Quand faut-il vraiment opérer ?
Le gros orteil se déforme, une bosse pointe et devient douloureuse : c’est un oignon, ou hallux valgus. Bonne nouvelle : cela s’opère ! On vous explique comment cibler le bon moment pour passer à l’action.
L’hallux valgus touche 30 % de femmes, souvent après la quarantaine, contre 13 % d’hommes. On a longtemps incriminé le port de talons, mais « cet argument dénigrant l’élégance féminine est inutilement misogyne et n’explique pas la présence des oignons chez les hommes ou dans les populations non chaussées », affirme le Dr Jean-Yves Coillard(1). « L’âge, le sexe, l’hérédité, la posture et les variations hormonales joueraient un rôle plus évident », confirme le Dr Barbara Piclet-Legré*. Et en attendant, comment vivre avec ou opérer, le cas échéant ?
Pas trop tôt
Vous ne souffrez pas vraiment et la bosse ne vous empêche pas de vous chausser ? Pour le Dr Jean-Yves Coillard : « Pas d’urgence dans ce cas, à condition de pouvoir limiter la douleur en portant des chaussures larges au bout, et en évitant tout de même les talons trop hauts. Car s’ils ne sont pas à l’origine de l’oignon, ils aggravent les lésions associées. Les orthèses (dispositifs médicaux de maintien), ou écarteurs d’orteils à porter la nuit, réduiraient partiellement et temporairement la sensation douloureuse nocturne, mais ils ne corrigent ni ne retardent la déformation. » Et cela ne dispense pas de consulter un chirurgien orthopédique.
Pas trop tard
Toutefois, le Dr Piclet-Legré conseille de ne pas tarder pour opérer. Pas question de vivre avec une douleur, même si la déformation n’est pas importante. « Outre l’impact sur la vie sociale, la gêne entraîne des changements dans la posture qui peuvent provoquer, à leur tour, des problèmes de genoux, de hanches ou de dos, explique-t-elle. À l’inverse, l’opération s’impose avant que l’hallux valgus ne s’aggrave et n’entraîne des répercussions sur les autres orteils, même si la douleur est supportable. » La démarche s’en trouve modifiée et, à terme, cela génère les mêmes douleurs sur les parties supérieures du squelette, ainsi que des troubles de l’équilibre.
Le bon moment avec la bonne technique
Face à la nécessité d’opérer, l’intervention se prépare avec le médecin traitant et en s’informant sur le site de l’AFCP (afcp. com.fr) qui propose des fiches « infos patients », ainsi qu’un annuaire des praticiens reconnus. Sachez que la technique a évolué. « L’anesthésie, souvent locale, est légère. La douleur est mieux contrôlée et l’intervention s’effectue généralement en ambulatoire », assure le Dr Piclet-Legré, qui recommande de procéder un pied après l’autre, entre 6 à 12 mois d’intervalle. Mais cela reste une opération sérieuse avec ostéotomie, précise le Dr Jean-Yves Coillard. « L’os est découpé en accent circonflexe (technique du chevron) ou en Z (Scarf). Vous entendrez peut-être aussi parler de la méthode percutanée ou mini-invasive. Mais le plus important est l’expérience du chirurgien et la confiance que vous lui accordez », assure l’expert. La récupération est variable : il faut maintenir le pied en l’air dans la semaine qui suit pour éviter l’oedème, limiter les déplacements et remarcher ensuite avec une chaussure adaptée. En fonction de la pénibilité de votre emploi, vous ne reprenez le travail qu’après 28 jours à 56 jours d’arrêt. Au bout de quelques mois, l’opération est de l’histoire ancienne.
* Président de l’Association française de chirurgie du pied et de la cheville (AFCP). ** Coauteure de Hallux valgus, mises au point de l’AFCP (éd. Elsevier).