C’EST D’ACTUALITÉ
Grâce à Internet, les sectes peuvent recruter rapidement et de manière masquée un public beaucoup plus important. Pour éviter de tomber dans leur piège, restons vigilants !
Démasquer les sectes pour mieux s’en protéger
Moon, Hare Krishna, Raël… Ces sectes bien connues ont beaucoup fait parler d’elles dans les années 1980 et 1990. Décriées, parfois condamnées, elles ont aujourd’hui été remplacées par d’autres, qui agissent plus discrètement, mais dont l’objectif reste le même : mettre un individu sous emprise pour lui faire faire ce que l’on veut, notamment lui soutirer de l’argent. Si l’on parle désormais davantage de dérives sectaires pour désigner la mise sous emprise d’une personne, c’est aujourd’hui sur les réseaux sociaux et sur Internet que ces gourous et leurs adeptes agissent.
Très actives sur Internet et les réseaux sociaux
Comment manger plus sain ? Où trouver un stage de développement personnel ? Avez-vous déjà eu des maux de ventre que rien ne faisait passer ? Laquelle d’entre nous n’a jamais tapé ce genre de questions sur son ordinateur cherchant des réponses à ses inquiétudes ou ses interrogations. Mais en surfant sur la Toile, nous laissons des traces, appelées « cookies », qui permettent à des sociétés de connaître nos centres d’intérêt ou nos préoccupations, afin de nous proposer des produits adaptés : après une recherche sur un cours de yoga, vous avez probablement vu apparaître, sur votre page d’accueil Internet, des propositions pour des stages. La plupart du temps, ces « cookies » émanent de simples sociétés commerciales, mais parfois, ce sont des sectes. Ainsi, de nos jours, plus besoin de venir à la rencontre des gens, dans la rue ou en faisant du porte à porte : les sectes se cachent facilement derrière des sites, des blogs, des vidéos, des forums et autres groupes Facebook en apparence anodins. Tranquillement installés derrière leur écran, gourous ou leaders peuvent créer leur communauté et diffuser leurs principes sans que l’on sache qui ils sont ni où ils se trouvent. « Il y a 30 ans, notre association, qui a pour but d’identifier les mouvements sectaires et d’aider les victimes, traitait deux cents dossiers de signalement par an provenant de sectes clairement identifiables, indique Didier Pachoud, président de l’association Gemppi (voir encadré). Aujourd’hui, nous en traitons au moins mille deux cents par an, qui concernent une multitude de mouvements. Nous devons en permanence nous mettre à jour et traquer les sites qui ferment sous un nom, mais qui ouvrent sous un autre. »
Leurs domaines de prédilection
Santé, bien-être, développement personnel sont devenus des secteurs d’approche. « Pendant longtemps, j’ai souffert de rhumatismes que je cherchais à soulager par tous les moyens, raconte Martine. En faisant des recherches sur Internet, j’ai fini par trouver un thérapeute qui m’a proposé de “mieux faire circuler mes énergies”. Je l’ai vu lors de plusieurs consultations à 150 euros, qui ne m’ont pas vraiment soignée, mais sa façon de m’écouter, de prendre mes douleurs au sérieux et de s’adresser à moi avec empathie m’a redonné du courage et de l’espoir. Lorsqu’il m’a proposé de suivre une formation pour apprendre
moi-même à soulager mes douleurs, j’ai accepté : j’ai dépensé 12000 euros en deux ans. Jusqu’à ce qu’une de mes amies m’ouvre les yeux… » Si tous les thérapeutes et « coachs » de vie ne sont pas des gourous, la « mode » du développement personnel, du bien-être, ainsi que notre préoccupation légitime à être en bonne santé permettent aux sectes de trouver facilement des proies : repérant leurs victimes sur les forums quand ces dernières évoquent leurs difficultés, les gourous et adeptes savent trouver les mots qui rassurent et qui mettent en confiance. Peu à peu, ils incitent la victime à acheter un livre ou un DVD, à participer à une conférence, à venir en consultation, à suivre un stage et encore un autre. La victime rencontre de nouveaux amis qui partagent ses préoccupations et la comprennent mieux que son entourage habituel… « Ces prédateurs utilisent des techniques de manipulation qui leur permettent de prendre progressivement le contrôle sur un individu, affirme Anne Josso, secrétaire générale de la Miviludes (voir encadré). Ils isolent peu à peu leur proie et la coupe de ses proches en lui expliquant que tout ce qui est extérieur au groupe est toxique. » Ainsi, si le mouvement sectaire estime, par exemple, que seuls le citron et la méditation permettent de guérir et d’atteindre la sérénité, ses adeptes expliqueront aux nouveaux membres que ceux qui prétendent l’inverse sont dans l’ignorance, que les études montrant le contraire sont truquées… Et cela peut avoir des conséquences graves sur la santé si la victime retarde des soins voire refuse d’y recourir. « Tout le monde peut être abusé, reprend Anne Josso. Il suffit d’une période où l’on est particulièrement fragile en raison d’un deuil, d’une rupture, d’un problème de santé, par exemple, pour être plus vulnérable ! »
Des doutes à propos d’un proche ?
Philippe n’a rien vu venir : quand sa femme l’a quitté sur le conseil de son coach, elle lui a expliqué qu’elle avait « atteint un niveau supérieur que lui, son époux, ne pourrait pas atteindre sous prétexte qu’il était bloqué par des mauvaises ondes ». Si l’on observe des changements dans le comportement d’un proche (désintérêt pour ses loisirs habituels, changement radical de groupe d’amis…), dans ses habitudes alimentaires (il se met à ne manger que des aliments blancs par exemple ou que des fruits…), dans son vocabulaire (il parle soudain de vies antérieures, de bonnes ondes…), il faut réagir. « Les gens viennent souvent nous voir alors que la personne est déjà très embrigadée, ce qui rend plus difficile le détachement de la victime, précise Didier Pachoud, président du Gemppi. Or, mieux vaut s’informer pour rien, que d’attendre de trop. » Aux côtés des familles, la Miviludes répertorie les associations d’aide aux victimes et à leurs proches. « Si l’on pense qu’un membre de son entourage est embrigadé, il est essentiel de maintenir le contact avec lui, ajoute Joséphine Cesbron, présidente de l’Unadfi (voir encadré). Il ne faut donc pas rejeter en bloc les nouvelles idées qu’il profère, aussi farfelues soient-elles, mais plutôt lui demander comment il est au courant de cela ? Qui le lui a dit ? Ce qu’il en pense… » Et si la personne est déjà sous emprise, il faut lui rappeler les bons moments de sa vie d’avant : montrez-lui des photos du mariage d’Untel, de son anniversaire avec toute la famille réunie, parlez-lui du bonheur ressenti lors des vacances passées avec des amis ou des membres de la famille… Le but est de ne pas laisser le mouvement sectaire l’isoler.