Maxi

« J’ai donné beaucoup d’amour et tellement reçu en retour »

Pendant vingt-huit ans, Brigitte a accueilli près de trente enfants pour des durées de quelques mois à… quinze années ! Un passage qui leur a offert une deuxième chance dans la vie.

- Brigitte

Le jour où j’ai accueilli mes premiers enfants, j’avais un peu le trac. Accompagné­s par leurs parents et par l’assistante sociale, Emmanuelle et Samuel, 8 et 12 ans, sont arrivés avec leurs valises, un peu intimidés. Ils avaient été placés sur décision de justice car leurs parents avaient de gros problèmes personnels. J’ai tout de suite rassuré le père et la mère en leur disant que je n’étais pas là pour les remplacer, mais pour assurer une continuité dans l’éducation. La séparation a été difficile. J’ai montré leur chambre aux enfants, leur ai fait visiter la maison… Jour après jour, une relation de confiance s’est installée entre nous. Quand leur père est décédé, leur mère a demandé au juge de les reprendre. La demande accordée, Emmanuelle et Samuel sont repartis. Pendant neuf mois, je les avais vus s’épanouir et révéler le meilleur d’eux-mêmes… Donner un coup de pouce à des enfants pour qu’ils aient un bel avenir, c’est la raison pour laquelle j’avais choisi, à 28 ans, d’accepter l’offre d’emploi de l’associatio­n SOS Villages d’Enfants et de devenir « maman SOS ». J’étais logée avec les enfants dans une des grandes maisons de l’associatio­n où nous vivions ensemble, 7 j/7, 24 h/24, pendant trois semaines d’affilée. Puis j’avais une semaine de repos que je passais dans mon appartemen­t personnel. Une aide familiale me remplaçait alors auprès des enfants. Après le départ d’Emmanuelle et Samuel, j’ai accueilli une fratrie de deux filles et un garçon, Ludivine, Laetitia et Cédric, respective­ment de 3, 5 et 8 ans. Leur mère était décédée et leur père ne parvenait plus à les élever seul. Notre aide était un véritable soulagemen­t pour lui… Quelques mois plus tard, le juge a proposé au papa de reprendre ses enfants. Il a choisi de les laisser auprès de moi, expliquant : « Brigitte fait bien son travail, ils ont tout ce dont ils ont besoin, ils reçoivent une bonne éducation, me respectent, sont heureux… » J’avais la plupart du temps six enfants sous ma responsabi­lité. J’étais célibatair­e, sans enfants, mais les choses se sont faites d’instinct. Je gérais ma tribu avec humour mais autorité. Épaulée par une super-équipe d’éducateurs et de psys. Au début, je pensais rester deux ans seulement, mais en voyant tous ces petits grandir, s’épanouir, je n’ai plus jamais eu envie d’arrêter. Et puis, à 37 ans, j’ai rencontré mon mari. Il est venu s’installer dans mon appartemen­t où nous nous retrouvion­s lors de ma semaine de repos. J’avais presque 40 ans lorsque je suis tombée enceinte. Nous avons alors demandé l’autorisati­on d’habiter ensemble dans la maison de l’associatio­n ; autorisati­on accordée après des tests psychologi­ques. Notre puce a donc grandi entourée de ses parents et de ses très nombreux « frères » et « soeurs », bien que fille unique ! Je les élevais tous de la même façon. Notre enfant, Annelyne, m’appelait maman, c’était la seule différence. Elle a tout partagé avec eux. Je n’ai connu qu’un cas très difficile avec l’accueil d’un petit garçon bipolaire. À 7 ans, il a allumé un feu de camp… sous son lit ! Nous sommes passés très près d’une catastroph­e. En grandissan­t, son état s’aggravait, la situation devenait impossible et il a finalement dû être placé dans un établissem­ent spécialisé. Hormis ce cas, les enfants s’épanouissa­ient entre école, vacances, visites à

leurs parents lorsque c’était possible. Nous menions une vie de famille classique. L’été, nous partions tous ensemble quinze jours en mobil-home : parcs d’attraction­s, virées en pirogue hawaïenne, kayak, natation, ski… Des moments de joie intense pour tous ces gamins ! J’étais heureuse de pouvoir leur offrir le bonheur que j’avais moi-même connu, enfant, auprès de mes frères et soeurs. Ce qui était amusant, c’est la tête de nos voisins de camping lorsque nous débarquion­s, Annelyne, mon mari et moi et « nos » six enfants ! L’expérience m’a appris que tout ce que l’on peut apporter à un enfant reste gravé à jamais. Les premiers enfants accueillis, Emmanuelle et Samuel, ne sont restés que neuf mois, mais nous n’avons jamais perdu le contact. La jeune femme a maintenant 34 ans et vient d’avoir son premier enfant. Lorsque je suis allée la voir à la maternité, elle est tombée dans mes bras, en me disant, en larmes : « Les plus beaux mois de ma vie, c’est avec toi que je les ai vécus. » Mes petits sont devenus grands et ils m’appellent souvent pour me demander conseil ou simplement dire bonjour. Un lien unique nous unit, à tel point qu’à Noël nous nous retrouvons souvent à plus de trente, avec mes petits protégés devenus grands et leurs propres enfants, qui m’appellent Manou ! Ma plus grande fierté, c’est de les voir réussir. Le placement a été le début d’une nouvelle vie pour eux. Avec la plupart, j’ai noué aussi un véritable lien d’amour. Ainsi, Tiphanie, qui m’a demandé d’être son témoin de mariage, ou encore Ludivine, qui me dit souvent : « Tu es ma maman de coeur, ma maman que j’aime… ».

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