Témoignage
“Pour préserver la planète, je crée des produits de beauté naturels et zéro déchet”
J’ai toujours voulu entreprendre, trouver « la » bonne idée à développer. Cela me vient de mon père: il était fasciné par les inventeurs. Je me souviens qu’un jour, il m’a dit devant une pince à linge : « C’est tout simple : il suffisait d’y penser ! » J’avais 10 ans et dès lors, moi aussi, j’ai eu envie de trouver mon idée toute simple !
J’ai commencé à développer ma fibre d’entrepreneuse à l’université d’Angers, où j’ai
étudié la communication : avec un ami, nous avions créé un site Internet qui référençait tout ce qui existait autour de la fac pour les étudiants. Restauration à emporter, librairies, bars, discothèques… Nous avions monté des partenariats avec les gérants des lieux que nous mentionnions pour proposer des cartes de réduction aux étudiants. Nous en avons vendu deux: une à ma soeur et l’autre à une amie. J’ai compris que pour créer son entreprise, il fallait y consacrer beaucoup d’énergie. Je me sentais prête !
Quelques mois plus tard, lors de vacances à Paris, j’ai rencontré une Américaine qui avait inventé un sac à dos doté d’un panneau solaire intégré, permettant de recharger son téléphone portable. L’idée me semblait formidable et je lui ai proposé de distribuer ses sacs à dos en France. Là aussi, j’ai déployé beaucoup d’énergie pour en vendre… une petite dizaine. Mais j’ai vite été frustrée, car les sacs, fabriqués en Chine, étaient de piètre qualité. Cette façon de produire ne correspondait pas à mes valeurs : je voulais m’inscrire dans une démarche écologique en proposant des produits de qualité, confectionnés avec attention.
Le hasard m’a mise sur la piste des produits
de beauté. C’était il y a 10 ans, j’étais en weekend avec des amis et j’avais oublié mon démaquillant. Je me suis donc couchée maquillée et, le lendemain, après ma douche, j’ai passé ma serviette en microfibres sur mon visage pour le sécher : le maquillage qui restait sur ma figure est venu d’un coup! Cela m’a arraché quelques cils, mais devant les traces de fards et de mascara, je me suis dit que je tenais enfin « ma pince à linge », c’està-dire cette idée-toute-simpleà-laquelle-il-suffisait-de-penser: j’allais créer une lingette en microfibres ultra-douce (pour éviter d’y laisser ses cils), permettant un démaquillage à l’eau. Je voulais que cette lingette soit lavable et réutilisable des centaines de fois. À cette époque, j’étais sur le point de me lancer dans la création et la vente de tatouages éphémères pour adulte. L’idée me plaisait moyennement à cause du côté périssable du produit, mais j’ai décidé de tenter l’aventure afin de me familiariser avec le lancement d’entreprise. J’ai ainsi pu commettre toutes les erreurs dans lesquelles tombent souvent les jeunes entrepreneurs au début de leur aventure : j’ai oublié la TVA sur une facture, ce qui a annulé toute la marge que j’aurais pu faire; je me suis laissée persuader par un fournisseur qu’il valait mieux commander mille tatouages, car cela revenait moins cher qu’une centaine, sauf que je n’en ai vendu qu’une dizaine… En parallèle, je cherchais mon tissu en microfibres très doux. En surfant sur Internet, j’ai fait le tour des fabricants pour leur demander de m’envoyer des échantillons. J’ai fini par jeter mon dévolu sur une lingette rose, fine et ronde. Pour la commercialiser, il ne me manquait que le nom de la société. Un ami géorgien l’a trouvé: « Lamazuna » qui veut dire « jolie fille » dans sa langue!
J’ai ainsi lancé la société* en décembre 2010. Je gagnais alors ma vie en travaillant dans une TPE où nous étions deux et je consacrais tout mon temps libre à Lamazuna. J’ai multiplié les petits salons professionnels pour faire connaître mon produit, que j’envoyais également aux blogueuses afin qu’elles en parlent. Grâce à cela, je faisais quelques ventes. En même temps, je réfléchissais à développer une gamme de produits : je voulais qu’ils soient naturels, végans, fabriqués en France et qu’ils ne laissent pas de déchet. C’est ma façon de contribuer à protéger la planète. Mon désir est que ces produits aient, en supplément, une véritable valeur ajoutée, à l’instar de la lingette qui est pratique pour partir en vacances car elle remplace coton et lotion. Dans cette optique, j’ai
lancé, en 2013, la Cup féminine, qui permet de se passer des tampons et serviettes hygiéniques pour réduire ainsi les déchets. Puis, fin 2014, j’ai lancé un déodorant solide, ainsi qu’un shampoing, puis un dentifrice : ce sont des blocs que j’ai modelés en forme de cannelés. Ils ne contiennent que des ingrédients naturels et sont vendus dans des boîtes en carton. Quand ils sont terminés, il n’y a plus rien : pas de bouteilles en plastique à jeter !
Bien sûr, je ne connais rien à la cosmétique. Depuis le début, je travaille avec un petit laboratoire français qui m’a été recommandé par un fournisseur d’emballage. Je leur explique que je souhaite développer tel produit, en lui donnant telle forme, telle couleur, tel goût… et ils s’y mettent. Jusqu’en 2015, je vendais mes produits dans une sphère très confidentielle, à des amies, des amies d’amies… Mais j’ai appris à être patiente: j’étais sûre que ma gamme de cosmétiques allait trouver son public. Le succès est finalement arrivé, les commandes ont commencé à se multiplier. J’ai alors pu dégager mon premier salaire et, quelques mois plus tard, j’ai même réalisé ma première embauche. Aujourd’hui, nous sommes 55 salariés. Nous vendons à des boutiques bios, des parapharmacies et toujours à des particuliers. Régulièrement, je me pose devant ma poubelle de salle de bains et je regarde ce qu’elle contient en me demandant comment on pourrait remplacer tel déchet par un produit durable. Saiton jamais, s’il me venait une idée toute simple, comme disait mon père.