Maxi

TÉMOIGNAGE

« À mon tour, j’aide les autres avec mon chien »

- Par catherine Siguret

J’étais à bout de forces ce soir de Noël 2014 quand on a sonné à la porte, alors que mes deux enfants, Victor, 8 ans, et Éva, 16 ans, terminaien­t l’apéritif avec Yohan, mon mari. J’adore Noël, mais chaque fête de famille rappelait le drame de la nôtre : la perte de notre petite fille, Sacha, en cours de grossesse, alors que j’étais enceinte de cinq mois, à cause d’une tumeur cancéreuse à l’utérus. Depuis quatre ans, je ne m’en relevais pas et je le faisais supporter à ma famille bien malgré moi. L’angoisse me donnait des phobies, l’impression d’étouffer, je passais ma vie aux urgences, je faisais des radios, des analyses. Je n’avais rien, sauf la sensation d’une mort imminente toujours possible. Je passais plus de temps à la maison en arrêt maladie qu’à mon poste d’aide-soignante. Les médecins me prescrivai­ent des calmants, sans me remettre d’aplomb. Je n’avais même plus envie de sortir. Quand Yohan m’a demandé ce que je voulais, j’aurais bien dit « un enfant », mais ce n’était plus possible, alors j’ai répondu : « un bébé chien ». Mais nous avions déjà la vieille Mamie, un golden retriever, cousin du labrador, et un chat. Malgré le grand terrain que nous avons, Yohan ne voulait pas d’une ménagerie. Il me regardait promener ma tristesse, dont j’essayais de protéger mes enfants tant bien que mal. Je m’efforçais de donner le change ce fameux soir de Noël, quand je suis allée ouvrir au mystérieux visiteur. Devant moi se tenait le Père Noël en tenue officielle (notre voisin déguisé) et, derrière lui, un sac… qui bougeait. Et très vite est sortie de ce sac la tête d’un bébé golden ! C’était Baïla. Cela faisait des années que je n’avais pas été aussi heureuse de ma vie. Elle est tout de suite allée se poster sous le sapin, d’où elle nous regardait avec ses yeux si bons. J’étais heureuse comme je ne l’avais plus été depuis des années. Dès le lendemain, il a fallu évidemment la nourrir, la câliner, la brosser. J’ai tout de suite fait un transfert sur le chien de mes désirs de maternité brisés. Baïla était « mon bébé ». Pour la socialiser, il a fallu la sortir, se promener dans les rues, loin de notre jardin et, pour la première fois depuis bien longtemps, j’ai réussi à affronter le bruit, la foule, les gens et à échanger avec eux : « Quel âge a votre petite chienne ? Comment s’appelle-t-elle ? » Au fil des jours, je suis comme revenue au monde. Ce que les gens que j’aime et qui m’aiment n’avaient pas réussi à faire, le chien y est parvenu. Tout simplement parce qu’il ne connaissai­t pas ma tragédie et me ramenait à des années d’enfance où le chien avait tant compté. De 4 à 18 ans, j’ai grandi entourée par l’amour de mes grands-parents paternels qui m’ont élevée après que ma mère, très jeune et immature, m’a abandonnée à mon père. Quand j’étais triste, quand j’avais un secret à confier, je prenais le chien et je me sentais entendue, consolée, plus seule du tout. Parfois, j’allais même m’installer dans son panier ! Baïla est devenue ce chien-consolatio­n qui me manquait tant, un bébé de substituti­on autant qu’un garde-fou, c’est le cas de le dire, car parfois j’avais l’impression de devenir folle ! Comme je savais très bien qu’un chien absorbe l’état de son maître, je ne pouvais donc pas me laisser aller, la mine sombre, affalée sur le canapé. J’aurais abîmé cette boule de vie. En six mois, c’était une résurrecti­on ! Un an plus tard, j’ai failli la perdre quand elle a chuté dans un ravin inaccessib­le, en haute montagne*. Lorsque les secours l’ont localisée, miraculée, je me suis juré de lui faire faire des petits : elle resterait ainsi quelque part, éternelle, et elle vengerait également ma maternité volée ! Mais je ne m’attendais pas à avoir cette idée d’aider autrui, et qui a changé ma vie : réconforte­r d’autres personnes grâce à mon chien ! Yohan a tout de suite dit : « Moi, je veux aussi mon chien, je garde un petit mâle ! » Ma fille et mon fils ont enchaîné : « On veut le nôtre ! » Du coup, on a cinq golden à la maison, si on ajoute Baïla et Mamie ! Pour quelqu’un qui ne voulait pas de ménagerie, c’est raté. En reprenant le travail auprès des personnes âgées,

L’animal fait sortir les personnes âgées de leur isolement

j’avais observé que la présence d’un chien les changeait du tout au tout : l’animal les fait sortir de leur isolement. C’est comme ça que j’ai décidé de faire passer à mes chiens l’examen de « chien visiteur ». Le diplôme est délivré aux animaux très calmes, seuls habilités à fréquenter les Ehpad. Mao, le plus zen et le plus appliqué de mes chiens, a été sélectionn­é. Tous les quinze jours, je pars travailler avec lui, bénévoleme­nt. Mao donne délicateme­nt la patte aux personnes âgées, qui se mettent subitement à communique­r alors qu’elles sont renfermées, ou se décident à marcher pour sortir avec lui et, surtout, retrouvent le sourire. Il visite aussi une grand-mère de 90 ans, à domicile, dont le fils me dit : « Après votre venue, elle est métamorpho­sée pour plusieurs heures ! » Je réponds que je vois tout à fait de quoi il parle, puisque moi aussi j’ai bénéficié de ce soutien ! Non seulement j’ai retrouvé le moral, mais aussi la forme en perdant du poids, parce qu’avec cinq golden, on ne reste pas longtemps inactive ! » Nathalie * Nathalie Marche a écrit et publié à son compte sa mésaventur­e, Danse comme la neige. On peut le commander sur sa page Facebook personnell­e ou sur la page « Danse comme la neige ».

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