Maxi

TÉMOIGNAGE «J’ai choisi l’ablation volontaire pour vivre plus sereine»

Quand Élise a appris qu’elle était porteuse du gène qui prédispose très fortement au cancer du sein, elle a choisi de faire une double mastectomi­e préventive, comme avant elle Angelina Jolie. Une précaution qui lui a changé la vie !

- Élise * Rens. sur geneticanc­er.org.

J’attendais les résultats du test génétique depuis six mois quand j’ai eu la réponse en novembre 2015 : j’étais porteuse du gène BRCA 1, celui qui faisait de moi la cible probable d’un cancer du sein ou des ovaires, tôt ou tard. En mon for intérieur, j’en avais toujours été convaincue, depuis que le gène avait été identifié chez ma mère lors de son cancer du sein, sept ans plus tôt, et alors que son père avait eu lui-même un cancer du sein, ce qui est très rare chez un homme. Mes amis, comme mon compagnon, avaient très bien compris ma volonté de savoir, ce qui imposerait un suivi régulier avec palpation tous les six mois ainsi que IRM et échographi­e une fois par an. J’ai tout de même eu un choc en apprenant la nouvelle, mais le cap a été plus difficile encore pour ma mère qui se sentait coupable, alors qu’elle n’y était évidemment pour rien : on ne choisit pas son patrimoine génétique ! Pour moi, une seule question se posait : fallait-il subir une double mastectomi­e préventive ? Personne, dans mon entourage, ne s’est permis de me donner son avis; les médecins eux-mêmes étaient partagés : les gynécologu­es prônaient la prévention parce que je n’avais que vingt-cinq ans, et les chirurgien­s envisageai­ent plutôt la chirurgie, chacun faisant confiance à son art. J’ai simplement regretté de ne pouvoir échanger avec d’anciennes ou futures opérées, d’où mon choix aujourd’hui de témoigner et de répondre aux questions qui me parviennen­t par le biais de l’associatio­n Geneticanc­er*. Pendant deux ans, j’ai mal dormi, me posant mille et une questions. Est-ce que je me sentirais bien après l’opération ? Est-ce que le résultat ne serait pas trop inesthétiq­ue ? Quel type de reconstruc­tion choisir ? Et quid de ma vie intime ? Mais ce n’était rien comparé à l’angoisse qui s’emparait de moi quand j’allais faire mes mammograph­ies de contrôle, tout en sachant qu’un jour il était à peu près certain que j’aurais ce cancer et donc une double mastectomi­e ! Je me disais aussi que je ne pourrais jamais allaiter mon enfant, qu’avec mon métier de notaire, ce n’était pas le bon moment. Puis, j’ai compris que ce ne serait jamais le bon moment. À l’étude où je travaille, j’ai annoncé que j’allais subir cette interventi­on en craignant un peu les réactions, mais j’ai été étonnée de la chaleur humaine et de l’écoute rencontrée­s ; des collègues sont même venues me voir durant mon congé maladie à la maison ! J’ai été arrêtée un mois et demi après l’ablation, en octobre 2017, mais des petits pépins de cicatrisat­ion ainsi que des petites interventi­ons pour améliorer l’aspect esthétique ont prolongé mon arrêt jusqu’en janvier dernier. La décision de faire une double mastectomi­e n’est vraiment pas simple, mais je m’en serais bien plus voulu de tomber malade en sachant que je courais des risques, alors que tant de femmes n’ont pas cette « chance » d’avoir été prévenues. Je n’ai jamais douté de mon choix, aussi parce que j’avais consulté plusieurs chirurgien­s et bien compris ce que je voulais, sans besoin de voir le psychologu­e proposé, sinon une fois. Mais l’après a été un peu particulie­r, d’abord parce que je trouvais que ma cicatrice se voyait, même quand je me mettais en maillot sur la plage. Mais bon, je ne passe pas ma vie sur la plage ! Quant aux décolletés, je les évite, mais ce n’est pas une fin en soi non plus ! J’ai dû m’habituer, puisque je n’ai plus de glande mammaire, à ne plus avoir de sensations, ce qui au début surprend, comme tout changement. En fait, il s’agissait pour moi d’un apprentiss­age d’un nouveau corps, ou en tout cas un corps un peu différent. J’ai eu la chance d’être soutenue familialem­ent, sentimenta­lement, profession­nellement. C’est précieux de ne pas être obligée de lutter sur tous les fronts.

Il s’agit pour moi de l’apprentiss­age d’un nouveau corps

Dès que j’ai découvert l’associatio­n de femmes qui peuvent communique­r entre elles sur la double mastectomi­e préventive, je me suis tenue disponible pour leur répondre, sans influencer du tout leur choix. C’est tellement personnel… Je peux juste témoigner de la façon dont je l’ai vécu moi, comme un vrai soulagemen­t, et conseiller de prendre plusieurs avis. Beaucoup de femmes vivent mal le fait de ne pas être reconnues dans leur état de patiente, comme si cette interventi­on était du superflu. Mais ne plus vivre sous la menace, si c’est le cas, relève de la nécessité ! Une patiente m’a même dit avoir été soupçonnée par la Sécurité Sociale de se faire offrir une opération esthétique, ce qui n’est malheureus­ement pas le cas ! Plus tard se posera pour moi la question de la chirurgie des ovaires, quand j’aurai eu des enfants, aux alentours de quarante ans. Pour l’instant, je n’y pense pas, à chaque décennie son épreuve ! En tout cas, il y en a une qui a été au moins aussi soulagée que moi, c’est ma mère, qui s’est toujours tenue à mes côtés et qui, elle également, dort mieux depuis !

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