Maxi

La vogue des prénoms originaux

Éden, Zéphyr, Colette ou Natéo…

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Fini le temps où le calendrier inspirait les nouveaux parents! Aujourd’hui, plus de 35000 prénoms ont cours dans les registres d’état civil! Ils en disent long sur notre société.

Quand Hélène a accouché en février dernier, en pleine pandémie, elle a appelé sa petite fille… Ambre. « J’aimais surtout la sonorité de ce prénom, témoigne la jeune maman. Mais j’apprécie aussi qu’il rappelle la pierre, la terre et la nature. Cela tombe quand même très bien une année où on a été beaucoup enfermé, non? D’ailleurs, j’avais beaucoup hésité avec Céleste… » Elle n’a choisi ni Emma ni Gabriel, les deux prénoms les plus donnés en 2019*. « Il y aura clairement un avant et un après Covid », confirme Stéphanie Rapoport, coautrice de L’Officiel des Prénoms 2021 (éditions First).

Les prénoms proches de la nature ont la cote

Même si les statistiqu­es de l’Insee pour 2020 ne sont pas encore connues, les retours de terrain obtenus par cette experte sont clairs: les prénoms en rapport avec la nature gagnent du terrain. « C’est une tendance qui a commencé doucement au tournant de l’an 2000 et qui reflète notre nouveau rapport à la planète et à l’écologie », reprend Stéphanie Rapoport. Les petites Rose ou Violette côtoient désormais les Clémentine, Prune ou Myrtille. « Nous avons aussi vu apparaître des prénoms inédits, comme Éole et Éoline, Azur, Summer, Orso, Orion, ou même Soleil porté par 35 enfants cette année. Nous avons vécu deux mois de confinemen­t où nous avons énormément parlé de nature, d’écologie et du monde d’après. Et pour nous, il est évident que la pandémie va encourager ce type de prénom. Nous prédisons que Zéphyr, par exemple, qui avait déjà le vent en poupe, va connaître une croissance importante », ajoute

encore Stéphanie Rapoport. De son côté, le sociologue et spécialist­e des prénoms Baptiste Coulmont confirme la tendance. « Un prénom comme Éden a été donné 2200 fois en 2018, 2400 en 2019 et le sera probableme­nt au moins 2600 fois en 2020 », analyse l’auteur de Sociologie des prénoms (éd. La Découverte). « Il pourrait donc bientôt apparaître dans le top 20 des prénoms de garçons. » Et côté fille, Rose se maintient bien, attribué à 2700 fillettes en 2019.

Chaque année aussi, des prénoms anciens reviennent à la mode

Selon nos spécialist­es, d’autres prénoms anciens devraient aussi revenir au goût du jour. « Cette mode n’est pas nouvelle, poursuit Baptiste Coulmont. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on attend la mort d’une génération de porteurs d’un prénom pour les remettre en circulatio­n. Ainsi, quand il n’y a plus beaucoup d’hommes appelés Émile, le prénom réapparaît. » Mais là aussi, signe des temps, certains prénoms devraient réapparaît­re plus vite que prévu à cause du coronaviru­s. « C’est un autre effet collatéral de la pandémie, précise Stéphanie Rapoport. Il y a souvent, dans un prénom, l’idée de rendre hommage à des proches décédés. Or, nous savons que la pandémie a fauché prématurém­ent beaucoup de nos aînés. »

Statistiqu­ement, cette experte anticipe un retour plus rapide que prévu de prénoms à la mode dans les années 1940 et 1950. « Nous devrions avoir plus de nouveau-nés prénommés Lucien, Félix ou Émilien, chez les garçons, et Angèle, Nicole ou Colette, pour les filles. » Le prénom restera alors dans les annales familiales comme un hommage à un grand-père ou une marraine chers. Mais aussi, aux yeux de la société, comme le rappel d’une année particuliè­re, si ce proche a succombé à la Covid-19.

« En cela, un prénom est un témoignage de son époque », analyse Sarah Sauquet, autrice du dictionnai­re Un prénom de héros et d’héroïne (éd. Le Robert). « Un choix de prénom, c’est un message aux autres et au monde pour inscrire un enfant dans une histoire qui le dépasse. Dans le cas d’un grand-père ou d’une grand-mère décédé(e), cette année, il y a l’idée d’une transmissi­on d’un être cher parti peutêtre trop tôt. »

Et encore et toujours une volonté d’originalit­é

Mais c’est aussi la variété des prénoms en circulatio­n qui en dit long sur notre époque. Le saviez-vous? Près de 10 % des bébés portent des prénoms inventés (comme Fraise, Prune, etc.) ou avec une orthograph­e revisitée. « En fait, tout cela est possible grâce à l’assoupliss­ement de la loi en 1993, explique Stéphanie Rapoport. Avant, on choisissai­t dans le calendrier des saints, parmi des prénoms de personnage­s historique­s ou régionaux. Mais désormais, il est plus difficile pour un officier d’état civil de refuser un prénom. » Le sociologue Baptiste Coulmont rappelle aussi que l’imaginatio­n des parents a grandi avec l’évolution de la fonction sociale des prénoms. « Aujourd’hui, dans de nombreuses circonstan­ces de la vie comme au travail, on s’interpelle désormais par son prénom. On le voit aussi à l’école où, jusqu’à la fin du primaire, les professeur­s sont appelés par leur prénom. » D’où un désir de garantir davantage d’individual­ité à ses enfants.

Toutes les lectrices prénommées Véronique, Céline, Nathalie ou Christelle ont déploré des homonymes dans leurs classes. « Jadis, un prénom populaire pouvait être donné jusqu’à 5 % d’une classe d’âge, soit un enfant sur vingt. Aujourd’hui, cela arrive moins. Même les prénoms les plus courants sont rarement donnés à plus de 1 % des enfants », note Baptiste Coulmont. Et pour être original, tous les moyens sont bons avec une prime, cette année, aux orthograph­es ou variantes originales. Le populaire Mattéo devient plus original transformé en Natéo, porté par à peine par 1000 personnes en France. L’Officiel des Prénoms 2021 note ainsi qu’un prénom comme Kylian – parfois en hommage au footballeu­r Mbappé – peut se trouver… sous 58 formes différente­s! Les prénoms en vogue parlent aussi des célébrités d’une époque, comme en témoigne la popularité du prénom Louane, comme la chanteuse, également écrit Lou-Anne, entre autres. Dis-moi comment tu t’appelles et je te dirai quand tu es né(e)…

* Pour connaître le classement d’un prénom par année, rendez-vous sur le site insee.fr/fr/statistiqu­es/3532172.

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Les futurs parents orientent parfois leur choix vers des prénoms originaux, parfois ils vont puiser dans les prénoms anciens.

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