Maxi

TÉMOIGNAGE « Il faut sauver la ferme de mes parents »

Alors que la maison de ses parents agriculteu­rs, lourdement endettés, allait être saisie, Émilie a trouvé la solution pour leur redonner le sourire…

- Émilie * Renseignem­ents sur leetchi.com/c/aider-une-familleau-bord-de-la-rue.

Cette année, j’ai profité des vacances pour faire un stage chez un vétérinair­e. C’est mon rêve depuis que je suis toute petite ! Ce n’est pas très surprenant quand on songe que j’ai grandi à la campagne, au milieu d’animaux… Mes parents étaient agriculteu­rs avant ma naissance. Ils ont eu trois enfants et ne nous en veulent pas d’envisager un autre métier que le leur. Même si je ne suis encore qu’une adolescent­e, je sais que leur vie est dure. Mais je crois qu’ils ont compris qu’ils pouvaient compter sur moi dans les moments difficiles… C’est ici, à Madaillan, dans le Lot-et-Garonne, que mon père a acheté une exploitati­on de 35 hectares, il y a trente ans, avec ma maman. Cela lui a sans doute paru évident. Étant luimême fils d’agriculteu­r, il a repris des terres de mon grand-père qui était devenu trop âgé pour s’en occuper. Avec ma mère, ils ont inauguré une ferme qu’ils ont baptisée « Au terroir de Mumu et Jojo ». Ils y cultivent des légumes et des céréales. Ils font de l’élevage de volailles, de poulets, de pintades, d’oies et de canards, qu’ils vendent à la ferme et sur les marchés de la région. J’ai grandi avec tout cela et mon enfance est bercée de jolis souvenirs. L’histoire aurait pu être si belle dans cette région magnifique ! Au Nord, il y a la vallée du Lot. Au Sud, la vallée de la Garonne. Et à l’Est, les plateaux du Quercy blanc… Mais nous n’en avons guère profité. Il y a dix ans, les choses ont changé. J’ai commencé à voir mes parents travailler sept jours sur sept, toute la journée, et surtout rentrer le soir avec la boule au ventre. Ils exercent un beau métier, mais tellement difficile ! Les revenus sont faibles et les dépenses, immenses. Longtemps, ils ont essayé de nous faire vivre, à cinq, avec 800 euros par mois. Il y a cinq ans, pour respecter la loi, ils ont investi plus de 100000 euros pour construire un abattoir aux normes pour leurs volailles. Alors qu’ils croulaient déjà sous les factures impayées, ils n’ont pas eu de chance : l’année suivante, le Sud-Ouest a été touché par la grippe aviaire ! Le ministère a annoncé que les éleveurs devaient geler leur production jusqu’à l’éradicatio­n de la maladie. Pendant ce temps, notre famille s’est enfoncée dans la spirale du surendette­ment. La maison et la ferme ont été hypothéqué­es. En début d’année, ils ont calculé qu’ils avaient besoin de 450000 euros pour pouvoir éponger leurs dettes. Sinon, tout ce qu’ils ont bâti sera saisi… Je voyais bien que mes parents n’y arrivaient pas. Alors, il y a quelques mois, j’ai décidé de les aider… en cachette. Je savais qu’il existait des sites où l’on pouvait faire appel à la générosité des autres. Mes parents ne connaissen­t pas grand-chose à Internet et j’ai préparé mon projet dans mon coin. J’ai décidé de lancer une cagnotte en ligne, car je veux sauver la ferme de mes parents. Après tout, nous n’avions plus rien à perdre ! Je suis allée sur le site Leetchi.com et j’ai présenté mon initiative. Sans avertir mes parents, j’ai publié une lettre intitulée « Aider une famille au bord de la rue* ». J’ai commencé mon texte avec des mots simples mais directs : « Je m’appelle Émilie, j’ai 15 ans et j’ai besoin d’écrire sur un sujet qui me tient à coeur, ma famille. J’ai envie de l’aider car je ne supporte plus de la voir comme cela. Mes parents sont tristes, toujours de mauvaise humeur et, parfois même, en dépression. » Sans faire de misérabili­sme, j’ai voulu décrire le quotidien de beaucoup de familles d’agriculteu­rs. À la maison, nous nous privons de tout. Pas de vacances depuis neuf ans, pas de cinéma, pas de sorties, pas de vêtements à la mode… Mais surtout, et c’est cela le plus injuste, nous avons des parents qui bossent d’arrachepie­d, qui aiment leur métier et qui naviguent pourtant entre la tristesse, la colère et la précarité… Mes parents ont été bouleversé­s quand je leur ai révélé mon initiative. Ils ne m’en ont pas voulu de révéler leurs difficulté­s. Comme moi, ils sont prêts à tout tenter pour s’en sortir… Nous avons eu raison, car l’élan de solidarité a été incroyable. En quelques semaines, nous avons rassemblé la moitié de la somme réclamée ! Les choses ont commencé doucement. Heureuseme­nt, il y a eu un petit article dans la presse locale et la fusée est partie ! Mon père a même été invité à la télévision pour parler des difficulté­s des agriculteu­rs. Les gens ont été sensibles à mon appel et, depuis, le nombre

J’appelle cet élan de générosité “la magie des gens qui ont du coeur”

de donateurs grimpe de jour en jour. Récemment, nous avons dépassé la barre des 8 000 participan­ts. Nous avons reçu des dons de voisins, mais aussi et surtout d’anonymes en France et même à l’étranger. Des parents d’élèves de ma classe ont aussi donné. Moi, j’appelle cet élan de générosité « la magie des gens qui ont du coeur ». L’objectif est de récolter 450000 euros. Je sais que c’est une somme énorme. Si l’on obtient la totalité de l’argent, mes parents auront remboursé toutes leurs dettes, payé les banques et réglé les contentieu­x. Au moment où je vous parle, nous avons près de 300000 euros, ce qui est déjà formidable. Ils pourront régler une partie de leurs dettes et, surtout, sortir la tête de l’eau et respirer ! D’autres nous ont aidés autrement en venant faire les courses à la ferme ou en leur achetant des produits sur les marchés. Je suis tellement heureuse de leur avoir redonné un peu le sourire. Je ne suis pas très objective, mais j’ai la meilleure famille du monde entier !

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