sac de dons, heureux de se rendre utile et de ne plus jeter pour rien. C’est toujours très étonnant pour eux de « passer en caisse » sans avoir à payer, c’est presque un jeu ! D’ailleurs, je ne les considère pas comme des clients, mais plus exactement comme des participan­ts, car tous ceux qui viennent nous voir composent cette belle aventure humaine !

Je peux dire que ceux qui donnent sont au moins aussi heureux que ceux qui prennent des objets. Cela crée du bonheur des deux côtés ! La première année d’ouverture de la boutique a connu un succès énorme : pas moins de 40 000 participan­ts ! C’était bien audelà de mes espérances, jamais je n’aurais pu imaginer un instant que cela fonctionne aussi bien. Si le magasin est totalement gratuit à l’usage des personnes, le fonctionne­ment, lui, est celui d’une associatio­n avec des frais et des charges, comme le loyer de notre local. Dès le début, le projet a séduit et a reçu des subvention­s de la mairie, d’autres aides ponctuelle­s et même du mécénat. Et il s’est intégré dans un financemen­t participat­if de tout un chacun. Tout le monde chez nous est bénévole, à l’exception d’une personne salariée qui travaille à plein-temps pour gérer tout ce petit monde. Car, aujourd’hui, les bénévoles de la boutique sans argent sont au nombre de 35 ! Moi-même, en tant que fondatrice, je suis bénévole, et j’ai un travail à côté. Ici, nous sommes tous sur un pied d’égalité. La boutique est ouverte à tous. Contrairem­ent à ce que l’on pourrait imaginer, il n’y a pas que les personnes en demande

d’emploi et les familles en difficulté financière qui viennent nous rendre visite. Tous les milieux sociaux se côtoient, du plus aisé au plus modeste ! Et tous les âges aussi : les enfants adorent l’idée de transmettr­e l’histoire de leurs jouets et les personnes âgées sont toujours ravies de savoir que leurs objets vont avoir une seconde vie… Ça aussi, c’est une grande satisfacti­on !

Avec plus de 400 personnes aux heures de pointe, comme le samedi après-midi, il va sans dire que nous avons toujours besoin de plus d’espace. En début d’année, une opportunit­é s’est libérée dans le même quartier de l’ancienne rue de Reuilly et nous disposons aujourd’hui de 50 m2. Ce qui m’a permis de mettre en place un autre aspect de ce projet qui me tient beaucoup à coeur : développer le don de compétence­s grâce aux ateliers. Tricot, jardinage ou autres, une fois par mois (pour le moment !), les gens se rencontren­t, partagent et se transmette­nt leur savoirfair­e gratuiteme­nt, juste pour le plaisir de faire découvrir une passion. Maintenant que l’idée a très largement porté ses fruits, je souhaitera­is accompagne­r toutes celles et tous ceux qui, partout en France, en régions, à la campagne, souhaitent ouvrir un magasin gratuit. À chacun son projet et son enseigne… L’idée a déjà fait des petits, il y en a près d’une quinzaine aujourd’hui qui ont ouvert leurs portes depuis le début de notre aventure ! Cette boutique* sans argent m’a apporté de si belles choses ! Nous vivons dans un monde bien plus solidaire qu’on ne l’imagine, il suffit de créer des ponts et de passer le relais… Ça fonctionne, la preuve !

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