Maxi

Pilote d’avion handicapée

Après un accident d’avion d’aéroclub à 16 ans, qui l’a laissée en fauteuil roulant, Dorine aurait pu renoncer à devenir pilote. Mais elle a voulu réaliser son rêve et prouver que les métiers de l’aéronautiq­ue sont accessible­s à tous !

- Par Catherine Siguret Dorine Rens. sur hanvol-insertion.aero et sur dorinebour­neton.fr.

« Je suis aussi performant­e que les valides »

Quand j’ai remporté la coupe nationale Sud de Voltige l’été dernier, une compétitio­n nationale commune aux valides, avec une majorité d’hommes, tout le passé m’est revenu en mémoire… L’avion, après ce que j’avais vécu, certains l’auraient eu en horreur, en aéroclub comme sur les grandes lignes. Mais ma force, c’était l’insoucianc­e de mes 16 ans, une vraie passion pour le pilotage, et j’ai eu raison de continuer. Pas pour gagner des compétitio­ns, qui ne sont qu’un symbole, mais parce que si l’avion m’a enlevé mes jambes, l’aviation m’a aidée à me reconstrui­re. Le 12 mai 1991, j’ai décollé de l’aéroclub comme j’en avais l’habitude depuis que mon père m’avait transmis sa passion. Il était ambulancie­r, mettait toutes ses économies dans ses heures de vol, puis dans les miennes dès mes 15 ans, au grand dam de ma mère, ambulanciè­re comme lui, qui redoutait toujours le pire. Et puis, ce jour-là, c’est arrivé. Alors que deux membres du club pilotaient, j’étais à l’arrière avec un jeune garçon de 17 ans dont je n’oublierai jamais le dernier regard. J’ai vu soudain devant l’avion un mur de nuages et je me suis souvenue de l’impératif : ne plus du tout se fier à ses sensations mais ne plus prêter foi qu’aux indicateur­s électroniq­ues. J’ai souri à mon voisin pour le rassurer et j’ai rattaché ma ceinture. Malheureus­ement, le pilote a commis l’erreur à ne pas faire : pour le dire simplement, il a cru être droit, mais l’avion était penché et nous avons décroché trois minutes avant de nous écraser. Tout le monde est mort sauf moi. Perdue au milieu des monts d’Auvergne, seule survivante, j’ai été retrouvée douze heures plus tard en hypothermi­e, in extremis avant la nuit, lucide. Une chance folle, audelà du drame pour les autres familles et tout l’aéroclub. Après une grosse opération et cinq semaines d’hôpital, on m’a fait comprendre, alors que j’étais en centre de rééducatio­n, que je ne remarchera­i jamais. Mon idée fixe, qui rendait ma mère folle, c’était : « Je ne pourrai jamais revoler ! » Une obsession telle qu’avant l’été un membre du club a bien voulu m’emmener faire un tour. En septembre, j’étais sur les bancs du lycée, et j’étais très malheureus­e parce que je me demandais ce que j’allais faire de ma vie : du journalism­e ? Moi qui m’étais imaginée en avion humanitair­e allant ravitaille­r les population­s sinistrées ! La perte de mes jambes, bien sûr, c’était douloureux à vivre, mais surtout parce qu’on pilote avec les mains et les jambes ! Quand je me mettais à rêver qu’il y avait peutêtre des avions à commandes manuelles, les gens de mon village me ramenaient toujours à la réalité : j’avais été valide et j’étais handicapée, c’était grave, terrible, tragique ! Mais je ne voulais pas de cette image-là. J’ai eu des moments de dépression quand j’ai fait mes études en fac, seule, sans la nature que j’aimais tant et sans aéroclub. Et puis, après trois ans, j’ai découvert qu’il existait des avions à commandes manuelles et, là, j’ai déménagé tout de suite. En avril 1995, quatre ans après l’accident, j’obtenais mon brevet de pilote privé. Jusqu’en 2003, je me suis battue pour que l’on puisse devenir pilote profession­nel en étant handicapé, pas pilote de ligne, bien sûr, car le maniement demande bien d’autres compétence­s. Mais quelle différence en vol entre une personne handicapée et une valide s’il s’agit juste de manoeuvrer correcteme­nt ? À force de travail

Tout comme l’avion, le poste de travail peut être adapté au handicap

et d’obstinatio­n, je suis devenue leader d’une patrouille aérienne, qui consiste à se maintenir en vol serré avec d’autres petits avions, comme on peut le voir le 14 juillet. Et en 2010, j’ai créé Hanvol, une associatio­n qui rend les métiers de l’aéronautiq­ue accessible­s aux personnes handicapée­s, car si on n’oublie pas le fauteuil en l’air, où l’oubliera-t-on ? J’ai surtout voulu aller plus loin en me servant de mon expérience : outre mon activité de pilote, je suis conférenci­ère en entreprise­s, dans lesquelles je parle du travail en équipe, de la nécessité de s’adapter pour avancer ensemble et de se libérer de ses peurs ou de ses chaînes. C’est possible, j’en suis l’illustrati­on. Je sensibilis­e également au fait qu’un grand nombre de postes de travail, comme l’avion pour moi, sont adaptables aux porteurs de handicap. Il y a beaucoup de métiers où avoir des jambes ou non ne fait aucune différence. Je viens de créer avec un ami pilote voltigeur, handicapé aussi, l’associatio­n On a tous des rêves. Le but ? Emmener des chefs d’entreprise valides en baptême de l’air pour leur montrer notre efficacité, ou bien emmener des personnes handicapée­s qui doutent d’elles-mêmes ou souhaitent se lancer dans les métiers de l’aéronautiq­ue. Aujourd’hui, je suis une femme comblée grâce à cette passion à laquelle je n’ai pas renoncé. Ma vie privée m’apporte aussi beaucoup de bonheur. Je suis mariée à un ancien militaire de l’armée de l’air, maman d’une petite Charline âgée de 12 ans. Elle n’a aucune envie de piloter, mais elle adore se promener avec moi à la découverte du monde. Voir la vie en prenant de la hauteur, c’est merveilleu­x !

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