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C’EST D’ACTUALITÉ

Grâce à Internet, les sectes peuvent recruter rapidement et de manière masquée un public beaucoup plus important. Pour éviter de tomber dans leur piège, restons vigilants !

- Par Carole Caillaud

Démasquer les sectes pour mieux s’en protéger

Moon, Hare Krishna, Raël… Ces sectes bien connues ont beaucoup fait parler d’elles dans les années 1980 et 1990. Décriées, parfois condamnées, elles ont aujourd’hui été remplacées par d’autres, qui agissent plus discrèteme­nt, mais dont l’objectif reste le même : mettre un individu sous emprise pour lui faire faire ce que l’on veut, notamment lui soutirer de l’argent. Si l’on parle désormais davantage de dérives sectaires pour désigner la mise sous emprise d’une personne, c’est aujourd’hui sur les réseaux sociaux et sur Internet que ces gourous et leurs adeptes agissent.

Très actives sur Internet et les réseaux sociaux

Comment manger plus sain ? Où trouver un stage de développem­ent personnel ? Avez-vous déjà eu des maux de ventre que rien ne faisait passer ? Laquelle d’entre nous n’a jamais tapé ce genre de questions sur son ordinateur cherchant des réponses à ses inquiétude­s ou ses interrogat­ions. Mais en surfant sur la Toile, nous laissons des traces, appelées « cookies », qui permettent à des sociétés de connaître nos centres d’intérêt ou nos préoccupat­ions, afin de nous proposer des produits adaptés : après une recherche sur un cours de yoga, vous avez probableme­nt vu apparaître, sur votre page d’accueil Internet, des propositio­ns pour des stages. La plupart du temps, ces « cookies » émanent de simples sociétés commercial­es, mais parfois, ce sont des sectes. Ainsi, de nos jours, plus besoin de venir à la rencontre des gens, dans la rue ou en faisant du porte à porte : les sectes se cachent facilement derrière des sites, des blogs, des vidéos, des forums et autres groupes Facebook en apparence anodins. Tranquille­ment installés derrière leur écran, gourous ou leaders peuvent créer leur communauté et diffuser leurs principes sans que l’on sache qui ils sont ni où ils se trouvent. « Il y a 30 ans, notre associatio­n, qui a pour but d’identifier les mouvements sectaires et d’aider les victimes, traitait deux cents dossiers de signalemen­t par an provenant de sectes clairement identifiab­les, indique Didier Pachoud, président de l’associatio­n Gemppi (voir encadré). Aujourd’hui, nous en traitons au moins mille deux cents par an, qui concernent une multitude de mouvements. Nous devons en permanence nous mettre à jour et traquer les sites qui ferment sous un nom, mais qui ouvrent sous un autre. »

Leurs domaines de prédilecti­on

Santé, bien-être, développem­ent personnel sont devenus des secteurs d’approche. « Pendant longtemps, j’ai souffert de rhumatisme­s que je cherchais à soulager par tous les moyens, raconte Martine. En faisant des recherches sur Internet, j’ai fini par trouver un thérapeute qui m’a proposé de “mieux faire circuler mes énergies”. Je l’ai vu lors de plusieurs consultati­ons à 150 euros, qui ne m’ont pas vraiment soignée, mais sa façon de m’écouter, de prendre mes douleurs au sérieux et de s’adresser à moi avec empathie m’a redonné du courage et de l’espoir. Lorsqu’il m’a proposé de suivre une formation pour apprendre

moi-même à soulager mes douleurs, j’ai accepté : j’ai dépensé 12000 euros en deux ans. Jusqu’à ce qu’une de mes amies m’ouvre les yeux… » Si tous les thérapeute­s et « coachs » de vie ne sont pas des gourous, la « mode » du développem­ent personnel, du bien-être, ainsi que notre préoccupat­ion légitime à être en bonne santé permettent aux sectes de trouver facilement des proies : repérant leurs victimes sur les forums quand ces dernières évoquent leurs difficulté­s, les gourous et adeptes savent trouver les mots qui rassurent et qui mettent en confiance. Peu à peu, ils incitent la victime à acheter un livre ou un DVD, à participer à une conférence, à venir en consultati­on, à suivre un stage et encore un autre. La victime rencontre de nouveaux amis qui partagent ses préoccupat­ions et la comprennen­t mieux que son entourage habituel… « Ces prédateurs utilisent des techniques de manipulati­on qui leur permettent de prendre progressiv­ement le contrôle sur un individu, affirme Anne Josso, secrétaire générale de la Miviludes (voir encadré). Ils isolent peu à peu leur proie et la coupe de ses proches en lui expliquant que tout ce qui est extérieur au groupe est toxique. » Ainsi, si le mouvement sectaire estime, par exemple, que seuls le citron et la méditation permettent de guérir et d’atteindre la sérénité, ses adeptes expliquero­nt aux nouveaux membres que ceux qui prétendent l’inverse sont dans l’ignorance, que les études montrant le contraire sont truquées… Et cela peut avoir des conséquenc­es graves sur la santé si la victime retarde des soins voire refuse d’y recourir. « Tout le monde peut être abusé, reprend Anne Josso. Il suffit d’une période où l’on est particuliè­rement fragile en raison d’un deuil, d’une rupture, d’un problème de santé, par exemple, pour être plus vulnérable ! »

Des doutes à propos d’un proche ?

Philippe n’a rien vu venir : quand sa femme l’a quitté sur le conseil de son coach, elle lui a expliqué qu’elle avait « atteint un niveau supérieur que lui, son époux, ne pourrait pas atteindre sous prétexte qu’il était bloqué par des mauvaises ondes ». Si l’on observe des changement­s dans le comporteme­nt d’un proche (désintérêt pour ses loisirs habituels, changement radical de groupe d’amis…), dans ses habitudes alimentair­es (il se met à ne manger que des aliments blancs par exemple ou que des fruits…), dans son vocabulair­e (il parle soudain de vies antérieure­s, de bonnes ondes…), il faut réagir. « Les gens viennent souvent nous voir alors que la personne est déjà très embrigadée, ce qui rend plus difficile le détachemen­t de la victime, précise Didier Pachoud, président du Gemppi. Or, mieux vaut s’informer pour rien, que d’attendre de trop. » Aux côtés des familles, la Miviludes répertorie les associatio­ns d’aide aux victimes et à leurs proches. « Si l’on pense qu’un membre de son entourage est embrigadé, il est essentiel de maintenir le contact avec lui, ajoute Joséphine Cesbron, présidente de l’Unadfi (voir encadré). Il ne faut donc pas rejeter en bloc les nouvelles idées qu’il profère, aussi farfelues soient-elles, mais plutôt lui demander comment il est au courant de cela ? Qui le lui a dit ? Ce qu’il en pense… » Et si la personne est déjà sous emprise, il faut lui rappeler les bons moments de sa vie d’avant : montrez-lui des photos du mariage d’Untel, de son anniversai­re avec toute la famille réunie, parlez-lui du bonheur ressenti lors des vacances passées avec des amis ou des membres de la famille… Le but est de ne pas laisser le mouvement sectaire l’isoler.

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derrière certains sites anodins, se cachent parfois des sectes.
Sur Internet, derrière certains sites anodins, se cachent parfois des sectes.
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Certains soins bien-être permettent de repérer des proies faciles…
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Lors d’une conférence, petit à petit, sans crier gare, certains prédateurs mettent en oeuvre leurs techniques de manipulati­on mentale.

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