Maxi

« J’ai vécu un amour interdit »

Alors qu’elle préparait le baptême de son second fils, Micheline a eu un coup de foudre pour le prêtre de sa paroisse. Elle s’est tue pendant dix ans avant d’oser lui parler…

- Micheline*

C’est grâce à ma mère que je l’ai rencontré. À l’époque, je préparais le baptême de mon second fils. J’étais un peu fâchée avec l’Église car j’avais épousé un homme divorcé et ma paroisse m’avait refusé la bénédictio­n de mon mariage. Je n’avais pas non plus apprécié le déroulemen­t du baptême de mon premier enfant. J’avais donc arrêté d’aller à la messe alors que j’étais toujours croyante. Enceinte de nouveau, je me suis dit qu’il était peut-être temps de repartir sur de bonnes bases. Ma mère, qui venait de déménager près de chez moi, m’a dit un jour qu’elle avait trouvé « le prêtre qu’il me fallait ». Seulement, l’histoire n’a pas vraiment pris le tournant que j’attendais. un tiroir. J’ai poursuivi les préparatif­s du baptême et Jean est même devenu un ami de la famille sans qu’il y ait la moindre ambiguïté. Il était comme une présence douce et rassurante que je cachais dans mon jardin secret. Je savais au fond de mon coeur que je ressentais quelque chose de spécial pour lui, mais personne n’était au courant. Lui-même ne m’a jamais, de son côté, donné la moindre raison d’espérer. Je dois reconnaîtr­e que c’était quand même difficile à vivre. Heureuseme­nt, mon mari et moi sommes partis plusieurs années en mission à l’étranger. Mais quand, quelques années plus tard, nous avons fini par divorcer, j’ai doucement rouvert mon tiroir secret. Malgré le temps et la distance, j’avais encore des sentiments pour cet ami. Très naturellem­ent, je suis donc retournée chez moi et j’ai frappé de nouveau à la porte de sa paroisse. Notre union a été bénie par un ami prêtre sous deux vieux chênes

C’était il y a plus de vingt ans. Et pourtant, je n’oublierai jamais la première fois où j’ai vu Jean. Je suis entrée dans l’église et il s’est avancé vers moi, de l’autel, pour m’accueillir, les bras ouverts et avec un grand sourire. J’ai eu le sentiment qu’il avait décroché un bout du ciel et qu’il l’avait posé sur mes épaules ! J’ai ressenti un véritable coup de foudre, complèteme­nt inattendu. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai été bouleversé­e par ce qui émanait de sa personne. Il incarnait une douceur, une spontanéit­é et une gentilless­e irrésistib­les. En même temps, j’étais enceinte et heureuse avec mon mari. Il n’était pas question pour moi de briser mon ménage et j’ai vite rangé mes sentiments dans

Je ne lui ai pas avoué mes sentiments tout de suite. J’ai commencé par travailler avec lui comme bénévole. Parmi toutes ses activités, il s’occupait, notamment, d’un foyer de femmes en difficulté. Un jour, environ un an après mon retour, il m’a proposé de partir avec lui, un week-end, pour aller les aider. Il n’avait aucune idée derrière la tête, mais moi, si… Dix ans après notre première rencontre, je lui ai dit le soir, à table, combien il me troublait. Il ne s’y attendait pas, je crois. Spontanéme­nt, sa première réaction a été de me dire qu’il ne pouvait pas m’aimer. Il ne m’a pas dit qu’il ne m’aimait pas… Je n’ai pas insisté, mais je n’ai pas renoncé. Deux jours plus tard, je lui ai dit qu’il avait le droit de laisser ses sentiments s’exprimer. Visiblemen­t, il était lui aussi quand même assez ému. Il m’a demandé un peu de temps et, quelques jours plus tard, il a cédé. Il m’a dit qu’il était prêt à sauter le pas, à condition que notre histoire reste clandestin­e. Il ne voulait pas décevoir ses paroissien­s ni renoncer à l’Église, et je le comprenais. Nous avons ainsi vécu pendant cinq ans. Seuls nos familles et amis proches étaient au courant et tous l’ont accepté. J’ai même vécu dans son presbytère en étant officielle­ment sa secrétaire.

Un jour, Jean m’a dit qu’il était prêt à vivre notre histoire au grand jour et à m’épouser. Il ne m’a pas vraiment fait de demande « officielle » ni spécialeme­nt romantique ! Cependant, il s’est vite rattrapé en demandant ma main, de façon très solennelle, à mon père. J’étais bouleversé­e et, en même temps, partagée. Je me fichais du mariage et je savais à quel point il était un prêtre extraordin­aire. Je ne voulais pas qu’il renonce à tout cela pour moi. Mais sa décision était prise. Il voulait être cohérent avec lui-même et il a annoncé la nouvelle à ses paroissien­s. Nous nous sommes mariés un an plus tard, en petit comité. Je lui ai dit « oui » dix-sept ans après avoir croisé la première fois son beau regard. Ce fut une belle fête. Notre union a également été bénie par un ami prêtre sous deux vieux chênes que Jean avait repérés. Ce fut un moment inoubliabl­e. Heureuseme­nt, mon mari n’a pas renoncé à

servir Dieu pour autant. Il a juste décidé de chercher une autre Église chrétienne qu’il puisse intégrer en étant marié et il a trouvé. Nous nous sommes rapprochés de l’Église vieille-catholique d’Utrecht où il a exercé quelques années avant de prendre sa retraite. C’est une Église plus ouverte, qui permet aux hommes mariés de célébrer la messe et même aux femmes de devenir prêtre. J’y ai été ordonnée diacre et, un jour, je serai, je l’espère, prêtre à mon tour.

Si je témoigne aujourd’hui, c’est pour encourager l’institutio­n à évoluer. À une époque, j’ai été écoutante pour l’associatio­n Hors les murs, qui accompagne des femmes et des hommes ayant renoncé à l’Église par amour. Pour avoir croisé des dizaines d’autres couples dans l’ombre, vivant difficilem­ent leur relation, je sais que mon histoire n’est pas isolée et qu’elle peut aider d’autres familles. Elle est juste unique, pour moi, à cause de l’homme merveilleu­x que j’ai rencontré et que j’ai eu, finalement, la liberté d’aimer.

* Micheline Maca a publié J'ai épousé un prêtre, éd. La Boîte à Pandore.

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